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Dans l’analyse phénoménologique de la notion d’autorité de Kojève, quatre grands types d’autorité, quatre types purs sont dégagés. Il y a l’Autorité du Père260, l’Autorité du Maître, l’Autorité du Chef et celle du Juge. Intemporelle face à ces quatre types « purs » d’Autorité, il y a celle de l’Éternité (l’irréductible transcendance, que l’on soit croyant ou non n’enlève rien au sens de la transcendance comprise ici dans son sens essentialiste). L’Autorité de l’Éternité a fondamentalement besoin des trois types de l’Autorité humaine correspondant à une tripartition temporelle passé-présent- avenir, bien que l’Éternité ne soit que « la négation du Temps, c’est-à-dire une fonction de celui-ci »261. L’autorité humaine est par essence périssable, c’est le risque de toute autorité d’être déchue. Mais, il ne peut pas ne pas y avoir d’autorité en ce sens que c’est le social qui la réclame sous ses différentes formes d’existences. Ces formes peuvent donc être séparées ou combinées selon les contextes et les époques. Dans son acception platonicienne, l’Autorité du Juge « s’oppose aux Autorités de Père, de Chef et de Maître, qui font bloc. Et ceci nous suggère l’idée de rapprocher l’Autorité de Juge de celle de l’Éternel, qui s’oppose aux trois Autorités temporelles qui font, elles aussi, bloc en tant que temporelles et que nous pourrions donc rapprocher des trois autres types “purs” d’Autorité »262. Les trois types purs de l’Autorité sont supportés et représentés par l’Autorité du Chef (Aristote) comme figure de l’avenir, l’Autorité du Maître (Hegel) comme figure du présent et l’Autorité du Père (la scolastique) comme figure du passé et de la tradition. Ces trois types « purs » peuvent toujours être transmis

260 Dans cette section, toutes les majuscules utilisées pour personnifier les concepts le sont en conformité

avec l’ouvrage de Kojève, La notion de l’autorité, op. cit. Dans le cas contraire, nous utilisons la minuscule.

261 Ibid., p. 120.

262 Ibid., p. 121. Sur l’Autorité de Juge, « [o]n pourra donc dire que l’Autorité de Juge est rebelle à toute

“succession”, c’est-à-dire à toute “temporalisation”, étant en quelque sorte en dehors du Temps : elle est censée exister toujours, et si elle ne le peut pas, elle disparaît complètement (pour renaître spontanément à nouveau), au lieu de “passer” (sans solution de continuité) à quelque chose de postérieur ». Ibid., p. 122.

d’une quelconque manière due à leur temporalisation, mais l’Autorité de l’Éternel et celle du Juge ne peuvent jamais être transmises, puisqu’elles sont rendues « fonctions intemporelles »263. Reprenons dans le détail ces types purs de l’Autorité pour tenter de

comprendre où se situe le type d’autorité correspondant à la perspective organiciste de Spencer.

L’Autorité du Père, tout d’abord, pour Kojève, c’est celle qui s’associe au passé, c’est le type d’Autorité qui transite par tout ce qui est héréditaire, tout ce qui est traditionnel, les liens du sang, le nom de famille, etc. Notons que Spencer s’est attaqué directement à ce type pur d’Autorité. Le Père, c’est l’Autorité du passé comme lien entre les générations et comme mémoire de la contrainte, de l’imposition verticale :

Tout ici est significatif : et qu’il y ait amputation, et que le membre amputé soit précisément l’Autorité du Père, et que cette amputation s’effectue tacitement, c’est-à-dire inconsciemment. L’Autorité du Père signifie « tradition », « détermination par le passé », « présence réelle » du Passé dans le Présent. La suppression de l’Autorité de Père a donc un caractère nettement « révolutionnaire »264.

