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Les spécialités pharmaceutiques

Partie III : Pratique officinale moderne (1941-2000)

2) Principales évolutions réglementaires

2.4 Les spécialités pharmaceutiques

La réglementation des spécialités pharmaceutiques connaît des changements importants.

2.4.1 Définition et statut

La définition juridique des médicaments, telle que proposée dans titre Ier de la loi du 11

septembre 1941, fait partie intégrante de celle du monopole pharmaceutique. Elle est validée par l'ordonnance du 23 mai 1945 puis intégrée en 1953 au livre V du Code de la

Santé Publique. En 1959 les deux définitions sont séparées ; plusieurs mises à jour les feront

évoluer en adéquation avec les nouvelles pratiques, jusqu'à la « version finale » (pour notre étude) de 1998 :

L'article L.511 « entend par médicament toute substance ou composition présentée comme

possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ». L'article suivant définit notamment les spécialités pharmaceutiques, les

médicaments immunologiques et les médicaments radiopharmaceutiques.

L'article L.512 réserve « aux pharmaciens, sauf les dérogations prévues aux articles [...] la

préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine, la préparation de tous articles présentés comme conformes à la pharmacopée ; la préparation des générateurs, trousses et des précurseurs radiopharmaceutiques ; la vente en gros et en détails et toute dispensation publique des médicaments, produits et objets cités précédemment ; la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, la vente des aliments lactés diététiques pour nourrissons et des aliments de régime fixés par arrêté. » On

peut noter que « la fabrication et la vente en gros des drogues simples et des substances

chimiques destinées à la pharmacie » reste libre « à condition que ces produits ne soient jamais délivrés directement aux consommateurs pour l'usage pharmaceutique. »

Ces deux définitions représentent le fondement de toute la législation pharmaceutique actuelle : l'histoire nous a démontré que toute faille juridique à ce niveau sera

inévitablement minée par les charlatans en tous genres, tel un filon aurifère, jusqu'à épuisement. Il est vital de les mettre régulièrement à jour, en adéquation avec les nouvelles découvertes et les éventuelles dérives constatées sur le terrain.

2.4.2 Remboursement

Le décret du 7 février 1952 met en place un tout nouveau système spécifiquement français : les vignettes. Destinées à servir de preuve tangible de la délivrance et de l'utilisation des médicaments, la loi du 14 avril 1952 impose la présence des vignettes sur toute boite de spécialités pharmaceutiques, des produits sous cachet, des sérums et des vaccins. En totalité 13 000 médicaments sont concernés, elles doivent obligatoirement mentionner la dénomination du médicament, la quantité délivrée et le nom du fabricant. En 1972 on ajoute à cette liste la mention obligatoire de la date limite d'utilisation et du numéro de lot. (105)

En 1973 le premier choc pétrolier assèche les caisses de l’État, les taux de remboursement sont ajustés en conséquence : il n'y a plus qu'une catégorie remboursée à 75%, pour les médicaments « à grande valeur thérapeutique », et une remboursée à 50% pour les autres. En 1976 on crée une nouvelle vignette bleue remboursée à 40%. L'année d'après les taux sont revus : 100% pour les thérapies coûteuses, 70% pour les traitements « à grande valeur

thérapeutique » et 40% pour les autres. Dans les années 1980 les premières grandes vagues

de déremboursement frappent les vitamines, les antitussifs, les expectorants, les phlébotoniques, … À partir de 1978 la couverture de la Sécurité Sociale s'étend à l'ensemble de la population. (86)

Le 6 mai 1988 l'article R.5131-1 du Code de la Santé Publique introduit la notion de spécialité générique, elle est considérée comme « essentiellement similaire à une autre spécialité » dès lors qu'elle comporte la même composition qualitative et quantitative en principe actif que celle de la spécialité princeps, l'équivalence doit être démontrée par des études cliniques de bioéquivalence. Le marché des génériques ne se développera pas en raison du faible coût des spécialités et de l'interdiction de toute substitution toujours en place.

La réforme des Affections de Longue Durée est approuvée en 1989, les spécialités prescrites dans ce cadre bénéficient d'une prise en charge intégrale. En 1993 les deux vignettes les moins remboursées perdent 5% de leur taux. Une nouvelle vignette blanche ovale à liseré vert arrive en 1995, elle signale un « médicament d'exception » remboursé (intégralement en 1995) seulement s’il est bien prescrit sur une ordonnance spécifique et dans le respect strict de certaines indications thérapeutiques. (105)

Sous l'impulsion des réglementations européennes le processus de détermination du prix des médicaments change : la Commission de Transparence fondée en 1980 est chargée d'établir la liste des spécialités remboursables et leurs conditions de remboursement, elle prend en compte le Service Médical Rendu 1 du médicament. Le prix est négocié au sein du Comité Économique par convention avec les fabricants. La Commission de Transparence et le

1 Le SMR est dépend de l'efficacité du médicament, de son confort d'utilisation, de ses effets secondaires et de l'amélioration de la qualité de vie des patients. (144)

Comité Économique sont rattachés à la nouvelle « Agence du médicament » en 1993.

