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4. Les ferritines

4.2 Les ferritines végétales

4.3.1 Les régulations transcriptionnelles

Le rôle physiologique des ferritines n’est pas clairement établi chez les végétaux. Toutefois, de nombreuses études ont permis d’identifier un grand nombre de régulations impliquant des voies très diverses. Alors que le mécanisme de régulation le plus connu des ferritines animales est post-transcriptionnel, chez les végétaux, la régulation transcriptionnelle est la mieux décrite et semble être dominante sur les autres régulations. AtFER1 étant le gène le plus exprimé chez Arabidopsis, il a été choisi comme modèle d’étude pour comprendre les mécanismes de régulation des ferritines végétales.

Le gène AtFER1 est régulé transcriptionnellement par au moins 3 voies indépendantes dans les feuilles et les racines (Fig. 15) : l’excès de fer (i), la lumière et le rythme circadien (ii), et la carence en phosphate (iii).

(i) La voie fer a été identifiée suite à l’analyse structurale (délétion) du promoteur d’AtFER1. Cette étude a permis d’identifier un élément cis de 15 paires de bases nommé «

Iron-Dependent Regulatory Sequence » (IDRS ; Petit et al., 2001) impliqué dans la réponse au

fer. Cette voie dépendante de l’IDRS est répressive. En absence de fer, un répresseur empêche la transcription d’AtFER1. En présence de fer, le répresseur est ubiquitinylé, puis dégradé par une voie dépendante du protéasome 26S, conduisant à la levée de répression de l'expression d’AtFER1 (Arnaud et al., 2006). Le répresseur n’est pas fixé sur l’IDRS. En effet, par des expériences de retard sur gel, il a été montré que l’IDRS était occupé par une (ou des) protéine(s) en condition répressive et dé-répressive (Arnaud et al., 2006). Des approches pharmacologiques ont montré que la voie IDRS met en jeu un messager secondaire, l’oxyde nitrique (NO ; Murgia et al. 2002 ; Murgia et al., 2004). Après un excès de fer, une forte

27 augmentation ponctuelle de NO est observée au niveau des chloroplastes (Arnaud et al., 2006) ce qui pourrait être un signal pour induire les ferritines et ainsi prévenir un stress oxydatif dans le siège de la photosynthèse.

(ii) Afin d’identifier les acteurs moléculaires régulant l’expression d’AtFER1, un crible génétique a été mis en place. Un traitement à l’ethyl methane sulfonate (EMS) a été appliqué sur des lignées transformées avec le promoteur d’AtFER1 fusionné au gène de la luciférase (pAtFER1::LUC). En condition de carence en fer, les plantes présentant une activité luciférase possédaient donc une mutation affectant le fonctionnement d’une voie répressive de l’expression d’AtFER1. Un mutant a été sélectionné, puis une approche de clonage positionnel a permis d’identifier la protéine TIC (TIME FOR COFFEE ; Duc et al., 2009). Bien que TIC et la voie impliquant l’IDRS aient un effet répresseur sur l’expression d’AtFER1, les deux voies sont indépendantes. Chez Arabidopsis, TIC a été décrit comme un régulateur nucléaire de l’horloge circadienne (Ding et al., 2007). TIC est décrit comme impliqué dans le maintien de l’homéostasie métabolique (Sanchez-Villarreal et al., 2013) La régulation d’AtFER1 semble également être dépendante de l’horloge circadienne (Duc et al., 2009). Plus récemment, des travaux de Chip-Seq menés par Liu et ses collaborateurs (2013) suggèrent que le facteur de transcription PRR7 (PSEUDO-RESPONSE REGULATOR 7), un composant de l’horloge circadienne, soit un régulateur direct de la transcription d’AtFER1 confirmant l’importance de cette voie dans le contrôle de l’expression de ce dernier.

L’horloge circadienne se définit par un regroupement de boucles de rétroaction qui génèrent un rythme perpétuel endogène et permet l’anticipation des modifications des conditions environnementales. Ce mécanisme autonome génère des cycles d’environ 24 heures appelés rythme circadien. Le système de l’horloge peut être divisé en trois partie : les entrants qui perçoivent les variations environnementales, comme l’alternance jour/nuit, la température ; l’oscillateur, régulé par les entrants, qui maintient le rythme circadien ; et les sortants qui lient l’oscillateur au métabolisme et à la physiologie de la plante (Mas, 2005). Les mutants affectés dans l’activité de l’horloge permettent de mettre en évidence les sortants (par exemple un faible niveau de croissance, une photosynthèse moins efficace, et un taux de mortalité élevé). De plus, l’horloge a été impliquée dans la régulation de nombreux mécanismes tels que la floraison, la croissance de l’hypocotyle, la synthèse d’hormones ou encore la photosynthèse et la nutrition ferrique (Dodd et al., 2005 ; Nozue et al., 2007; Herrero et Davis, 2012 ; Tissot et al., 2014, Cf. annexe).