Dans l’acceptation de l’Autorité du Père, « on renonce volontairement et consciemment à “réagir” contre elle parce qu’une telle “réaction” serait une réaction contre soi-même, une sorte de suicide »265. Kojève entend par là que l’Autorité du passé explique le présent et porte en elle l’essence du sujet. Il fait remarquer que l’Autorité du Mort dans cette acceptation rend compte que le mort est encore plus « cause » que le vivant par

263 Kojève explique sur cette séparation « fonctionnelle » que « l’Éternel n’a une Autorité proprement

dite que par rapport aux actions humaines dans la mesure où il annule certaines d’entre elles, à savoir celles qui ont le caractère de “réactions” contre l’intervention active de l’élément de l’Éternité. Ce n’est donc pas l’Éternité en tant que telle, mais les actions de caractère éternel qui ont de l’Autorité ». Ibid., p. 123. Même dans le modèle productiviste, la passation des pouvoirs se réalise selon l’utilité et les finalités visées.

264 Ibid., p. 142-143. 265 Ibid., p. 87.

son effet d’Éternel et que ce lien est aussi mémoire et conscience de ses origines. C’est ce qui fait dire à Kojève que l’Autorité du Mort est incontestable et puissante, puisqu’elle agit sur le réel comme figure et comme inscription alors que le corps n’est plus. Il est possible d’affirmer que c’est l’idée du disparu qui lui confère une Autorité symbolique auprès de ceux qui en détiennent la mémoire.

Le Maître, c’est l’Autorité du présent, c’est celui qui risque, qui met sa position en jeu. Il occupe sa place comme raison et comme conséquence justifiant une Autorité nécessaire : « L’Autorité de Maître n’est donc pas seulement celle du Guerrier. D’une manière générale, c’est l’Autorité de celui qui (dans tous ses domaines) est “prêt à courir le Risque”, “sait agir”, est “capable de prendre une décision (projet)”, se “met en œuvre”, etc. ; bref, qui n’est pas pourtant et toujours “raisonnable” et “prudent” ». Le maître d’école est quelqu’un qui risque, il porte le projet et connaît les finalités de son enseignement. Il doit fonder un projet ayant une finalité scolaire propre. Que ce soit l’Autorité du Père ou celle du Maître, la figure du ternaire est effective, elle tranche. Le Tiers est figure de Maître, il organise et impose, sans la force, le respect. Dans le monde de l’éducation, l’Autorité du Maître demeure importante comme processus de légitimation entre les familles et les enfants. Déjà, il est impensable que Spencer s’associe à ces deux types purs d’autorité, puisque « [l]a possibilité de l’éducation commence là où s’arrête la contrainte légale et là où le recours à la force est proscrit »266.

Il y a ensuite l’Autorité du Chef. Il s’agit du type pur associé à l’avenir : « En suivant Aristote, un autre type est central, celui de Chef, plus apte que d’autres à prévoir, plus intelligent et clairvoyant, qui conçoit un projet, dirige et commande »267. Il n’est jamais question de rencontrer dans les sociétés historiques et à venir un seul

266 Blais et al., « Fin ou métamorphose de l’autorité ? », op. cit., p. 162. 267 Kojève, La notion de l’autorité, op. cit., p. 26.

type pur d’autorité à l’œuvre. Chaque type pur finit par s’épuiser lorsque sa représentation est trop exclusive. Pour analyser dans une perspective phénoménologique les types de l’Autorité et leur « figure », Kojève se questionne sur les combinaisons de ces types afin d’analyser les transformations et les constantes politiques (Pétain-Hitler). Précisons que l’ouvrage a été écrit en 1942.

Par extrapolation, l’autorité correspondant au modèle organiciste spencérien est naturelle et industrielle ; elle doit donc combiner le type Chef avec celle de Juge (en acceptant de la comprendre comme intemporelle), puisque Spencer mise sur les actions et sur leurs conséquences dans un processus de prédiction de la causalité (en sachant que toute prédiction est imparfaite). Spencer vise aussi un idéal afin d’imposer une direction à partir d’un modèle qui se veut universel et a-temporel. Le Chef, plus intelligent, commande, programme et conditionne par sa figure l’élan de la Nature en respectant sa Force. Le Chef doit être considéré dans la philosophie morale de Spencer comme un type « pur » qui organise les forces de la nature dans un processus de causation et d’adaptation. Face à la chute des deux piliers de l’éducation moderne : « l’impératif du savoir » et la « légitimité de l’institution », les auteurs de Conditions de l’éducation considèrent qu’il « reste l’éventuelle autorité “naturelle” de l’enseignant. Elle existe, et elle mérite d’être interrogée. […] Mais ce talent, par cela même qu’il est strictement individuel, ne saurait constituer une réponse à un problème d’ordre général et impersonnel »268. Ce talent personnel ne peut effectivement pas

