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Aspects divers de l'officine

Partie II : Pratique officinale sous la loi de Germinal (1803-1941)

4) Évolutions des officines de pharmacie : 1803-1941

4.5 Aspects divers de l'officine

Dans cette partie nous nous intéresserons aux différents aspects de la vie de l'officine : au personnel qui compose l'équipe, à l’approvisionnement et aux activités entreprises dans la pharmacie.

4.5.1 Personnel

Le personnel des officines n'a plus le même profil qu'à l'époque des corporations, la principale nouveauté réside dans la professionnalisation des aides du pharmacien, paradoxalement accompagnée d'une disparition du contrôle effectif de leur formation. Le terme de « serviteur » est progressivement remplacé par celui de « préparateur » que « le

titulaire paie beaucoup plus cher », « mais il est mieux servi par des gens du métier que par des enfants. » (32)

L' « apprenti » devient « élève en pharmacie », cette nuance s'accompagne de meilleures conditions d'apprentissage. De nombreux auteurs s'émeuvent néanmoins du fait que le stage pratique soit systématiquement raccourci par les différentes réformes de l'enseignement (cf chapitre 2.2.1.). (4,5,31,32,74)

Les pharmacies les plus importantes embauchent des pharmaciens « assistants » pour aider le titulaire à surveiller le travail des préparateurs et des élèves. À ce stade, de nombreuses organisations professionnelles demandent à ce que le nombre des diplômés soit réglementé, aucun consensus n'est cependant obtenu. (5)

4.5.2 Approvisionnement - grossistes et répartiteurs

La première grande coopérative pharmaceutique a été fondée en 1852 par François Dorvault, la Pharmacie Centrale de France rassemblait déjà près de 9% de la profession ! Orientée vers le soutien du pharmacien d'officine, son but est de vendre en gros les produits nécessaires aux préparations médicamenteuses. Ce grossiste pionnier articule son activité autour du diplôme de ses pharmaciens, son développement marque une transition entre les laboratoires officinaux et l'industrialisation de la production des médicaments. (137)

Dans la première partie du XIXème siècle de nombreux grossistes, beaucoup plus modestes,

affaire prospère dans le commerce d’accessoires pharmaceutiques. Au fil des événements il se spécialise dans la vente des spécialités pharmaceutiques. L'entreprise est rachetée en 1875 par Alfred Piot, en 1883 son catalogue comporte 345 spécialités. Passé 1901 la société passe aux mains de Louis Piot, tous les pharmaciens de Paris et de sa proche banlieue peuvent désormais passer commande par la poste et être livré le jour même. Les spécialités sont livrées en bicyclette, en charrette à bras, en triporteur, en fourgon

hippomobile ou encore via le métro. En 1908 l’entreprise se modernisent, deux lignes téléphoniques permettent aux pharmaciens de passer directement commande. (138)

33-34

Le 15 décembre 1924 « Piot, Lemoine et Royer », « J. Merveau et Compagnie » et « Michelat, Souillard et Compagnie » fusionnent pour créer l'Office Commercial Pharmaceutique encore connu des pharmaciens actuels. L'ordre de grandeur change : « 125

camionnettes et triporteurs desservent quotidiennement Paris et la banlieue. Pour les réassortiments à Paris, plus de 75 cyclistes ou triporteurs sillonnent toute la journée les rues de la capitale. 28 lignes téléphoniques, dont le service est assuré par 20 téléphonistes,

prennent une moyenne mensuelle de 50 000 communications et 250 représentants assurent la liaison entre l'O.C.P. et tous ses clients. » En 1928 des succursales commencent à s'ouvrir

dans toute la France, les besoins de l’Office en marchandises sont si importants qu'elle achète en 1929 une usine entière pour fabriquer ses paniers de livraison. L'O.C.P. inaugure après un « Service Parfumerie », un « Service Optique Médicale », un service « Photoffice » dédié à la vente de matériel photographique, un bureau d'étude pour l'aménagement des pharmacies, un bureau vendant des meubles d'officine standards, … (138)

À cette période on ne parle plus de grossiste mais de « répartiteur » ; ils deviennent une voie d'approvisionnement incontournable des pharmacies d'officine : de 1933 à 1939 l'O.C.P. fournit 36 à 49% des achats de la pharmacie Puillet à Chauffailles, à part égale avec la Coopérative Pharmaceutique Française (C.O.O.P.E.R.) qui fournit plutôt le matériel du laboratoire. (109) Le dernier acteur majeur du marché à présenter est la Mutuelle Coopérative Pharmaceutique Rouennaise fondée en 1919 (la future C.E.R.P.). (139)

33-34 Revue d'histoire de la pharmacie n°256 de 1983, page 8 et 21. Colorisation par retouche.

33. Livraison hippomobile, maison Piot et Lemoine

4.5.3 Activités officinales

La diversification des services proposés par les répartiteurs nous donne déjà une petite idée des nouvelles activités officinales. Pour approfondir la question, nous allons parcourir un catalogue édité en mars 1926 par la « Pharmacie Principale » 1 établie dans le 3ème

arrondissement de Paris. En prenant le catalogue en mains, la première chose que nous pouvons remarquer est l'omniprésence de mentions propres au colportage : « Important

service d'expédition en province et à l’Étranger », « Livraison à domicile dans tout Paris »,

« Toute commande de 75 francs pouvant être expédiée en un seul colis postal de 10 kilos

bénéficie du franco d'emballage et de port en gare », « Aucune marque extérieure n'indique que le colis a été expédié par une pharmacie », … Contrairement à la pharmacie Brunet

d'Aire-sur-la-Lys, la Pharmacie Principale de Paris ferme le dimanche, toute la journée, et à midi les jours de fêtes. Elle est ouverte tous les autres jours de 8h à 19h.

