Le genre Striga regroupe des espèces végétales aujourd’hui classées dans la famille des Orobanches. Ces espèces sont généralement des hémiparasites qui réalisent leur cycle en se fixant sur le système racinaire d’autres plantes. Certaines parasitent des plantes cultivées auxquelles elles peuvent causer des dégâts considérables notamment en agriculture traditionnelle tropicale. Deux espèces de striga s’at-taquent plus particulièrement aux céréales dont le sorgho : Striga hermonthica présent en Afrique surtout en Afrique de l’Ouest et Striga asiatica à la répartition géographique plus large en Afrique de l’Est et du Sud, en Asie et aux États-Unis où il a été introduit accidentellement après la seconde guerre mondiale. En Afrique, ces deux espèces de striga sont considérées comme la plus grande contrainte biologique de production du sorgho (voir cahier couleur, photo 22).
Les symptômes de leurs attaques sont peu apparents en début de culture car les plantes de strigas apparaissent tardivement dans les champs de sorgho. Celles-ci émergent généralement après la période des sarclages traditionnels. Si l’infestation est importante, les plantes de striga envahissent les parcelles de culture. Les sorghos parasités présen-tent un développement végétatif réduit et un retard à la floraison. Leurs feuilles s’enroulent et tendent à devenir chlorotiques puis à se nécroser. Leurs rendements en grain et en paille peuvent être dras-tiquement réduits. À maturité, les plantes de Striga hermonthica ont une grande taille allant de 30 cm à 1 m de haut. Elles sont modérément ramifiées avec des hampes florales terminales d’environ 15 cm de long porteuses de fleurs allofécondées de couleur rouge rosé à pourpre. Ces fleurs libèrent, par plante, une très grande quantité (de 40 000 à 200 000) de minuscules graines noires de 0,20 mm à 0,35 mm de long. Les plantes de Striga asiatica sont plus petites (10 à 30 cm de haut).
Tableau 6.3.
P
rincipales maladies du sorgho présentées.
Type de maladie
Maladie
Agents
Spécificité
Conditions favorables
Méthodes de lutte intégrée
Maladie des plantules
Fontes de semis
Deux complexes fongiques
Faible
Complexe 1
:
chaleur et humidité en fin de cycle Complexe 2
:
fraîcheur et humidité au semis Semences saines ayant mûri en conditions sèches Bonnes conditions et préparation de semis Variétés aux graines à teneurs élevées en tannins et/ou à bonne énergie germinative (hybrides)
Maladie foliaire
Anthracnose
Colletotrichum graminicola
Moyenne Sorghum
sp., sans
doute mauvaises herbes
Chaleur et humidité
Semences saines Rotation, désherbage, élimination des résidus de récolte, destruction des sorghos sauvages et adventices Variétés résistantes
Helminthosporiose Exserohilum turcicum Moyenne Sorghum sp. , maïs Humidité
Idem anthracnose + traitement chimique des plantes (en production semencière)
Bandes de suie Ramulispora sorghi Élevée Sorghum sp. Chaleur et humidité R
otation, élimination des résidus de récolte
ainsi que des sorghos sauvages
et adventices
Semis hors bas-fond
V ariétés résistantes Grains de sable Ascochyta sorghina Élevée Sorghum sp . Humidité R
otation, élimination des résidus de récolte
ainsi que des sorghos sauvages
et adventices
V
Type de maladie
Maladie
Agents
Spécificité
Conditions favorables
Méthodes de lutte intégrée
Maladie foliaire Taches grises Cercospora sorghi Élevée Sorghum sp . Chaleur et humidité R
otation, élimination des résidus de récolte
ainsi que des sorghos sauvages
et adventices V ariétés résistantes Taches ovales Ramulispora sorghicola
Élevée uniquement Sorghum bicolor
?
