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Les indicateurs de qualité des eaux usées traitées

IV. Les risques sanitaires liés à la REUT

4. Les indicateurs de qualité des eaux usées traitées

a. Qu’est-ce qu’un bon indicateur ?

Le nombre et la variété des constituants chimiques et biologiques rencontrés dans les eaux usées traitées rendent impossible leur qualification et leur quantification exhaustives. Par conséquent, une sélection d’indicateurs pertinents est nécessaire pour évaluer la qualité des EUT (Jiménez-Cisneros, 2014). Un indicateur (par exemple la teneur en coliformes) est une information obtenue à partir d’un ou plusieurs estimateurs (mesures) qui permet une meilleure connaissance du système étudié (AFNOR, 2000b). Il faut noter qu’un paramètre (comme la turbidité par exemple) peut permettre d’estimer de façon indirecte un indicateur (comme la teneur en coliformes) et également donner de façon directe une information sur le système (Figure 14).

Figure 14 : Définition de la notion d'indicateur de qualité des EUT

Les principales qualités d’un bon indicateur sont (d'après AFNOR, 2000b) :

 la représentativité : l’indicateur est exhaustif par rapport au besoin de connaissance sur le système étudié et transposable à d’autres systèmes pour comparaison,

 la simplicité : il doit être facile à estimer, et à un coût acceptable,

 l’opérationnalité : l’indicateur doit donner une information suffisamment sensible et suffisamment rapide pour décrire la situation actuelle.

b. Les indicateurs de qualité physico-chimique

Les principaux constituants rencontrés dans les eaux usées traitées sont sous forme organique ou minérale d’une part, et sous forme particulaire, colloïdale ou dissoute d’autre part. La pollution particulaire peut être mesurée par filtration ou par des méthodes optiques. Dans le premier cas, l’échantillon passe au travers d’un filtre en fibre de verre avec un seuil de coupure de 1,2 µm pour retenir les matières en suspension (MES) et une partie des matières colloïdales. Le filtre est ensuite séché puis pesé, et la quantité de MES est ramenée au volume filtré (AFNOR, 2005). Les méthodes optiques sont basées sur la diffraction/absorption de la lumière par les particules. La plus connue est la néphélométrie, qui permet de mesurer la turbidité, exprimée en NTU (AFNOR, 2000a). La transmittance UV à 254 nm est aussi un bon indicateur de la pollution particulaire. Pour une caractérisation plus fine des tailles des particules en suspension, des méthodes granulométriques sont également employées (Azema et al., 2002).

La pollution organique des EUT est constituée de deux types de composés : les composés facilement biodégradables (protéines, organismes vivants, bioplastiques…), et les composés difficilement biodégradables (substances humiques, hydrocarbures…) (Thomas & Theraulaz, 2007). Généralement, ces composés ne sont pas mesurés

spécifiquement, mais des indicateurs globaux sont utilisés, les plus courants étant la Demande Chimique en Oxygène (DCO) pour la pollution organique totale et la Demande Biologique en Oxygène (DBO5, généralement mesurée sur cinq jours) pour la

pollution organique biodégradable. D’autres paramètres peuvent également être utilisés, comme le Carbone Organique Total (COT) ou l’absorption UV à 254 nm. Ces méthodes sont intéressantes d’un point de vue global, mais elles peuvent conduire à une surestimation : par exemple, la DCO prend en compte une partie des minéraux oxydables et la spectrophotométrie UV prend en compte une partie des minéraux absorbant à 254 nm, alors que ces composés ne devraient pas être mesurés pour estimer la pollution organique (Figure 15).

Figure 15 : Signification des indicateurs globaux de la pollution organique (Thomas & Theraulaz, 2007)

