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Les réglementations nationales et locales

V. Principaux pays pratiquant la REUT et réglementations associées

3. Les réglementations nationales et locales

Le Tableau 12 présente les niveaux de qualité pour quelques pays ou régions. Seules les normes relatives à un ou plusieurs des usages suivants sont présentées : irrigation de cultures non transformées, usage urbain non restreint (contact direct potentiel du public avec les EUT), usage environnemental non restreint, usage potable indirect. Ces niveaux de qualité sont souvent les plus élevés pour les pays ou régions étudiés. Ils s’accompagnent également la plupart du temps de prescriptions sur l’usage des eaux usées traitées (barrières multiples), notamment pour l’irrigation par aspersion : irrigation seulement la nuit, contraintes de distance par rapport aux habitations, arrêt de l’irrigation à partir d’un seuil de vitesse de vent…

Certains pays choisissent de définir des normes très strictes pour la réutilisation. C’est notamment le cas des USA et plus particulièrement de la Californie. Les normes australiennes sont fondées sur le même principe. Ces standards sont également accompagnés de prescriptions de traitements tertiaires à mettre en œuvre : le plus souvent filtration tertiaire et désinfection. En pratique, ces normes sont tellement strictes qu’elles nécessitent la mise en place de filtrations membranaires et d’une désinfection poussée (haute dose UV par exemple) pour atteindre la quasi absence de coliformes dans les eaux traitées. Plusieurs experts estiment que ces normes rigoureuses ne sont pas justifiées et minimisent inutilement les risques sanitaires avec des coûts de traitement souvent prohibitifs (PNUE, 2005a). Dans le bassin méditerranéen, des normes très strictes sont également rencontrées dans certains pays du nord (Italie, Grèce) et en Israël (ainsi que pour les pays du golfe Persique). Elles ne sont par contre pas accompagnées de prescriptions de traitement, une approche de validation au cas par cas avec les autorités locales étant privilégiée (Sanz & Gawlik, 2014). La plupart des réglementations sur la REUT établies par les pays du sud du bassin méditerranéen sont basées sur la directive de l’OMS. Elles imposent des teneurs en Escherichia coli entre 100 et 1000 UFC/100 mL pour les usages étudiés. Le cas de la France est un peu particulier puisque les experts ont estimé qu’une approche basée sur l’évaluation quantitative du risque microbien n’est pas pertinente pour l'irrigation par aspersion, du fait d’un manque d’études liées à l’évaluation de l’exposition des populations et à l’établissement de relations dose-réponse pour les pathogènes considérés (ANSES, 2012).

Dans la plupart des pays, les coliformes ou Escherichia coli sont les seuls indicateurs microbiologiques pris en compte. Pour les réglementations inspirées par la directive de l’OMS, cela est lié au fait qu’un niveau défini de E. coli en sortie de

traitement est supposé assurer que le traitement a une efficacité acceptable pour les pathogènes, en combinaison avec la vérification de l’absence d’œufs d’Helminthes (ou œufs de nématodes intestinaux) (WHO, 2006). Pour les réglementations plus strictes comme en Californie, c’est le niveau de traitement imposé qui est censé garantir l’élimination des pathogènes, avec une procédure stricte d’autorisation pour chaque nouveau procédé. Certains pays comme l’Italie ou l’Espagne imposent également l’absence de salmonelles ou de légionnelles en cas d’aérosolisation des EUT. En France, une approche plus sécuritaire a été adoptée, puisque d’autres indicateurs (entérocoques, bactériophages ARNf-spécifiques, spores de BASR) ont été considérés pour garantir l’efficacité des traitements, avec des abattements minimum à atteindre (AFSSA, 2008; ANSES, 2012). Néanmoins, ces indicateurs étant coûteux et complexes à analyser, la fréquence imposée pour leur suivi est faible. De la même façon, l’analyse de la plupart des paramètres microbiologiques présentés dans le Tableau 12 n’est imposée que de façon ponctuelle. Pour le suivi en routine, ce sont E. coli ou les coliformes qui sont utilisés, avec une fréquence d’analyse journalière à bi- hebdomadaire selon les pays et les usages.

Concernant les indicateurs physico-chimiques, deux approches sont considérées. Certains pays (comme les USA, la Californie) ont une approche essentiellement sanitaire, avec le suivi de paramètres garantissant une faible teneur en particules organiques pouvant conduire à une recontamination : DBO, DCO, turbidité, MES. D’autres pays prennent en compte l’usage potable indirect, et imposent des normes sanitaires similaires à celles de l’eau potable pour ces usages : métaux lourds, micropolluants… (comme l’Espagne ou l’Italie). Enfin, dans les pays ou l’usage agricole est important (Israël, Italie, Espagne, Jordanie, Tunisie), les paramètres pouvant affecter la fertilité des sols (voir paragraphe 3.1.1), comme la conductivité, sont pris en compte. En France, une étude sur les sols doit être réalisée tous les dix ans (JORF, 2014).

