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Les rôles déterminants des différentes déclinaisons

Dans le document Stratégie nationale de recherche (Page 144-148)

de la recherche

1 | Les rôles déterminants des différentes déclinaisons de la recherche

La recherche fondamentale

La recherche scientifique est, à la fois, une démarche créatrice de connaissances motivée par la curio-sité pure et une activité génératrice d’innovations qui augmentent les moyens d’action et de diagnostic sur la nature, l’homme et la société. Loin de s’opposer, ces deux aspects de la recherche, le fonda-mental et l’appliqué, sont complémentaires l’un de l’autre. La recherche fondafonda-mentale crée le socle de connaissances à partir duquel naissent les applications et, inversement, les avancées technologiques procurent les outils d’investigation de plus en plus perfectionnés qui conduisent à approfondir nos connaissances fondamentales.

La reconnaissance de cette complémentarité ne doit pas masquer une dissymétrie essentielle entre recherche fondamentale et recherche appliquée. La première, qui conduit à des résultats imprévisibles par essence, n’est pas programmable et doit se développer sur de longues constantes de temps, en lais-sant au chercheur l’entière liberté de définir son objet de recherche. La seconde, qui cherche à répondre à des demandes spécifiques de la société, se planifie sur des périodes de temps limitées pour conduire à des applications immédiates, génératrices de profit économique et/ou de bien-être social.

Dans le contexte actuel de crise économique et d’avenir incertain, cette dissymétrie entre recherche fondamentale et appliquée fragilise grandement la première. En effet, la société a une tendance naturelle à favoriser la recherche de résultats à court terme, immédiatement rentables et, ce faisant, à appliquer à l’ensemble de la recherche, fondamentale et appliquée, des méthodes de gestion et d’éva-luation qui, si elles sont légitimes pour la recherche appliquée, ne peuvent s’étendre sans dommage à la recherche fondamentale.

Un exemple de cette dérive est la généralisation de la recherche sur contrat à thématiques ciblées, au détriment de la recherche financée de façon récurrente. En adoptant pour l’organisation de la recherche fondamentale des méthodes de gestion qui ne lui sont pas adaptées, on fragilise l’ensemble de la recherche puisque ce n’est qu’à partir d’une recherche fondamentale s’épanouissant librement que peut naître une innovation fructueuse. Seuls des financements récurrents au niveau des labo-ratoires (avec pour corollaire une évaluation rigoureuse et indépendante du laboratoire par les pairs) ainsi que l’utilisation poussée de programmes blancs promouvant la liberté créative des membres des laboratoires permettent d’assurer les conditions du développement d’une recherche fondamentale libre et forte, non contrainte par des impératifs de résultat à court terme.

Partant de ce constat, le CSR estime que la première condition à remplir pour répondre aux défis posés à la recherche par la société est de reconnaître la recherche fondamentale comme la condition essen-tielle de l’innovation et d’en améliorer les contextes d’exercice.

Le texte qui suit rappelle les caractéristiques essentielles de la recherche « pour la connaissance » motivée par la curiosité pure, son importance pour la civilisation en général et pour l’innovation en particulier. Il sert de préambule à l’énoncé de l’amélioration des conditions dans lesquelles s’effectue la recherche fondamentale dans notre pays.

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Le code de la recherche (article L.111-6) donne pour objectif à la stratégie nationale de recherche de

« répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau ». Cette activité de connaissance « pour elle-même » doit être avant tout reconnue comme une aspiration fondamentale de l’esprit humain. Dans un pays avancé comme la France, il est impératif de favoriser le développement d’une recherche fondamentale libre et respectueuse des règles de l’éthique. Les thèmes d’étude théoriques ou expérimentaux de cette recherche doivent être choisis selon une approche ascendante, dite bottom up, par les chercheurs eux-mêmes, qui sont formés à inventorier les limites scientifiques du savoir et reconnaître les domaines qui demandent à être approfondis.

Cette aspiration à la connaissance pour elle-même, cherchant à mieux comprendre le monde qui nous entoure et son histoire, est un besoin largement présent dans la société et fait partie intégrante de la culture collective. En témoigne l’intérêt soutenu du public pour des recherches et des découvertes sans application pratique immédiate ou même lointaine, en astronomie, en cosmologie, en paléontologie, en égyptologie, en sciences du vivant ou même en physique des particules.

Insister sur la nature « gratuite » et largement imprévisible de la recherche fondamentale ne s’oppose pas, bien au contraire, à la reconnaissance de son rôle essentiel comme « terrain fertile » favorable à l’innovation. De façon indirecte, l’essentiel des applications technologiques et des avancées dans les domaines de la santé, de l’énergie, de la communication ou des transports ayant révolutionné notre vie dans les deux derniers siècles, provient de l’accumulation des connaissances produites par la recherche fondamentale non finalisée. Ainsi cette dernière apparaît-elle comme une nécessité, même pour ceux qui, ne se fiant qu’à des critères utilitaristes, pourraient être insensibles à sa valeur culturelle.