Au contraire des indicateurs globaux de pollution organique, les composés minéraux dans l’eau sont recherchés de façon plutôt spécifique. Un des plus courant est l’azote, qui peut être mesuré de façon globale : formes dissoutes (azote total filtré à 0,45 µm) ou formes dissoutes et particulaires (azote total non filtré). Les formes spécifiques peuvent aussi être mesurées : les nitrates, les nitrites, l’ammonium et l’azote Kjeldahl qui est un indicateur qui mesure les formes organiques et ammoniacales de l’azote (Figure 16). Le deuxième composé fréquemment mesuré est le phosphore, soit sous l’ensemble de ses formes organique et minérale (phosphore total), soit sous sa forme minérale (P- PO43-). Les métaux les plus fréquemment mesurés sont le fer (total, filtré) et le

manganèse. La salinité et l’alcalinité des eaux sont mesurées soit de façon globale par la conductivité (donne une idée de la minéralisation), soit par des indicateurs spécifiques comme le TAC (Titre Alcalimétrique Complet, teneur en ions hydroxyde, bicarbonate et carbonate) ou le TH (Titre Hydrotimétrique, teneur en ions calcium et magnésium). Enfin, les éléments traces (pesticides, métaux, résidus médicamenteux)

sont mesurés soit de façon spécifique, soit de façon indirecte par la mesure d’effets induits (reprotoxiques par exemple) (Asano et al., 2007).

Figure 16 : Les différentes formes de l'azote et les indicateurs liés (d'après Asano et al., 2007)

c. Les indicateurs de qualité microbiologique

L’identification, l’isolement et le dénombrement de l’ensemble des microorganismes susceptibles d’avoir un impact sur la santé humaine représentent un coût et une durée d’analyse tellement importants que cette approche n’est pas envisagée, même pour la potabilisation de l’eau. C’est pourquoi des organismes indicateurs de contamination sont plutôt recherchés (Cabral, 2010; Drechsel et al., 2011; WHO, 2006). Ce type d’indicateurs possède les caractéristiques suivantes dans l’idéal (AFSSA, 2008; Asano et al., 2007; Cabral, 2010) :

 il est présent quand il y a contamination,

 il est présent en quantité supérieure ou égale à celle du ou des organismes cibles,

 sa résistance aux stress environnementaux et aux traitements est équivalente ou légèrement supérieure à celle du ou des organismes cibles,

 son identification et sa culture doivent être plus simples, plus rapides et moins coûteuses que pour le ou les organismes cibles,

 il ne doit pas présenter un risque pathogène trop important pour le personnel de laboratoire.

L’indicateur idéal qui remplit toutes ces conditions n’existe pas en pratique. Il est donc nécessaire de choisir plusieurs indicateurs complémentaires. La problématique est de choisir un nombre suffisant d’indicateurs pour s’assurer de la détection d’une contamination fécale, à un coût « viable » par rapport à l’usage et à la fréquence d’analyses envisagés. Certains indicateurs sont également utilisés pour vérifier le bon fonctionnement des étapes du traitement. Dans ce cas, les indicateurs choisis ne sont pas forcément les plus représentatifs du risque pathogène, mais ils sont les plus résistants au traitement étudié (AFSSA, 2008). Les principaux indicateurs de contamination actuellement utilisés sont les coliformes totaux, dont Escherichia coli, ainsi que les entérocoques (Salgot & Huertas, 2006; Uyttendaele et al., 2015; WHO, 2006).

Les coliformes sont définis comme l’ensemble des bactéries anaérobies facultatives gram-négatives, ne formant pas de spores, en forme de bâtonnets, qui sont capables de fermenter le lactose avec formation de gaz sous 48 heures à 35 ± 2°C. Elles sont capables d’exprimer l’enzyme β-D-galactosidase (ISO, 2012; Madigan et al., 2012). Les coliformes possèdent aussi des flagelles et sont donc capables de se mouvoir dans leur environnement (Figure 17). Les coliformes fécaux ou thermotolérants sont parfois également recherchés : ils sont aussi capables de fermenter le lactose, mais à 44°C.

Escherichia coli est une espèce particulière des coliformes fécaux capable d’exprimer l’enzyme β-D-glucuronidase (ISO, 2012). E. coli est à l’heure actuelle la souche la plus utilisée comme indicateur de contamination fécale (WHO, 2006). Comme la plupart des risques pathogènes sont associés à des organismes issus des fèces (bactéries, virus, protozoaires, helminthes), la présence de cet indicateur est un indice de contamination. Néanmoins, cette souche est également très sensible au stress environnemental ou lié aux traitements de désinfection, elle ne suffit donc pas à garantir l’efficacité de ce type de traitement sur l’ensemble des pathogènes (AFSSA, 2008; Harwood et al., 2005). Si la plupart des coliformes sont d’origine entérique, certaines souches peuvent être également présentes dans l’environnement, comme les genres Erwinia ou Pantoea. La détection de coliformes totaux ne garantit donc pas que la contamination soit d’origine fécale (Cabral, 2010). Néanmoins, le fait que certaines souches de coliformes soient plus résistantes permet de vérifier l’efficacité des traitements, notamment de désinfection (Harwood et al., 2005; NRC, 2004; Uyttendaele et al., 2015).