En 1997 on renomme le Comité Économique, il devient le Comité Économique du Médicament. La même année la première « Loi de Financement de la Sécurité Sociale » est votée, elle contient entre autres diverses mesures relatives à la diminution du coût des frais de santé. L'Agence du médicament devient l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. En 2000 le Comité Économique du Médicament devient le Comité Économique des Produits de Santé, de nombreux SMR sont réévalués à la baisse, le prix des médicaments concernés diminue en conséquence. (145,146)

2.4.3 Listes des substances vénéneuses

Le décret du 28 décembre 1988 change les dispositions du Code de la Santé Publique, on remplace la notion des substances toxiques par celle des substances vénéneuses :

➢ Les substances toxiques du tableau A rejoignent la liste I des substances vénéneuses, leur prescription ne peut pas être renouvelée sans la mention expresse du prescripteur (R.5208, 1990). Les spécialités concernées comportent un cadre muni d'un liseré rouge (R.5207, 1988). Elles doivent être détenues dans des armoires ou des locaux fermés à clef et ne contenant rien d'autre (R.5205, 1988), en 1992 une mise à jour dispense les spécialités pharmaceutiques de cette obligation.

➢ Les substances stupéfiantes du tableau B rejoignent la liste des médicaments stupéfiants mise à jour régulièrement par arrêté du ministre de la Santé, les conditions de délivrance sont propres à chaque médicament (R.5149, 1988).

➢ Les substances dangereuses du tableau C rejoignent la liste II des substances vénéneuses, leur prescription peut être renouvelée sauf mention expresse du prescripteur pour un maximum de deux fois (R.5208, 1990). Les spécialités concernées comportent un cadre muni d'un liseré vert (R.5207, 1988). Elles doivent être détenues séparément de tout autre médicaments (R.5205, 1988), la mise à jour de 1992 dispense les spécialités pharmaceutiques de ces conditions particulières de stockage.

➢ Les médicaments conseils ne sont pas listés et ne nécessites pas d'ordonnance, cette catégorie est celle des médicaments de comptoir dit « Over The Counter ».

La durée de prescription maximale des médicaments pourra être réduite par arrêté du ministre de la Santé, après avis des conseils nationaux de l'Ordre des médecins, de l'Ordre des pharmaciens et de la Commission des Stupéfiants et des Psychotropes (R.5208, 1993).

2.4.4 Autorisation de Mise sur le Marché

En 1967, Le visa est remplacé par une Autorisation de Mise sur le Marché, la réglementation Européenne pousse une fois encore le droit français en conditionnant cette

autorisation a un catalogue d'essais précis (les essais cliniques ne se développent qu'à partir des années 1970 en Europe). La Commission des Autorisations de Mise sur le Marché est créée en 1978, elle accorde ou refuse l'autorisation sur la base d'une étude clinique évaluant le rapport entre le bénéfice et le risque du médicament. Ce rapport est mis en relation avec la gravité de la maladie traitée : un médicament ayant beaucoup d'effets indésirables peut ainsi être accepté s'il traite une pathologie grave ou sans thérapie préexistante. Les études mises en œuvre reposent essentiellement sur des études cliniques comparant le nouveau médicament à un placebo et au traitement de référence. La volonté politique d'alors est de ne conférer l'autorisation qu'aux médicaments se montrant au moins aussi efficaces que le traitement de référence.

Plus tard les considérations économiques constitueront une part plus importante de l'évaluation du dossier d'A.M.M. , l'autorisation de l'Imigran

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1 sera par exemple refusée en 1991 pour des motifs économiques.

En 1995 l'Union Européenne fonde l'Agence Européenne du Médicament, elle gère entre autres une nouvelle procédure centralisée d'obtention de l'A.M.M. . L'autorisation européenne permet aux laboratoires de commercialiser le médicament approuvé dans tous les pays européens. Le laboratoire Pfizer utilisera en 1998 cette procédure pour lancer son nouveau produit phare, le Viagra

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. Ce traitement n'aurait probablement pas obtenu l'A.M.M. en France pour ces mêmes considérations économiques, la réciprocité l'obligeant il sera tout de même disponible chez nous, mais sans remboursement 2. (147,148)