En ce qui concerne les produits « Chimiques et Pharmaceutiques », la partie droguerie propose l'achat de diverses substances : l'absinthe « en paquets tout prêts », l'acétone, l'acide borique, l'alcool de vin à 90°, l'aspirine, … Elle est suivie par une page dédiée aux ampoules, ici une mention précise que « la cocaïne, la morphine, la strychnine et les sels

mercuriels ne se délivrent que sur ordonnances. » On arrive ensuite sur les capsules, les

dragées, les sirops, les élixirs, les extraits, les granules, les ovules, les pastilles, les pilules, les pommades, les plantes en vrac, les suppositoires, les teintures puis enfin les vins médicinaux. Arrivé à la page des spécialités le catalogue nous dit : « la vente des spécialités étant soumise

à une réglementation, nous ne pouvons offrir de différence de prix pour cette catégorie de médicaments. Mais notre grand débit assure à nos clients le gros avantage d'une fraîcheur irréprochable ; ils ne trouveront à la PHARMACIE PRINCIPALE que les Spécialités véritables délivrées dans le cachet d'origine. Nous n'avons pas de contrefaçons. » On y retrouve plus de

300 d'entre elles : la bière Desjardins, le bismuth Deslaux, le charbon de Belloc, les cigarettes Legras, le Dépuratif Canonne, l'eau de mélisse Boyer, le Gardénal Poulenc, la Pancréatine Defresne, le papier d'Arménie, les pastilles Valda, le savon Cadum, le sérum antidiphtérique du Dr Roux, la Thyroïdine Bouty, …

De nombreuses pages comportent des publicités vantant les produits inventés et commercialisés par le pharmacien titulaire, Henri-Edmond Canonne : le dépuratif H. Canonne, l’Élixir H. Canonne anti-anémique, le Bio-vin Canonne, le Bio-Granulé Canonne, le Sirop de raifort H. Canonne, les pilules H. Canonne, les dragées laxatives H. Canonne, ...

L'énumération complète des produits et services proposés serait fastidieuse, en voici quelques-uns marquants :

➢ Les produits de régime et les farines alimentaires « d'une digestibilité parfaite pour

les estomacs les plus délicats. » On y trouve des farines de gruaux, des crèmes de

lentilles et de maïs, des flocons de céréales, …

➢ Les articles de pansements antiseptiques et aseptiques : coton hydrophile, bandes de toile, gaze hydrophile, compresses, ...

➢ Les articles de parfumerie et d'hygiène : crayons pour les yeux, crème dépilatoire, eau dentifrice, eau de lavande, Bulbilose pour la repousse des cheveux, fards, … ➢ Les accessoires de pharmacie : abaisse-langue, appareil stérilisateur, bande pour

varices, biberon, bidet, bougie, bouillotte, brosse à dent, canule pour lavements, collier d'ambre, coussin de lit, crachoir d'appartement ou de poche, éponge, gant, lave-oreille, pipette, plastron en peau de chat sauvage, seringue, serviette « périodique » pour laver ou pour jeter, soutien-gorge en broderie fine, tétine, thermomètre, urinaux, vibro-masseur 1 électrique « fonctionnant sur courant

électrique 110 volts », ...

➢ Le matériel médical : genouillère, poche à urine, béquille, tire-lait, bas de contention, ceinture ventrale, bandage pour hernie, … Avec à disposition un « cabinet

d'essayage » et « un personnel expérimenté des deux sexes. »

➢ Le matériel d'optique médicale : pince-nez angulaire ou demi-angulaire, lunette simple branche droite ou courbée muni de crochets ou d’une corde, lunette pour la conduite automobile (lunette de soleil), tape-à-l’œil, garde-vue, bandeau oculaire, … ➢ Le matériel photographique : appareil photo, flash, plaque à double tirage, viseurs,

album-photo, papier auto-vireur à noircissement direct (un peu plus tard, au début des années 30), ... (140)

➢ Le laboratoire d'analyses médicales : analyse sur un prélèvement urinaire de l'aspect, de l'odeur, de la couleur, de la densité, la recherche et dosage du sucre au polarimètre, la recherche et dosage de l'albumine, une analyse microscopique des dépôts, le dosage de l'urée et de l'acide phosphorique, la recherche de calcul urinaire. Ils proposent également la recherche dans d'autres prélèvements le bacille de Koch (tuberculose), du gonocoque de Neisser (blennorragie), d'analyser le sang et les spermatozoïdes, les boissons fermentées (vin, cidre, bière), l'eau potable et le lait de vache (degré crémométrique, densité, extrait sec, eau, cendres, beurre, lactose, caséine, en pratiquant le « même prix pour le lait de femme »).

La diversification des activités est un moyen de permettre aux pharmaciens d'accroître doucement leur champ de compétence et leurs ressources, malgré la diminution des recettes engendrée par l'arrivée des spécialités. L'implantation de laboratoires d'analyses médicales est perçue comme une modernisation du système et un avenir possible des officines. (5,31,107)