Chaleur et humidité
R
otation, élimination des résidus de récolte
Taches zonées Gloeocercospora sorghi Faible Sorghum sp., maïs, mil, canne à sucre Chaleur et humidité
Graines saines Rotation, élimination des résidus de récolte et des hôtes secondaires Variétés résistantes
Mildiou Peronosclerospora sorghi Faible Sorghum sp., Pannicum sp., Pennisetum sp., … Humidité
Traitements chimiques des plantes et des semences (États-Unis) L
abour
profond et élimination des résidus de récolte
V ariétés résistantes R ouille P uccinia purpurea Faible Sorghum sp., Poacées, Oxalis corniculata Fraîcheur et humidité Élimination des résidus de récolte ainsi que des hôtes secondaires Variétés résistantes
Maladie des tiges et racines Pourriture rouge (voir anthracnose)
Colletotrichum graminicola
Pourriture charbonneuse
Macrophomina phaseolina
A
ucune
très large éventail d’hôtes Sécheresse et chaleur Irrigation Semis à grands écartements Variétés précoces et/ou variétés résistantes
Type de maladie
Maladie
Agents
Spécificité
Conditions favorables
Méthodes de lutte intégrée
Maladie des panicules et des graines Moisissures des graines
Complexe fongique
Faible
Chaleur et humidité en fin de cycle
A
déquation des cycles variétaux
à la durée des saisons des pluies Variétés à panicules aérées, à glumes longues et à grains riches en tannins
Ergot
Claviceps sorghi, Claviceps africana, Claviceps sorghicola
Moyenne Sorghum sp. , Pennisetum sp .
Fraîcheur et humidité, Stérilité du pollen Semences non contaminées Traitements chimiques des plantes et des semences (en production semencière)
Charbon allongé
Sporisorium ehrenberghii
Moyenne Sorghum
sp., mil
Semi-aridité
Semences non contaminées Semis regroupés de variétés de même cycle
Charbon couvert
Sporisorium sorghi
Élevée Sorghum
sp.
Températures modérées et semi-aridité Semences non contaminées Traitement chimique des semences
Charbon de la panicule
Sporisorium reilanum
Moyenne Sorghum
sp., maïs,
andropogon
Températures modérées et semi-aridité
V
ariétés résistantes Rotations des cultures
Charbon nu Sporisorium cruentum Moyenne Sorghum sp. , canne à sucre
Pas de conditions favorables identifiées Semences non contaminées Traitement chimique des semences
Tableau 6.3.
P
Préférentiellement autogames, les fleurs blanches jaunes ou rouges sont également productrices d’un grand nombre de très petites graines, de 90 000 à 450 000 par plante.
Les graines sont facilement disséminées par le vent, les eaux de ruissel-lement, le bétail et l’homme par le biais des semences et des chaumes contaminées. La viabilité des semences de striga au sol est très longue, parfois plus d’une dizaine d’années. En conditions adéquates de chaleur et d’humidité, elles germent en réponse à un signal chimique (le strigol) produit par les racines du sorgho. En l’absence de ce signal, les graines restent dormantes. Les graines germées de striga émettent une radicule qui se dirige vers les racines de sorgho en produisant un renflement une fois que le contact est établi. Ce renflement constitue un haustorium qui est l’organe de connexion du parasite avec son hôte. Les graines germées poursuivent leur développement avec l’émission de nouvelles racines adventives qui établissent des haustoria secon-daires. Dans les 6 à 8 semaines suivant le semis de l’hôte, les plantes de striga commencent à émerger du sol et à produire des feuilles chlorophylliennes sans que le parasitisme ne cesse pour autant. Cette phase peut durer quelques semaines en fonction de la profondeur des graines dans le sol et du déclenchement de leur germination. De plus, une partie des strigas qui parasitent le sorgho restent souterrains (Doggett, 1988). La floraison des plantes de striga commence environ 4 à 6 semaines après leur émergence si bien que leur cycle est réalisé un peu avant la maturité des sorghos parasités. En zone sahélienne avec des semis se situant fin juin, le striga émerge en août et commence sa floraison à la mi-septembre.