Au nom de la société, l’État et les scientifiques ont pour mission de chercher à identifier des solutions aux défis que pose la mondialisation. Des technologies innovantes sont nécessaires pour répondre à ces défis, mais celles-ci ne pourront se développer qu’à partir de découvertes fondamentales, par définition non prévisibles. Le passé montre que, dans tous les domaines – qu’il s’agisse de la lutte contre le cancer, le VIH et bien d’autres pathologies infectieuses ou non –, les avancées les plus prometteuses sont venues de travaux fondamentaux dans les domaines de la biologie qui ont permis de mettre au point des outils validés ensuite par de la recherche clinique. De même, les nombreuses technologies issues de la recherche fondamentale en physique (lasers, GPS, ordinateurs, imagerie médicale) ne se sont développées qu’après que des chercheurs inspirés par la curiosité pure eurent élaboré les concepts sur lesquels ces technologies ont pu se bâtir.

Par conséquent, le CSR tient à souligner que le défi de la connaissance « pour elle-même » n’est pas simplement un défi parmi d’autres, mais constitue le premier des défis auxquels notre société doit faire face en matière de recherche et d’innovation. Relever ce défi conditionne la réussite de tous les autres dans la mesure où les innovations nécessaires pour répondre aux enjeux sociétaux ne se réa-liseront que s’il existe en France une recherche fondamentale performante et porteuse d’excellence.

En d’autres termes, le défi de la connaissance « pour elle-même » constitue un enjeu transversal, sous-jacent à tous les autres et devant de façon impérative porter la stratégie nationale de la recherche consacrée à la connaissance.

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Dans le contexte actuel, le simple affichage de la thématique « connaissance pour elle-même» ne suffit malheureusement pas. L’habitude qui s’affirme de présenter une part de plus en plus importante de la recherche fondamentale comme étant riche de débouchés possibles conduit les chercheurs et les institutions à aller de plus en plus dans le sens de cette « justification additionnelle », même quand leurs travaux sont fondamentaux et encore loin de toute application. Le danger est de faire des promesses que les chercheurs ne soient pas sûrs de tenir, ce qui conduit finalement à une perte de confiance dans la recherche (les exemples abondent, depuis celui de la fusion contrôlée ou de l’ordinateur quantique à la guérison du cancer ou la mise au point d’un vaccin contre le paludisme ou le VIH, trop souvent promis pour demain). Les chercheurs ne doivent pas être contraints à entrer dans ce jeu dangereux et la recherche fondamentale, par nature imprévisible, doit être plus largement qu’aujourd’hui financée sur le long terme.

Après l’analyse effectuée par son groupe de travail interne sur la recherche fondamentale, le CSR constate que la recherche fondamentale française, qui manifeste son excellence dans de nombreux domaines où elle est à la pointe de la science mondiale, souffre de plusieurs handicaps auxquels il doit être remédié pour que notre pays puisse garder ou renforcer son rang de grande puissance. Parmi ces handicaps figurent les problèmes de recrutement, de statut et de carrière des jeunes chercheurs, l’insuffisance des moyens récurrents permettant le développement d’une recherche libre sur un temps suffisamment long, la complexité administrative du système de recherche et d’enseignement supérieur français et son manque de lisibilité internationale.

Le CSR présente donc des recommandations pour s’attaquer à ces problèmes et améliorer la situation de la recherche et des chercheurs. Ces recommandations reprennent en partie les préconisations élaborées par les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, présentées le 17 décembre 2012 au président de la République. Elles soulignent l’importance qui s’attache à leur mise en œuvre pour promouvoir la recherche fondamentale.

Une autre partie importante des recommandations des Assises concernait plus spécifiquement l’ensei-gnement supérieur et la gestion des universités. Elles ne seront pas reprises ici, même s’il est évident qu’une recherche fondamentale performante ne peut prospérer que dans un environnement favorable à un enseignement supérieur de qualité, délivré par des universités bien gérées, ayant parmi leurs missions essentielles, parallèlement à la préparation des étudiants à un métier, le partage et la diffusion de la connaissance.

Les recommandations qui suivent assignent un premier objectif aux instances chargées de la recherche et de son évaluation : l’excellence scientifique et la mise en place des conditions qui permettent de la maintenir et de la développer. Elles privilégient les mesures qui visent à garantir à la recherche fondamentale ses forces vives, des moyens nécessairement inscrits dans la durée et son attractivité internationale. Elles traitent successivement de l’emploi des chercheurs et des personnels de soutien à la recherche, des moyens logistiques mis à leur disposition, de la gestion et enfin de l’attractivité de la recherche au niveau national et international.

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