rendre compte d’un projet politique général. Par contre, dans le système éducatif de Spencer, il faut souligner que la volonté générale doit être celle que prescrit la nature. C’est elle qui détermine l’individualité à partir d’une perspective morale organique (les réactions naturelles par exemple). Ce retournement biologique pour traiter la société comme un organisme permet d’ailleurs à l’évolutionnisme de Spencer de se ressaisir

de la volonté générale comme d’une réalité naturelle. Kojève conçoit que c’est l’Autorité du Juge qui convient le mieux à une société politique de type organiciste :

Mais qu’est-ce que le rapport du Tout aux Parties en général ? Un Tout mécanique n’est rien d’autre que la somme de ses Parties ; loin de déterminer ces dernières, il est entièrement déterminé par elles. Ce n’est que dans l’organisme vivant qu’on peut opposer le Tout aux Parties et dire que, dans une certaine mesure, les Parties se « soumettent » au Tout et sont déterminées par ce Tout en tant que tel. […] On ne peut donc parler d’une Autorité du Tout sur les Parties que dans la mesure où la société (ou l’État) est conçue par analogie avec un

organisme. C’est donc cette analogie qui doit guider l’analyse

phénoménologique de l’Autorité attribuée à la « volonté générale »269.

Kojève l’associe à la notion d’entéléchie d’Aristote. Il explique que cette notion est particulièrement exacte pour la biologie, mais non pour la physique ou pour la chimie moderne.

Avec Spencer, nous avons déjà expliqué que la volonté générale doit être internalisée par chacun. C’est l’Idée d’une nature organisatrice du social. Le superorganisme qu’est la société est immanent et relève de la nature comme processus complexe d’intégration et d’équilibration des natures hétérogènes confrontées à leur milieu. Cette explication permet d’exclure les interventions sociales comme autant de régressions indésirables, comme un retour vers les besoins archaïques des hommes de devoir dominer la Nature sous l’impératif de la figure du chef militaire. Le Chef de

269 Kojève, La notion de l’autorité, op. cit., p. 106-107. Il faut garder en tête les conceptions

spencériennes discutées plus haut comparant la société à un organisme (ce qui nous permet de montrer avec Kojève que la théorie spencérienne est une posture autocratique) : « Or, l’idée (biologique) du Tout est appelée à rendre compte de deux choses : 1) de l’hérédité, c’est-à-dire de la permanence de la structure de l’organisme […] et 2) de l’harmonie des divers éléments de cet organisme. Par contre, la causalité (finalité) du Tout exclut toute espèce de modification “révolutionnaire” de l’organisme (“mutation”) : si l’espèce (le Tout) change, par suite d’un changement d’une (ou de plusieurs) des Parties. On peut donc dire que le Tout détermine les parties là où il y a harmonie et permanence, mais dans tout changement (“essentiel”) il y a détermination du Tout par les Parties. » Ibid., p. 107. Ce qui justifie par ricochet l’atomisation des sociétés à l’ère industrielle et la détermination du Tout (le social) par l’action individuelle.

Spencer est donc « organique » alors que le Chef militaire représente l’institution traditionnelle. Avec la volonté générale, tout le monde a le même but, le même objectif conscient autorégulé. Cependant, affirmer une telle perspective organiciste ne fait que déplacer les problèmes. Le Chef de l’organicisme, tout en négligeant la part essentielle de la nature humaine profondément métaphysique et ontologique, tire son autorité d’une inscription forcée :

Il n’y a pas de doute que l’Autorité est un phénomène essentiellement humain (non naturel) – ce qui veut dire (sans que nous puissions le démontrer ici) social et historique : l’Autorité présuppose une société (ou l’État au sens large, c’est-à- dire autre chose qu’un troupeau animal, où il n’y a pas de possibilité de « réaction »), et la société présuppose (et implique) l’histoire (et non seulement une évolution biologique, naturelle)270.