L’importance de l’infestation du striga dans les parcelles de culture est corrélée à la fatigue des sols au point qu’elle est un indicateur de leur manque de fertilité. En induisant un affaiblissement des plantes de sorgho, la pauvreté des sols facilite l’installation parasitaire. De plus, elle induit une diminution de la vie organique des sols qui préserve les graines de striga de leur destruction. Une fois le parasite installé dans les parcelles de culture, son éradication est difficile en raison de l’importance du stock de graines tombées au sol et de la viabilité de celles-ci. Par ailleurs, il existe une variation interannuelle des levées de striga dans les parcelles infestées qui complique l’élimination du parasite. La germination de ses graines au sol dépend d’interactions complexes entre l’état des plantules de l’hôte et des données envi-ronnementales au moment du semis (température, humidité, nature pédologique des sols,...).
Les moyens de lutte doivent prendre en compte deux situations diffé-rentes selon l’absence ou la présence du striga dans les parcelles de culture.
Dans le premier cas, les cultures préservées du parasite ne doivent pas faire oublier le danger potentiel du striga notamment en Afrique où le parasite est endémique. Il convient d’avoir une approche préventive en maintenant la fertilité des sols par des apports réguliers de fumure organique ou minérale et en pratiquant des rotations culturales notam-ment entre des légumineuses et des céréales. Le recours aux cultures associées de ces deux types de plantes a aussi un effet protecteur (voir p. 156 « Le sorgho en culture associée »).
Si le striga est présent, la situation est plus difficile à gérer. À cause des pressions foncières, il devient difficile d’employer la méthode ancestrale et radicale des agriculteurs africains qui consiste à rendre à la jachère, pour une longue période, les parcelles infestées par le striga. Cette pratique permet la restitution de la fertilité des sols en même temps qu’intervient la perte de viabilité des semences du parasite dans le sol. De plus, le suivi de recommandations simples comme l’arrachage des plantes de striga ou l’utilisation d’herbicides (comme le 2,4-D) n’a que des effets limités. Ne sont éliminés que les strigas ayant émergé au moment du traitement alors que ceux-ci ont déjà affaibli les plantes de sorgho. Les strigas au développement resté souterrain continuent à faire des dégâts. De même, le stock de graines du parasite dans le sol est maintenu.
De fait, la lutte doit être intégrée en ayant pour pivot la restitution de la fertilité des sols. Les apports de fumure organique sont nécessaires mais celle-ci doit être de qualité (avec un rapport C/N faible) sinon l’apport de fumure minérale est préférable. À cette fin, les agriculteurs aux moyens limités peuvent recourir à des applications de micro-doses d’engrais dans les trous de semis.
D’autres mesures sont à prendre comme :
– des rotations avec des plantes-pièges cultivées non hôtes qui, en émettant du strigol sans permettre l’attachement du striga, induisent une germination « suicidaire » du parasite. Ces plantes-pièges ayant un tel effet sont nombreuses tels le cotonnier, le soja, l’arachide, le niébé, le tournesol, le ricin, le sésame,... (Husson et al., 2008) ;
– la mise en place de cultures associées de sorgho principalement avec des légumineuses (voir p. 156 « Le sorgho en culture associée ») ;
– le recours à des techniques de semis direct sur couverture végé-tale (SCV) permettant l’utilisation simultanée de plantes-pièges, du paillage et de l’aménagement de la fertilité des sols. Des plantes-pièges de couverture comme le mucuna, les desmodium, le stylo-santhes, le pueraria ou le calopogonium conviennent à cette utilisation. En milieu semi-aride, le choix de la plante de couverture doit prendre en compte la pression des termites et de l’élevage itinérant.
D’autres mesures réduisent l’infestation du striga dans les sols mais elles ne sont pas toujours applicables ou accessibles pour le petit paysan. C’est le cas de l’inondation des parcelles, du labour et de l’uti-lisation de semences pelliculées par un herbicide ou un mycoherbicide (Fusarium oxysporum). Enfin la voie génétique est un moyen de lutte avec le recours à des variétés de sorgho résistantes au striga en raison soit de leur faible production de strigol soit de leurs réactions raci-naires à la pénétration fongique. Des cultivars comme Framida, N 13, Séguétana, SRN 39, IS 9830, IS 15401 (Soumalemba) sont disponibles. Dans tous les cas, il faut utiliser des semences propres non polluées par des graines de striga.