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Chapitre 5 Déploiement de la méthodologie

5.2 Bilan sur l’approche méthodologique

5.2.4 Développement d’un outil pour la conception

Lors de nos échanges en entreprise, un besoin souvent formulé par les concepteurs était de disposer d’un outil d’aide à la décision (ou système expert) pour faciliter le choix entre un « robot classique », un cobot, un simple manipulateur, ou d’autres dispositifs, à partir d’un certain nombre de critères. Nous présenterons d’abord la réponse que nous avons apportée et les perspectives qu’elle offre. Un système expert qui permettrait, à partir du besoin, d’orienter le concepteur vers un dispositif plutôt qu’un autre a l’avantage de produire une solution claire et immédiate111. Nous avons cependant relevé plusieurs points de vigilance vis-à-vis de l’utilisation d’un tel outil dans la conception.

Premièrement, l’utilisation d’un système expert peut pousser à se passer de l’analyse de l’activité, élément de base, irremplaçable de la méthodologie, par une simple réponse aux critères requis pour renseigner l’outil. Aussi, les paramètres à prendre en compte sont d’une variété et d’une quantité quasi-infinie, et leur importance dépend du point de vue (opérateur, encadrement, méthode, sécurité, concepteur, etc.). De ce fait, il est difficile d’imaginer la forme que prendrait un tel outil : un questionnaire ? Un arbre de décision ? Une grille de cotation ? Aucune solution envisagée ne faisait l’unanimité durant les discussions, et l’outil résultant serait vraisemblablement une « usine à gaz », dont les choix seraient difficiles à interpréter pour le concepteur. Le sujet qui en découle immédiatement est la responsabilité en cas de réponse inadaptée de l’outil : relève-t-elle de l’utilisateur ou du concepteur du logiciel ? De plus, ce type d’outil aurait pour sûr besoin d’une maintenance sur son contenu, étant donné le foisonnement de nouvelles technologies qui rendent possibles de nouvelles opérations années après années. Enfin, ce qui rend un tel système expert incompatible de l’approche cobotique est qu’il est motivé par le choix entre robot, cobot et manipulateur, c’est-à-dire le choix de matériel, de dispositifs techniques. Or, la cobotique ne s’intéresse pas simplement aux dispositifs techniques mais également aux rôles de l’homme et du robot pour réaliser la tâche.

En revanche, le besoin d’un outil qui soutienne les concepteurs pour prendre connaissance du panel des solutions possibles pour un poste nous semble pertinent, tant ces solutions leur sont parfois inconnues. Pour cela, nous avons tenté de classer les différents systèmes de travail. Nous nous sommes d’abord basés sur les travaux de classification des robots de Coiffet (1996), puisqu’il prend en compte à la fois la partie robotique et dans une moindre mesure le rôle de l’homme. Il choisit quatre critères : l’action de l’homme, le type de système de commande, la mobilité du robot, et le besoin de compréhension de l’environnement.

On a ainsi 72 combinaisons « théoriques » de systèmes robotiques (cf. Tableau 33), réduites à 21 et réparties entre système mobile et fixe (cf. Tableau 34).

111 Par exemple, Rossi et al. (2013) ont cherché à établir de façon méthodique une liste de critères adaptés aux Intelligent Assist Devices, moyens de manutention évolués.

Entités H Homme C Système de

commande R Robot E Environnement Caractéristiques

principales vis-à-vis de la tâche

1 Action

permanente 1 Boucle ouverte 1 À poste fixe 1 Entièrement connu 2 Action

intermittente 2 Régulation 2 Mobile 2 Partiellement connu 3 Pas d’action 3 Régulation et

réflexe 3 Mal connu 4 Régulation, réflexe et décision Nb. de cas théoriques 3 4 2 3 Total : 72

Tableau 33 : Tableau de classification des robots selon Coiffet (1996)

Robots fixes Robots mobiles

C1H1 Manipulateur ou télémanipulateur

manuel C1H1 Véhicule téléopéré en boucle ouverte

C1H3E1 Manipulateur séquentiel C1H3E1 Robot mobile type filoguidé C2H1 Télémanipulateur asservi manuel C2H1 Véhicule téléopéré avec

asservissements

C2H3E1 Robot playback C2H3E1 Robot mobile à commande

asservie sur trajectoire connue C3H1 Télémanipulateur asservi avec

sécurités et réactivité C3H1 Véhicule à téléopération asservie avec sécurités et réactivité

C3H3E1 Robot playback avec sécurités et

réactivité C3H3E1 C3H3E2 Robot mobile à évitement automatique d’obstacle avec ralliement d’objectif C4H1