Figure 17 : Représentation d'une cellule de Escherichia coli (souche O157:H7). La longueur est d’environ 3 µm pour un diamètre d’environ 1 µm (Madigan et al., 2012)

Les entérocoques sont des cellules bactériennes sphériques ou ovoïdes, gram- positives, ne formant pas de spores, à métabolisme anaérobie facultatif, capables de fermenter le lactose. Ils possèdent l’enzyme β-D-glucosidase (Byappanahalli et al., 2012; ISO, 1999). Les entérocoques se regroupent en paires ou en chaînes, et ne sont pas mobiles (Figure 18). Ils sont plus résistants dans l’environnement et sont donc intéressants comme indicateurs de contamination fécale, même si certaines souches sont retrouvées naturellement dans les sédiments ou les sols (Byappanahalli et al., 2012). Plusieurs études montrent l’intérêt des entérocoques comme indicateurs de la présence et de la résistance des virus entériques pendant les différentes étapes du traitement des eaux usées (AFSSA, 2008; Byappanahalli et al., 2012; Harwood et al., 2005; NRC, 2004; Uyttendaele et al., 2015). Concernant les protozoaires et les helminthes, la présence des entérocoques est significativement corrélée à la présence de ces pathogènes, mais l’absence d’entérocoques ne signifie pas forcément l’absence de risque, notamment car les entérocoques sont moins résistants aux traitements de désinfection que les protozoaires (Byappanahalli et al., 2012; Harwood et al., 2005; NRC, 2004).

Figure 18 : Photos d'entérocoques au microscope électronique à balayage. Le diamètre des cellules varie entre 0,5 et 1 µm (Madigan et al., 2012)

La présence des virus, protozoaires et helminthes est donc globalement plus difficile à évaluer par des indicateurs bactériens. L’utilisation des bactériophages (virus qui infectent les bactéries) est intéressante comme indicateur de présence pour les virus car leur taille, forme et résistance sont proches, et les bactériophages (notamment les coliphages ARN-F spécifiques) sont présents en quantité importante dans les eaux usées (Asano et al., 2007; NRC, 2004). Les spores des bactéries anaérobies sulfito- réductrices (BASR) comme Clostridium sont considérées comme un modèle intéressant pour les oocystes de Cryptosporidium et Giardia car elles sont également résistantes aux traitements, notamment de désinfection (NRC, 2004). Néanmoins, aucune étude n’a pu montrer à ce jour l’intérêt de ces deux paramètres additionnels pour mettre en évidence un risque de contamination fécale (Boutin & Helmer, 2009; Uyttendaele et al., 2015). La turbidité est également un indicateur intéressant : des valeurs inférieures à 2 NTU dans les EUT témoignent d’un faible risque en contamination par

Cryptosporidium et Giardia (AFSSA, 2008). Concernant les helminthes, il n’y a pas d’indicateur de remplacement, la seule méthode valable étant le comptage direct des œufs (Drechsel et al., 2011; NRC, 2004).

En conclusion, plusieurs indicateurs peuvent être utilisés pour estimer le risque pathogène, notamment issu d’une contamination fécale (Figure 19). Cependant aucun indicateur n’est exhaustif. Le choix de la combinaison d’indicateurs de suivi est un compromis entre la spécificité des indicateurs, et le coût (et donc la fréquence) des analyses. Les indicateurs les plus couramment utilisés (E. coli, coliformes totaux, entérocoques) permettent un suivi régulier et « robuste » de l’efficacité du traitement des EUT. Des paramètres supplémentaires (spores de BASR, bactériophages ARN-F spécifiques, œufs d’helminthes) permettent un suivi plus exhaustif, mais les analyses représentent un coût et/ou une complexité élevés ce qui diminue la fréquence des

analyses. Ces indicateurs sont repris dans les textes réglementaires nationaux et internationaux concernant la REUT.

Figure 19 : Principaux pathogènes rencontrés dans les eaux usées et principaux indicateurs microbiologiques de contamination

V. Principaux pays pratiquant la REUT et