• Aucun résultat trouvé

Les thérapies épigénétiques sont confrontées à d’importants obstacles

B. L’EFFICACITÉ RESTANT À AMÉLIORER DES THÉRAPIES

2. Les thérapies épigénétiques sont confrontées à d’importants obstacles

partir du microbiote pour cibler les cancers du poumon, de la peau, de la prostate et du côlon.

Selon le directeur général de cette entreprise, c’est le fait de toujours mieux comprendre l’immunothérapie et l’accroissement des connaissances sur le microbiote qui, précisément, offre l’occasion exceptionnelle d’exploiter leur considérable impact sur le cancer.

Devant cette situation économique apparemment florissante du marché de l’épigénétique – tout au moins aux États-Unis – on peut se demander toutefois s’il n’y a pas là un paradoxe, compte tenu du fait que le jugement des chercheurs sur l’efficacité des thérapies épigénétiques est mesuré, estimant, pour beaucoup d’entre eux, que ces dernières sont encore confrontées à des obstacles d’importance.

2. Les thérapies épigénétiques sont confrontées à d’importants obstacles

Plusieurs raisons ont été invoquées pour expliquer de tels résultats.

En premier lieu, la spécificité des cibles des épimédicaments fait défaut.

Ainsi, les inhibiteurs de méthylation de l’ADN sont utilisés lorsqu’une déméthylation particulière est impliquée dans l’étiologie et la pathogénèse du cancer. Mais une activation potentielle des oncogènes peut toutefois résulter d’une déméthylation globale.

En second lieu, bien que certains épimédicaments soient efficaces à de faibles doses et aient des profils toxiques relativement bas, leurs effets sont transitoires et les motifs épigénétiques aberrants réapparaissent à la fin du traitement.

C’est pourquoi, actuellement, de nombreux traitements épigénétiques doivent être combinés à d’autres thérapies pour sensibiliser les tumeurs aux agents cytotoxiques ou au traitement par rayon. Or, selon les auteurs d’une étude récente, le fait de recourir à la combinaison des thérapies, peut ultérieurement compliquer l’identification de biomarqueurs pertinents.

En outre, selon la même étude, une grande variation à la sensibilité au médicament peut exister pour chaque type de cancer.

Ainsi, chaque patient peut-il répondre pour différentes raisons, telles que la réactivation de gènes suppresseurs de tumeurs, la restauration de la sensibilité à la chimiothérapie traditionnelle, l’induction de l’immunogénicité (c’est-à-dire la capacité à induire une réaction immunitaire), ou encore pour l’ensemble de ces raisons.

ii. Les autres pathologies

S’agissant des maladies neurologiques, certaines études font valoir que de nombreuses questions demeurent sans réponse en ce qui concerne la relation causale entre le dérèglement épigénétique, la pathogenèse de la maladie affectant le système nerveux et la signification biologique des profils épigénétiques des systèmes nerveux central et périphérique.

En outre, en dépit d’avancées dans la recherche de biomarqueurs épigénétiques, ces chercheurs relèvent que le mieux établi d’entre eux – la méthylation du promoteur du gène M6MT (1) dans les gliomes – n’est pas largement utilisé, du fait d’importants obstacles techniques persistants. Ainsi, des plateformes de séquençage de premier plan sont relativement insensibles pour mesurer les changements survenus dans les profils épigénétiques des troubles du système nerveux, lesquels sont souvent subtils. Toutefois, de rapides innovations technologiques et méthodologiques sont en mesure de surmonter ces obstacles en

1) M6MT : Méthyle guanine méthyltransférase. La méthylation de ce promoteur joue un grand rôle dans le niveau d’expression du gène.

offrant des avantages en termes de préparation des échantillons, de quantité, de résolution et de débit.

Il n’en reste pas moins que d’importantes questions non résolues sont posées, parmi lesquelles figurent les suivantes :

- les thérapies épigénétiques peuvent-elles être conçues, développées et appliquées dans le cerveau et les types cellulaires particuliers du cerveau non seulement dans les modèles animaux mais aussi chez les patients ?