C4H2

Téléopérateur assisté par ordinateur/contrôle supervisé

C3H3E3 Comme 6 mais sans ralliement d’objectif

C4H3E1 Robot avec générateur de plan C4H1

C4H2 Téléopération de véhicule à contrôle supervisé ou à commande hybride

C4H3E2 Robot avec générateur de plan et

adaptatif C4H3E1 Robot mobile autonome à générateur de plan C4H3E3 Robot autonome parfait C4H3E2 Comme en 9 mais adaptatif

C4H3E3 Robot mobile autonome parfait

Tableau 34 : Typologie des robots fixes et mobiles selon Coiffet (1996)

Pour notre application en cobotique, nous avons choisi de reprendre le besoin de mobilité du robot, qui a un impact fort sur la forme du système, le besoin de compréhension de l’environnement qui rejoint l’autonomie du robot112, et de détailler le rôle de l’homme dans le système, ne le résumant pas simplement à l’action. Le type de système de commande n’est pas à la portée d’un novice en

robotique, et il nous semble découler de la complexité de la tâche, c’est-à-dire du besoin de compréhension de l’environnement et du rôle de l’homme. Il n’a donc pas été conservé dans notre proposition. Nous avons par ailleurs ajouté la notion de colocalisation, qui a de grandes conséquences sur les éventuelles mesures de sécurités à mettre en place d’après la norme ISO 10218-2 (2011). Pour détailler le rôle de l’homme, nous avons tenté d’intégrer le modèle de l’opérateur présenté précédemment (cf. 2.1) de façon la plus accessible possible pour un concepteur n’ayant aucune notion de psychologie cognitive ou d’ergonomie. Ainsi, la simplification la plus compréhensible et efficace que nous ayons rencontrée est le cycle, décrit par l’IFSTTAR (Bellet, Mayenobe, & Bornard, 2010), de perception-cognition-action (cf. Figure 77).

Figure 77 : Schéma très simple de la cognition de l'IFSTTAR (Bornard, 2012)

Pour simplifier encore ce modèle, nous remplacerons le terme cognition par « décision/planification ». Nous avons pleinement conscience du caractère discutable et considérablement réducteur de cette simplification de la cognition. L’objet ici est simplement de proposer une description des types de systèmes cobotiques de façon la plus accessible possible pour inciter les concepteurs novices à prendre en compte l’homme dans le système. Les critères retenus pour trier les systèmes cobotiques pour la conception sont décrits dans le Tableau 35.

Dans le futur système, vis-à-vis de la tâche, …

l’opérateur sera expert en…

perception toujours/parfois/jamais décision/planification toujours/parfois/jamais

action toujours/parfois/jamais

le robot aura besoin de…

mobilité fixe/mobile

compréhension de

l’environnement inutile/partielle/poussée partage de l’espace de travail

avec l’homme toujours/parfois/seulement pour les cas transitoires et dégradés

Tableau 35 : Critères de classification retenus pour les systèmes de travail

De nombreux systèmes et types de systèmes ont ensuite été catégorisés suivant ces critères. Nous avons regroupé ces systèmes au maximum, pour arriver à une liste de 16 systèmes de travail. Le tableau de systèmes peut être filtré par les critères du Tableau 35, on obtient ainsi la liste des systèmes qui répondent aux critères. Le résultat de l’outil est plus descriptif que prescriptif, ce sont les réponses aux critères et les filtres qui éliminent les systèmes ne correspondant pas. Ainsi, en justifiant chaque filtre employé, on peut réduire les possibilités de solutions. Le choix final reste tout de même à valider, par exemple par le groupe de travail après avoir consulté des fournisseurs.

Cet outil a été implémenté sur le réseau d’entreprise du groupe Safran, afin d’être évalué par différents experts en robotique, ergonomes, concepteurs, chefs d’atelier, etc. Nous n’avons, au moment de la rédaction de cette thèse, pas encore récolté les retours des utilisateurs potentiels. La liste de systèmes et leur classification sont conçues de façon empirique et doivent être améliorées puis validées.

Pour tout de même répondre au besoin des roboticiens concernant le matériel à utiliser pour collaborer avec un robot, nous avons mis en place des bases de données de robots collaboratifs, d’effecteurs, capteurs et autres moyens dédiés à l’interaction homme-robot (cf. Figure 78). Elles sont plus largement décrites dans la thèse de David Bitonneau.

Figure 78 : Capture d'écran d'un extrait de la base de données des robots collaboratifs sur le réseau intranet Safran Group