28 Les acteurs moléculaires de l’oscillateur se regroupent en trois boucles de rétro-contrôle : la boucle centrale (Core loop ; constituée de CCA1, LHY et TOC1), la boucle du matin (Morning loop), et la boucle du soir (Evening lopp ; Locke et al., 2006).

Dans les racines, l’horloge semble avoir le même mécanisme général, avec toutefois une différence sur les rôles des facteurs de transcription LHY et CCA1. En effet, ces protéines dans les racines ne semblent pas réprimer l’expression de TOC1 contrairement à ce qu’il a été observé dans les feuilles (James et al., 2008). De plus, l’horloge a besoin pour fonctionner d’un signal photosynthétique provenant des parties aériennes. Ces caractéristiques font de l’horloge un mécanisme organe spécifique, mais pas organe autonome.

(iii) Récemment, un crible simple hybride a été mis en place afin de mettre en évidence des facteurs de transcription interagissant avec la région promotrice d’AtFER1. Cette approche a mis en évidence que le facteur de transcription PHR1 (Phosphate Starvation Reponse Regulator 1, MYB-like) interagissait avec le promoteur d’AtFER1 (Bournier et al., 2013). Des expériences de retard sur gel ont permis de montrer que cette protéine se fixe sur un élément cis positionné en 5’ de l’IDRS du promoteur nommé P1BS (PHR1 Binding

Sequence). PHR1 est un facteur impliqué dans les mécanismes de réponse à la carence en

phosphate. Cette étude a aussi mis en évidence que PHL1 (PHR1-LIKE) agit de façon conjuguée avec PHR1 pour réguler l’expression d’AtFER1.

Le phosphate est un macronutriment essentiel pour le bon développement des plantes. Il est le constituant de plusieurs molécules clés comme l’ATP ou les acides nucléiques. Il joue également un rôle crucial dans l’activation de certaines protéines par la phosphorylation (Marschner, 1995). Chez Arabidopsis thaliana, la voie de réponse à la carence en phosphate n’est pas aussi bien décrite que celle de la réponse à la carence en fer. Dans cette voie, PHR1 joue un rôle central dans la voie de réponse à cette carence (Briat et al., 2015b, Cf. annexe). PHR1 est localisé dans le noyau, induit la transcription de nombreux gènes dont le promoteur contient un élément P1BS comme celui d’AtIPS1 (Rubio et al., 2001). AtIPS1 est un gène marqueur de réponse à la carence en phosphate qui code pour un microARN dont la fonction n’est pas clairement définie. Il a été démontré que PHR1 agit de façon conjugué avec PHL1 (PHR1 Like) pour induire les gènes de réponse à la carence en phosphate (Bustos et al., 2010).

D’un point de vue physiologique, la carence en phosphate génère un excès de fer, au moins chez Arabidopsis thaliana (Hirsh et al., 2006). Cette interaction est confirmée par une étude qui a montré que la carence en phosphate générait une accumulation de cations

AtLnc

(At5g01595)

AtFER1

(At5g01600)

Figure 16 : Le rôle potentiel du lncAtFer1 sur son gène sens.

Un long non-coding RNA (AtLnc: LncRNA; bleu) chevauche la séquence génomique du gène sens AtFER1(vert) (Castelli et al., 2004). Il est transcrit, polyadénylé et donc détectable en

RT-qPCR, mais n’est pas traduit. Les régions 5’-UTR et 3’-UTR d’AtFER1 sont représentées en vert

clair. La fin du Lnc (en 3’) s’aligne parfaitement avec l’initiation de la région 5’-UTR d’AtFER1.

5’ 3’

29 métalliques (Misson et al., 2005). En cas de carence, le fer stocké dans la vacuole sous forme de complexe fer/phosphate est probablement délocalisé avec le phosphate dans le cytosol, ce qui augmente considérablement la quantité de fer libre dans la cellule et modifie l’homéostasie de cet élément (Hirsh et al., 2006). De plus, il a été montré qu’une carence en phosphate provoque également une augmentation du prélèvement de fer (Ward et al., 2008). D’autre part, plusieurs études ont mis en évidence que la biodisponibilité du fer lors d’une carence en phosphate régulait la croissance et le développement racinaire (Muller et al., 2015 ; Rai et al., 2015). Plus précisément, le fer et le zinc affecteraient la réponse des gènes à la carence en phosphate et moduleraient la croissance de la racine primaire via l’auxine. C’est donc l’interaction antagoniste du fer et du phosphate qui régule le développement du méristème racinaire. Ainsi, la régulation directe de l’expression d’AtFER1 par PHR1 pourrait permettre le bon développement racinaire en évitant le stress oxydatif généré par un excès de fer comme abordé dans la publication de Guilhem Reyt (2015).