- quelles sont les barrières explicites qui doivent être levées ?

- le développement des médicaments épigénétiques et les tests diagnostiques compagnons associés représentent-ils une stratégie thérapeutique viable aux plans biologique et commercial ?

- les agents épigénétiques peuvent-ils être combinés entre eux ou avec d’autres classes de médicaments pour aborder plus efficacement les nombreux niveaux de pathologie moléculaire existant dans les maladies complexes ?

b. La complexité du contexte biologique dans lequel s’appliquent les thérapies épigénétiques

La très grande majorité des études – sinon la totalité d’entre elles – conclut à la nécessité de poursuivre les recherches, pour mieux souligner les inconnues entourant les effets des thérapies épigénétiques et leurs limites.

Ce quasi-consensus repose sur un triple constat : - la complexité de l’épigénome,

- le savoir limité sur le rôle combiné des facteurs génétiques et des facteurs non génétiques,

- l’existence de difficultés techniques.

i. La complexité de l’épigénome

L’extrême diversité des mécanismes épigénétiques combinée avec le fait que chaque cellule a son propre épigénome est à la base de l’hétérogénéité de ce dernier et de sa complexité.

Même si les perfectionnements technologiques – dont la cartographie – ont permis d’accomplir des progrès incontestables, il n’en demeure pas moins que, comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, lors de l’audition publique de l’OPECST du 16 juin 2015, le mode d’action des marques épigénétiques n’est connu que partiellement. Il en résulte, en particulier, l’absence de fiabilité de certains bio marqueurs.

ii. Le savoir limité sur le rôle combiné des facteurs génétiques et des facteurs épigénétiques

Selon Mme Geneviève Almouzni, ce savoir limité empêche l’exercice d’une médecine personnalisée (1). Or, elle fait valoir que l’interaction entre le génome et l’épigénome est impliquée de façon décisive dans la biologie, le caractère et l’ampleur d’une maladie établie et pas seulement dans le développement de celle-ci. Car les marqueurs épigénétiques rendent compte de la prédiction de l’évolution naturelle d’une maladie – à travers les marqueurs pronostiques – et de la probabilité selon laquelle la maladie répond au traitement, ce qui est le rôle des marqueurs prédictifs.

C’est pourquoi le test et la validation de ces marqueurs dans des essais cliniques et la comparaison avec des stratégies établies seront décisifs en vue d’améliorer l’issue des maladies.

De même, Mme Almouzni a-t-elle jugé nécessaire d’étudier les effets et l’impact mécanique des épimédicaments et leur impact sur le génome, le développement et la validation de nouveaux médicaments candidats quant à la conception relationnelle de la combinaison de thérapies composées de médicaments génétique et épigénétiques, qui devrait être encouragée pour soigner des maladies ou au moins améliorer l’efficacité des modalités actuelles du traitement des maladies.

En écho à ces observations de Mme Almouzni, les auteurs de l’étude précitée de la FDA indiquent que, parce que la plupart des génomes cancéreux comportent des centaines de mutations génétiques et de modifications épigénétiques, c’est un défi majeur que de déterminer quels événements jouent un rôle pathogénique dans la formation du cancer.

L’identification de ces événements directeurs peut faciliter le développement de nouveaux médicaments anticancéreux, ce qui a été prouvé par le récent développement des médicaments anticancéreux contre le mélanome et le cancer non à petites cellules du poumon qui ciblent des événements directeurs connus.

iii. L’existence de difficultés techniques

Dans l’étude précitée, Mme Geneviève Almouzni souligne que l’étude de l’identification des relations entre l’épigénétique et la génétique requiert l’analyse d’échantillons ex vivo de cellules primaires.

Pour cette raison, les procédures de prélèvement d’échantillons, de tri et d’analyse sont nécessaires et doivent être optimisées et adaptées.

1) G. Almouzni et al, Relationship between genome and epigenome - Challenge and requirements for future Research, BMC Genomics, 18 juin 2014.