C’est à l’Autorité de Père, à celle de Maître et à celle de l’Éternel que s’attaque Spencer. La posture « organique » doit rejeter le passé (autre qu’héréditaire, toujours partiel), au nom d’un avenir saisi comme un idéal en « voie de réalisation », toujours à refaire. Ce rejet de la tradition devient également par la force des choses un rejet du rapport ternaire et de la mémoire271. Lebrun s’attarde, quant à lui, sur la légitimité de l’autorité et montre que la délégitimation des liaisons transcendantales réduit les capacités individuelles à vivre dans les différents lieux de la société :

Au niveau collectif, il en résulte un problème majeur : le défi de la modernité, celui d’avoir à renouer avec la légitimité, s’en trouve dès lors impossible à relever. Car vont alors devenir citoyens non pas des sujets à part entière, mais plutôt des individus devenus adultes sans avoir été obligés de quitter l’enfance… et sans même le savoir. Rien ne sera plus difficile que d’obtenir d’eux qu’ils réinventent la légitimité. Redonner une existence à la place de transcendance via 270 Ibid., p. 118.

271 Il est impératif de penser avec Kojève que la « réflexion passe alors sur le chemin de la métaphysique,

à partir d’une conception nécessairement sociale et historique de l’Autorité, impliquée par la possibilité d’une réaction, par rapport à une société, mieux encore à un État qui peut être religieux, politique, etc. ».

celle du père, du chef, [du maître] en un mot de l’exception, équivaudrait précisément à accepter d’affronter ce qu’ils ont pu, jusque-là éviter. Ceci met en évidence un paradoxe crucial : depuis la nuit des temps, aucune société n’a jamais donné autant d’importance à la singularité du sujet, mais aucune, également, n’a aussi peu préparé le sujet à soutenir cette position dont elle rend pourtant possible l’avènement272.

Ce rejet de la position d’exception, de la position du Tiers rencontrée dans les figures d’autorité empêche de traiter correctement les nouvelles violences institutionnelles.

Avec Spencer, s’il est dit que la nature fait toujours bien les choses et que s’affirme de plus en plus un mouvement naturel qui ne doit jamais être brusqué, il faut admettre que l’humanité « perd » en un moment (puisque les crises réapparaissent nécessairement) le lien temporel de la tripartition passé-présent-avenir et le sens de la vie collective. Ce que l’organicisme spencérien exclut, ce sont les liaisons symboliques et ontologiques de l’autorité humaine, mais il ne reste alors dans le social et dans l’éducatif que des rapports de forces. Institutionnellement aussi, le sens général s’y perd, puisque l’individu séparé de sa culture se retrouve dans l’obligation d’accepter une posture où il doit rejeter autant la forme passée-présente que le rapport ternaire, et il ne fait plus confiance à ce grand Autre qu’est la société :

Nul ne s’éduque lui-même. Chaque nouvel entrant dans le monde se trouve jeté dans un océan opaque de codes et de règles qui l’enveloppent sans qu’il ait la moindre maîtrise – épreuve terrifiante dont personne ne se remet jamais complètement, et qui constitue la véritable racine psychique de l’énigmatique propension humaine à la soumission. […] À quoi il faut ajouter que cette appropriation ne se fait pas toute seule, par une adaptation plus ou moins automatique et selon un développement endogène ; elle exige un travail considérable sur soi, dont là aussi personne ne saurait venir à bout par ses seuls moyens273.

272 Lebrun, La perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, op. cit., p. 32. 273 Blais et al., « Fin ou métamorphose de l’autorité ? », op. cit., p. 162.

