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3. Discussion

3.1 Les éléments inducteurs de l’expression d’AtFER1

Un excès de fer induit l’expression d’AtFER1, le gène majeur de ferritine chez

Arabidopsis. Bien que très étudiée, la région promotrice concernée par cette régulation n’était

pas clairement déterminée. Il était établi que l’IDRS est la boite inhibitrice impliquée dans la réponse au fer. D’après mes résultats, les ELEMs 2 et 3 du promoteur ont également un rôle important dans cette réponse (Fig. 21 et 22). J’ai pu montrer qu’ils englobent les deux boites régulatrices : P1BS et FeRE.

En ce qui concerne l’élément cis-régulateur P1BS (GAATATCC), mes résultats confirment les données de Bournier et al. (2013), en montrant que cet élément est nécessaire pour l’expression d’AtFER1 en réponse à la carence en phosphate (Fig. 25). D’un point de vue plus global, les métabolismes du phosphate et du fer sont connus pour être liés aux niveaux physiologiques et moléculaires. Une question importante est de déterminer pourquoi des facteurs de la voie de réponse à la carence en phosphate (PHR1 et PHL1, MYB-like de la famille MYB-CC) régulent directement un gène impliqué dans le métabolisme du fer (AtFER1). La présence de phosphate dans les ferritines indique qu’en plus d’être des éléments régulant la disponibilité du fer intracellulaire, les ferritines pourraient aussi réguler la disponibilité du phosphate dans le chloroplaste, ce dernier étant impliqué dans le transfert de protons (H+) entre les thylakoïdes et le stroma (par exemple) et dans le métabolisme énergétique via l’ATP. D’autre part, mes résultats mettent en évidence l’aspect indispensable

45 du P1BS pour l’expression basale d’AtFER1 et pour la réponse au fer (Fig. 21). Curieusement, les observations sur les constructions avec le P1BS muté ne sont pas la conséquence de l’action de PHR1 ou de PHL1. En effet, dans le double mutant phr1-3 phl1-2, l’activité du promoteur minimal n’est pas modifiée par rapport au contrôle (Fig. 26). Cela suggère que d’autres facteurs seraient impliqués pour induire l’expression d’AtFER1 au niveau basal en interagissant avec la P1BS. Chez Arabidopsis, les facteurs de transcription PHL2 et PHL3 (deux MYB-CC) sont capables d’induire l’expression de PAP10 (PURPLE ACID

PHOSPHATASE 10), un gène impliqué dans la tolérance à la carence en phosphate en

interagissant avec la séquence P1BS de pPAP10 (Sun et al., 2016 ; Wang et al., 2011). D’autre part, il commence à être établi que certains facteurs de transcription de type MYB peuvent interagir avec une séquence P1BS indépendamment du statut en phosphate. Par exemple, les facteurs de transcription gMYB1 et gMYB2 (deux MYB-CC) interagissent avec le P1BS du promoteur de PLA2-g (PHOSPHOLIPASE A2) qui joue un rôle critique dans le développement du pollen (Nguyen et al., 2016). Dans notre cas, il est donc probable que la séquence P1BS du promoteur d’AtFER1 soit le siège d’induction de plusieurs facteurs de transcription de type MYB-CC. PHR1 et PHL1 induiraient le promoteur d’AtFER1 en réponse à la carence en phosphate alors que d’autres facteurs prendraient leur place en condition de culture non carencée en phosphate. Dans le but de confirmer cette hypothèse, un nouveau criblage simple hybride en levure sur ce motif pourrait être réalisé à partir d’ADNc issus de plantes cultivées en condition standard ou dans des milieux en disponibilité en fer contrastée.

La boite régulatrice FeRE (CACACT) a déjà été identifiée comme un élément crucial du maintien de l’homéostasie du fer chez Chlamydomonas reinhardtii (Deng and Eriksson 2007). En effet, cette séquence nucléotidique constitue l’élément cis pour l’induction de l’expression chez Chlamydomonas de FOX1 (FEROXIDASE) en réponse à la carence en fer. Plus récemment, la séquence FeRE a été identifiée dans des voies inhibant l’expression de gènes en réponse à la carence en fer (Fei et al., 2010) mettant en évidence le rôle dual de cet élément par rapport au statut en fer chez Chlamydomonas. Concernant la régulation de l’expression d’AtFER1 en réponse à un excès de fer, il est admis que ce mécanisme passe par une levée d’inhibition de l’expression d’AtFER1 via l’élément cis-régulateur IDRS. A l’inverse le mécanisme de régulation de l’expression d’AtFER1 faisant intervenir l’élément

cis-régulateur FeRE semble être une voie inductrice, potentiellement dépendante du fer (Fig.

22). Cependant, il est possible que l’élément cis-régulateur FeRE contribue à l’induction de l’expression d’AtFER1 indépendamment du fer, d’une façon non décrite à ce jour. Dans leur étude, Strozycki et al. (2010) indiquent que l’élément cis-régulateur FeRE du promoteur

46 d’AtFER1 jouerait un rôle via l’IDRS, qui comprend des motifs nucléotidiques proches de la

FeRE. En effet, ces deux éléments cis-régulateurs étant physiquement très proches (15 paires

de bases) et répondant tous les deux au fer, il est possible qu’une régulation dynamique prenne place au niveau de ces deux motifs. Une autre hypothèse, probablement la plus vraisemblable, serait que la FeRE ne soit tout simplement pas le siège de la réponse au fer, mais plutôt un point de contrôle aspécifique pour permettre l’expression basale d’AtFER1 et l’induction de l’expression de ce dernier par différents stimuli au travers d’autres éléments

cis-régulateurs (excès de fer/IDRS et carence en phosphate/P1BS).

De manière intéressante, les autres gènes de ferritines (AtFER2, AtFER3 et AtFER4) ne possèdent pas dans leur « promoteur minimal » les ELEMs 2 et 3, mais possèdent à la place l’ELEM 1 (Fig. 17A). Que l’ELEM 1 joue le même rôle fonctionnel que les séquences cis-régulatrices P1BS et FeRE est une question qui reste ouverte. Pour y répondre, j’ai réalisé des constructions chimériques où les ELEMs 2 et 3 du promoteur minimal d’AtFER3 et l’ELEM 1 du promoteur minimal d’AtFER1 ont été échangés entre ces deux promoteurs minimaux. L’étude des plantes transgéniques devrait apporter des éléments de réponse.

En observant la densité d’éléments cis-régulateurs dans le promoteur minimal d’AtFER1, il est difficile de concevoir que la « voie phosphate ou P1BS » et la « voie fer » soient totalement indépendantes. En effet, le motif P1BS est situé à moins de 5 pb de l’ELEM

3 et à moins de 25 pb de l’IDRS. Cette constatation suggère que les facteurs liés au P1BS

pourraient interagir avec d’autres protéines qui cibleraient la FeRE ou l’IDRS afin de maintenir l’homéostasie du phosphate et celle du fer via AtFER1.