Pour autant, l’hétérogénéité cellulaire représente un défi pour parvenir à une entière compréhension du statut du génome, de l’expression des gènes et du rôle des mécanismes épigénétiques sous-jacents.

C’est vrai pour beaucoup de processus cellulaires, tels que le remodelage du génome durant la reprogrammation ou la conversion des cellules somatiques en cellule pluripotentes. C’est pourquoi la collecte des échantillons les plus appropriés en vue d’aborder un ensemble de questions et la miniaturisation des technologies pour les analyses de cellule unique est décisive.

Ces défis sont d’autant plus importants dans la recherche de biomarqueurs pour l’approche des maladies du cerveau humain que les chercheurs n’y ont accès que par des biopsies.

S’y ajoute un énorme fossé entre les études précliniques sur les animaux et les essais cliniques, du fait des différences anatomiques et métaboliques existant entre les êtres humains et les murins.

*

* *

L’analyse des défis auxquels l’épigénétique et ainsi confrontée fait apparaître plusieurs points saillants :

1- l’emploi du terme paradigme suscite d’intenses débats quant au statut scientifique de l’épigénétique. Ce terme est également employé pour souligner la nouveauté du rôle joué par l’épigénétique dans la modernisation des politiques de santé ;

2- le développement de la recherche s’avère nécessaire non seulement pour combler les lacunes des connaissances scientifiques sur le mode d’action des marques épigénétiques, l’étiologie des pathologies ou encore les effets des thérapies épigénétiques ;

Cet objectif constitue également en ce qui concerne la France – et au-delà, l’Europe même – une ardente obligation, devant le retard de la recherche pharmacologique par rapport aux États-Unis.

C’est là une justification supplémentaire des recommandations que les rapporteurs ont formulées précédemment sur la nécessité de promouvoir l’enseignement et la recherche en chimie médicale ainsi que la recherche en bioinformatique.

Au demeurant, le développement de la recherche est l’un des enjeux majeurs des politiques de santé, car la recherche peut jouer un rôle catalyseur dans l’amélioration de l’efficacité des systèmes de santé, en particulier, en contribuant à baisser le coût des médicaments et des traitements.

TROISIÈME PARTIE :

LA NÉCESSITÉ DE CONCILIER UN INSTRUMENT POTENTIEL DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE SANTÉ AVEC

LE RESPECT DES NORMES JURIDIQUES ET ÉTHIQUES

Comme relevé dans l’introduction, il est remarquable que, lors de l’audition publique de l’OPECST du 16 juin 2015, les intervenants aient souligné l’ampleur des problèmes de santé publique soulevés par leurs travaux, anticipant ainsi l’audition public du 25 novembre 2015 consacrée expressément aux enjeux éthiques et sociétaux liés à l’essor de l’épigénétique.

Cela ne signifie certes pas que les généticiens ne soient pas conscients des enjeux éthiques et sociétaux soulevés par leurs recherches. Le précédent rapport de l’Office sur la médecine de précision a, au contraire, montré qu’ils n’en ignoraient pas la dimension éthique et sociétale.

Pour autant, probablement parce que l’épigénétique se situe à l’interface des gènes et de l’environnement, la recherche est, plus directement qu’en génétique, appelée à analyser les pathologies au regard des différents environnements – biologique, social, économique – dans lesquels s’insèrent l’épigénome et l’être humain.

Les analyses des chercheurs peuvent ainsi apporter une contribution non négligeable à l’élaboration des politiques publiques de la santé.

Une autre problématique, qui ramène au débat sur la nouveauté disciplinaire de l’épigénétique au regard de la génétique, concerne la nature des normes éthiques et juridique susceptibles d’être appliquées à l’épigénétique.

Car, comme le montrent les travaux de juristes anglo-saxons ou encore les débats de l’audition publique de l’OPECST du 25 novembre 2015, la question est de savoir si ces normes sont les mêmes que celles qui régissent la génétique ou si, au contraire la nouveauté dont l’épigénétique serait porteuse appelle un cadre différent.

I. L’ÉPIGÉNÉTIQUE : UN INSTRUMENT SUSCEPTIBLE DE CONTRIBUER À