• Aucun résultat trouvé

Les solutions apportées aux conflits de lois

Section I. La spécificité du commerce électronique global

A. Les solutions apportées aux conflits de lois

Les États membres de la Communauté économique européenne se sont dotés le 19

juin 1980 d'une Convention, de portée générale, sur la loi applicable aux

obligations contractuelles. Le but essentiel de la Convention de Rome était

d'introduire dans le droit national des États membres de la Communauté, un

ensemble de règles uniformes sur la loi applicable aux obligations contractuelles

ainsi que sur certaines questions générales de droit international privé

321

.

La Convention rappelle son caractère universel dans son article 2 qui précise que

la loi désignée par la Convention s'applique même si la loi est celle d'un État non

contractant

322

. La Convention a un champ d'application très large. Les principes

énoncés sont ainsi applicables aux contrats à caractère transfrontaliers, dès lors que

321 Nicolas HOUX, « La protection des consommateurs dans la Convention de Rome du 19 juin 1980 : Pour une interprétation cohérente des dispositions applicables (1ère partie) », (2001) 43 LPA 9 ; François RIGAUX, « Examen de quelques questions laissées ouvertes par la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles », (1988) Cah. dr. eur. 306.

322 Convention de Rome, préc., note 318, article 2 : « La loi désignée par la présente convention s'applique même si cette loi est celle d'un État non contractant. »

86

la matière n'est pas réglementée par une convention internationale spécifique

323

comme la Convention sur la loi applicable aux ventes à caractère international

d'objets mobiliers corporels

324

(ci-après « Convention de La Haye »). La

Convention de Rome a vocation à s'appliquer à tous les contrats internationaux

entrant dans son champ d'application, tandis que la Convention de La Haye

détermine uniquement les règles de conflits de lois pour les ventes internationales

d’objets mobiliers corporels et garde une portée limitée

325

.

De nombreux systèmes juridiques se basent sur la Convention de Rome qui

consacre le principe de l'autonomie de la volonté, selon lequel les parties sont

libres de choisir la loi applicable à leur contrat. L'article 3 intitulé « liberté de

choix » dispose que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix

doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrôle des

circonstances de la cause »

326

. Elle se rapproche dans ses dispositions de la

Convention interaméricaine sur la loi applicable aux contrats internationaux

327

323 Id., article 21 : « La présente convention ne porte pas atteinte à l'application des conventions internationales auxquelles un État contractant est ou sera partie ».

324 CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ, Convention sur la loi

applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, 15 juin 1955,

disponible à l’adresse : <http://www.hcch.net/upload/conventions/txt03fr.pdf> (consulté le 6 juillet 2013) [Convention de La Haye]. La Convention est entrée en vigueur le premier novembre 1965. La dernière mise à jour date de 2005. Elle comporte 12 articles et ne fut ratifiée que par huit États. 325 Sur la portée limitée de la Convention de La Haye, voir T. VERBIEST et É. WÉRY, préc., note 141, p. 501 ; S. GUILLEMARD, préc., note 132, p. 96.

326 Convention de Rome, préc., note 318, article 3 par. 1.

327 ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS, Convention interaméricaine sur la loi

87

(ci-après « Convention interaméricaine de Mexico ») en date du 17 mars 1994,

ouverte à la signature des États membres de l'Organisation des États Américains

(OEA), qui régit également le droit applicable aux contrats internationaux

328

. Cette

Convention valide le choix par les parties de la loi applicable au contrat :

« The contract shall be governed by the law chosen by the parties.

The parties agreement on this selection must be express or, in the

event that there is no express agreement, must be evident from the

parties behavior and from the clauses of the contract, considered as

a whole. Said selection may relate to the entire contract or to a part

of same. »

329

Le consensualisme a été écarté par la Convention de Rome en matière de

consommation. Pour protéger le consommateur, La Convention prévoit, dans son

article 5 paragraphe 2, une interdiction de déroger aux normes impératives du pays

où le consommateur réside si certaines conditions sont réunies

330

. Quel que soit le

droit applicable au fond à l'opération commerciale, il sera donné effet aux règles

<http://www.oas.org/dil/CIDIPV_convention_internationalcontracts.htm> (consulté le 6 juillet 2013) [Convention interaméricaine de Mexico].