Tableau 12 : Exemples de normes de qualité pour des EUT destinées à au moins un des usages suivants : irrigation de cultures non transformées, usage urbain non restreint, usage environnemental non restreint ou usage potable indirect (* : lignes directrices ; Abb. : abattement entre l’entrée et la sortie de l’ensemble du traitement des eaux usées)

Pays Usages autorisés Paramètres physico-

chimiques Paramètres microbiologiques

Traitements minimum requis

Références

USA*

Cultures non transformées Usage urbain non restreint Usage environnemental non restreint Usage potable indirect

pH entre 6 et 9 DBO ≤ 10 mg/L Turbidité ≤ 2 NTU

Coliformes fécaux non détectés dans 100 mL Chlore résiduel à 1 mg/L Secondaire Filtration Désinfection (US EPA, 2012) Californie

Cultures non transformées Usage urbain non restreint Usage environnemental non restreint

Turbidité ≤ 0,2 NTU

Coliformes totaux ≤ 2,2 UFC/100 mL (médiane sur 7 jours)

Secondaire Filtration Désinfection (State of California, 2001) Victoria (Australie)*

Cultures non transformées Usage urbain non restreint

pH entre 6 et 9 DBO ≤ 10 mg/L MES ≤ 10 mg/L Turbidité ≤ 2 NTU E. coli ≤ 10 UFC/100 mL Œufs d’Helminthes < 1/L Protozoaires < 1/50 L Virus < 1/50L Chlore résiduel à 1 mg/L Secondaire Filtration Désinfection (EPA Victoria, 2003)

Israël Cultures non transformées Usage urbain non restreint

pH entre 6,5 et 8,5 DBO ≤ 10 mg/L DCO ≤ 100 mg/L MES ≤ 10 mg/L Azote total ≤ 25 mg/L Phosphore total ≤ 5 mg/L Conductivité < 1400 µS/cm Oxygène dissous ≥ 0,5 mg/L E. coli ≤ 10 UFC/100 mL Chlore résiduel à 1 mg/L / (MERAP, 2010; Ministry of health of Israel, 1999)

Tableau 12 (suite)

Tunisie Cultures non transformées

pH entre 6,5 et 8,5 DBO ≤ 30 mg/L DCO ≤ 90 mg/L MES ≤ 30 mg/L Azote total ≤ 100 mg/L Phosphore total ≤ 10 mg/L Coliformes fécaux ≤ 2000 UFC/100 mL Streptocoques fécaux ≤ 1000 UFC/100 mL Salmonelles : absence dans 5 L Vibrions cholériques : absence dans 5 L

/ (INNORPI, 1989)

Italie Cultures non transformées Usage urbain non restreint

pH entre 6 et 9,5 DBO ≤ 20 mg/L DCO ≤ 100 mg/L MES ≤ 10 mg/L Azote total ≤ 15 mg/L Phosphore total ≤ 2 mg/L Conductivité < 3000 µS/cm E. coli ≤ 10 UFC/100 mL (50 si lagunage) Salmonelles : absence dans 1 L

/ (GU, 2006)

Espagne

Cultures non transformées

MES ≤ 20 mg/L Turbidité ≤ 10 NTU E. coli ≤ 100 UFC/100 mL Œufs de nématodes < 1/10 L (Legionella sp. ≤ 1000 UFC/L si aspersion) / (BOE, 2007) Usage urbain non restreint E. coli ≤ 200 UFC/100 mL

Œufs de nématodes < 1/10 L Usage potable indirect MES ≤ 35 mg/L E. coli ≤ 1000 UFC/100 mL

France

Cultures non transformées Usage urbain non restreint (irrigation d’espaces verts seulement) DCO ≤ 60 mg/L MES ≤ 15 mg/L E. coli ≤ 250 UFC/100 mL Entérocoques fécaux, Bactériophages ARNf- spécifiques, Spores de BASR : Abb. ≥ 4 log ou ≤ 10 UFC/100 mL

/ (DGS, 2016; JORF, 2014)

4. Conclusion

Les pays ou régions pratiquant le plus la REUT sont aussi ceux ou le stress hydrique est le plus important : ouest des Etats-Unis, pourtour du bassin méditerranéen et du golfe Persique (Figure 2). À l’échelle mondiale, deux textes définissant des bonnes pratiques existent actuellement : la directive OMS de 2006 et les normes ISO 16075. Une proposition réglementaire d’exigences minimales de qualité pour la réutilisation des eaux en irrigation et en recharge d’aquifère est en cours d’élaboration à l’échelle de l’Union Européenne (European Commission, 2016). La plupart des réglementations nationales sont inspirées de la directive de l’OMS et utilisent l’évaluation quantitative des risques microbiens pour définir différents niveaux de qualité. Les indicateurs de suivi sont Escherichia coli et les œufs d’Helminthes. Certaines réglementations (comme en Californie) sont très strictes avec des niveaux de qualité très élevés (quasi absence de coliformes dans les EUT). En France, plusieurs indicateurs prennent en compte la diversité des pathogènes avec des abattements minimum requis pour garantir l’efficacité du système. Dans tous les cas, un seul indicateur est choisi pour le suivi du traitement en routine : il s’agit le plus souvent d’E. coli ou des coliformes totaux. Ces deux types de stratégies au niveau des normes de qualité conduisent à deux types de traitement : poussé pour garantir une qualité élevée (dans les pays développés et les grandes collectivités) ou adapté pour répondre à l’usage visé (dans les pays en développement et les petites collectivités). Les travaux de recherche sur la REUT s’articulent donc autour de ces deux stratégies.

VI. État des lieux de la recherche sur la réutilisation