328 Louis PERRET, « La Convention interaméricaine sur la Loi applicable aux contrats internationaux adoptée par la C.I.D.I.P.-V avec des notes explicatives », (1994) 25 R.G.D. 625. 329 Article 7 al. 1 de la Convention interaméricaine de Mexico.

330 Convention de Rome, préc., note 318, article 5 par. 2, la loi applicable est la loi du pays de la résidence habituelle du consommateur : « - si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat ou - si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays ou - si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d'inciter le consommateur à conclure une vente. »

88

protectrices du consommateur du pays de son domicile ou de sa résidence

331

.

L’article 5 paragraphe 3 de la Convention dispose que la loi applicable est la loi du

pays de la résidence habituelle du consommateur

332

quand les modalités du contrat

correspondent à celle prévues par l’article 5 paragraphe 2. L’article 3117 du Code

civil du Québec

333

reprend dans ses dispositions une formulation similaire

334

.

À la lecture de l'article 5 paragraphe 2 de la Convention de Rome, on se rend

compte que cet article est peu adapté aux contrats du commerce électronique

335

.

Pour que le consommateur bénéficie de ces règles impératives, ou pour que son

contrat soit assujetti à une telle loi, la conclusion du contrat doit ainsi intervenir

dans des circonstances particulières. Cette clause spéciale d'application des lois de

331 Pour une approche critique sur l’incompatibilité de ce critère avec les objectifs du marché unique, voir Stéphanie FRANCQ, « Le droit international privé comme outil de régulation du marché intérieur : la consommation », dans Mathias AUDIT, Horatia MUIR WATT et Etienne PATAUT (dir.), Conflits de lois et régulation économique, Paris, L.G.D.J./Lextenso, 2008, p. 115, à la page 118.

332 Convention de Rome, préc., note 318, article 5 par. 3 : « Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article. »

333 L.Q. 1991, ci-après « C.c.Q. »

334 L’article 3117 du C.c.Q. prévoit que : « Le choix par les parties de la loi applicable au contrat de consommation ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi de l'État où il a sa résidence si la conclusion du contrat a été précédée, dans ce lieu, d'une offre spéciale ou d'une publicité et que les actes nécessaires à sa conclusion y ont été accomplis par le consommateur, ou encore, si la commande de ce dernier y a été reçue. Il en est de même lorsque le consommateur a été incité par son cocontractant à se rendre dans un État étranger afin d'y conclure le contrat. En l'absence de désignation par les parties, la loi de la résidence du consommateur est, dans les mêmes circonstances, applicable au contrat de consommation. »

335 Jean CALAIS-AULOY et Frank STEINMETZ, Droit de la consommation, 5e éd., Paris, Dalloz, 2000, p. 34 ; Hélène BUREAU, Le droit de la consommation transfrontière, Paris, Litec, 2000, p. 31 ; S. GUILLEMARD, préc., note 132, p. 405.

89

police contient une énumération des cas où le consommateur ne saurait être privé

des dispositions impératives de son pays de résidence. En dehors de ces cas, la loi

du contrat peut être celle d'un pays autre que celui de la résidence habituelle du

consommateur.

Ainsi, le consommateur aura des difficultés à prouver que le contrat a été précédé

d’une sollicitation du professionnel à son lieu de résidence habituel. Il est donc

difficile de situer la conclusion du contrat dans un lieu particulier. Le

consommateur concluant un contrat électronique, précédé d'une proposition ou

publicité en ligne

336

, ne pourrait, par contre, être privé des règles impératives de la

loi du pays de sa résidence, s'il a accompli des actes nécessaires à la conclusion du

contrat, comme l'envoi d'un courriel confirmatif au professionnel, par exemple ou

le fait de répondre à la proposition commerciale faite par Internet

337

.

En deuxième, la Convention précise que le cocontractant du consommateur ou son

représentant doit avoir reçu la commande du consommateur dans le pays où celui-

ci réside. Au regard du commerce électronique, cette hypothèse est restrictive et

concerne uniquement le vendeur présent commercialement dans le pays de la

résidence du consommateur ou y est représenté pour recevoir la commande de son

336 O. CACHARD, préc., note 26, p. 185. Appliquée à l'Internet, on peut se demander quel est le lieu de cette publicité, car il reste difficile d’ « affirmer, en toute certitude, qu'une publicité а été faite dans le pays du consommateur, du seul fait qu'elle у est accessible ».

90

client. Il peut s'agir dans ce cas de sites Internet de succursales de sociétés

étrangères.

Cependant, si le cocontractant ne peut pas recevoir une telle commande dans le

pays de la résidence du consommateur, ce dernier ne pourrait invoquer les règles

impératives de sa propre loi pour écarter la loi du contrat ou du moins certaines

dispositions défavorables. Enfin, le consommateur peut revendiquer les règles

impératives du pays de sa résidence habituelle lorsque le contrat est une vente de

marchandises et qu'il s'est rendu dans un pays étranger pour passer commande. Le

voyage doit avoir été organisé par le vendeur dans le but d'inciter le consommateur

à conclure une vente. Ce cas ne concerne pas les contrats conclus sur Internet,

puisqu’aucun déplacement physique n'a lieu

338

.

Ainsi, seul le consommateur jugé « passif » ou « statique » est protégé

339

. Il n’est

pourtant pas aisé de déterminer le statut actif ou passif du consommateur qui peut

passer d’un statut à l’autre sans même s’en rendre compte

340

. Le comportement

actif du consommateur compromet sa protection dans les transactions sur

Internet

341

. Pour remédier aux carences de la Convention de Rome, le Règlement

338 Tanguy VAN OVERSTRAETEN, « Droit applicable et juridiction compétente sur internet », (1998) 3 RDAI 387.

339 S. GUILLEMARD, préc., note 41, 24. 340 S. GUILLEMARD, préc., note 132, p. 326. 341 O. CACHARD, préc., note 26, p. 196.

91

« Rome I »

est entré en vigueur le 17 décembre 2009

342

. Il s’applique aux

obligations contractuelles relevant de la « matière civile et commerciale »

343

. Il

présente un caractère universel car, la loi qu’il désigne s’applique même si cette loi

n’est pas celle d’un État membre

344

.

Le Règlement « Rome I » stipule bien que « la liberté des parties de choisir le droit

applicable devrait constituer l’une des pierres angulaires du système de règles de

conflits de lois en matière d’obligations contractuelles »

345

. Mais, encore une fois,

en matière de consommation, le Règlement contient des dispositions

impératives

346

. Le changement principal qu'apporte le Règlement « Rome I » dans

son article 5 est de « supprimer complètement l'autonomie de la volonté en la

matière et de rattacher impérativement les contrats de consommation à la loi de

l'État de la résidence du consommateur »

347

.

342 Règlement « Rome I », préc., note 317 article 29 al. 2 : « Il est applicable à partir du 17 décembre 2009, à l'exception de l'article 26, qui s'applique à partir du 17 juin 2009. »

343 Id., article 1 par. 1 al. 1 : « Le présent règlement s'applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. » 344 Id., article 2 : « La loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre. »

345 Id., Considérant n° 11.

346 Sur cette question, voir Céline CASTETS-RENARD, « Proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles du 15 décembre 2005 (Rome I) - Conséquences pratiques sur les contrats du commerce électronique et la propriété intellectuelle », (2006) 22 D. 1522 ; Marie Élodie ANCEL, « Un an de droit international privé du commerce électronique », (2007) 1

Comm. com. électr. 20.

347 Paul LAGARDE, « Remarques sur la proposition de règlement de la commission européenne sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) », (2006) 2 Rev.crit. DIP 330, 341.

92

Le nouveau règlement apporte une solution simple qui consiste dans la seule

application de la loi de la résidence habituelle du consommateur

348

. En l’espèce,

les consommateurs bénéficient de « règles de conflits de lois plus favorables à

leurs intérêts que ne le sont les règles générales »

349

. Le Règlement requiert aussi

qu’un consommateur ait conclu un contrat avec un professionnel. Le Règlement

prévoit explicitement que le consommateur doit être une personne physique et,

contrairement à la Convention de Rome, dispose que le commerçant doit être un

professionnel ; ce qui a pour effet d’exclure des dispositions de l’article 5, les

contrats de type C2C.