Sous la puissance du contrôle organique, nous ne rencontrons dans la nature qu’une espèce d’autoritarisme autoréférentielle, c’est-à-dire celle d’une force contraignante sans liaisons autres que la domination par la peur et le mépris :

Par définition, toute l’Autorité politique appartient en bloc à l’État en tant que tel. Mais l’État est une entité « idéelle », qui a besoin d’un « support réel » (« matériel ») pour pouvoir exister dans le monde spatio-temporel. Ce « support » est formé par des individus ou des groupes d’individus humains. Et c’est ainsi qu’apparaissent les problèmes de la division et de la transmission de l’Autorité274.

N’est-il pas constamment ramené sur la place publique ce faux débat entre les progressistes et les conservateurs ? Entre ceux qui refusent le changement et ceux qui le provoquent ? Entre ceux qui ont peur du progrès et ceux qui l’adorent ? En interrogeant la tripartition des pouvoirs et leur séparation dans les modalités constitutionnelles de la modernité, Kojève critique la séparation d’un pouvoir sous l’exercice exclusif du Chef :

Or l’Avenir, séparé du Présent, est une pure abstraction privée de toute « substance » métaphysique. Et ceci se traduit dans le plan de l’existence humaine et politique par le fait que l’Autorité de Chef, isolée de celle de Maître, prend un caractère « utopique » : la législation séparée de l’exécution [prétention toute spencérienne] construit une « Utopie » sans attache avec le Présent (c’est-à-dire la réalité) qui, par suite, n’arrive pas à se réaliser (c’est-à-dire à se maintenir dans le Présent) et entraîne dans sa ruine l’Autorité qui l’a produite ; et, avec elle, l’État lui-même sous sa forme « séparée ». Quant au Présent, il se « déshumanise » dans la mesure où il se détache de l’Avenir275.

274 Kojève, La notion de l’autorité, op. cit., p. 138. Le « support » de l’Autorité de l’État est politique et

s’exerce de manière autonome (le Chef) ou dépendante (le fonctionnaire qui exerce son Autorité en

fonction de celle du Chef).

275 Ibid., p. 158. Kojève poursuit en affirmant que le pouvoir exécutif ne peut pas être séparé

politiquement sans se nier : « [c]e qui signifie – dans le plan politique – que le “pouvoir” exécutif “séparé” dégénère en simple “administration” ou “police” (le “Gouvernement-Gendarme”) : il devient une pure “technique”, qui ne compte qu’avec ce qui “est”, c’est-à-dire avec le donné “brut”. Or le “donné brut” n’est rien d’autre que l’état des forces en présence. C’est donc la force qui détermine l’action du “pouvoir” exécutif séparé : il devient une “administration” ou une “police” de classe, comme disent les marxistes. » Ibid.

C’est ainsi que la politique régalienne pour un État réduit à des fonctions policières devient un État technocratique et violent. L’État gendarme représente un simple rapport de forces (re)conduisant les inégalités tout en affirmant que ces inégalités sont constitutives des rapports de forces passés. C’est également ce qui tend à légitimer les interventions normalisatrices dans les milieux scolaires alors que les Maîtres n’agissent plus comme intercesseurs, comme Tiers assumant la pression sociale et l’explicitant dans le but de préparer les enfants à la vie du « dehors » : « L’enjeu de l’autorité éducative, dans le système symbolique de nos sociétés, n’est rien d’autre, en fin de compte, que la garantie publique de l’accessibilité du monde commun »276. Dans une logique hégélienne de la négation créatrice, Kojève avance que la structure métaphysique de l’Autorité s’oppose à sa division :

En effet, la division n’est réelle (elle n’a un « sens » et une « raison » d’être) que si les parties séparées sont susceptibles d’entrer en conflit les unes avec les autres ; or un conflit (même « latent ») semble devoir nécessairement « neutraliser » une partie des puissances mises en cause, de sorte qu’il faille déduire cette partie « perdue » de la puissance formée par la somme des puissances des parties séparées, prises isolément. Il semble donc qu’il est préférable de donner à l’Autorité politique prise en bloc un seul et même « support » (individuel ou collectif)277.

Là où l’on éprouve le besoin de risquer sa place, le besoin de construire des projets communs, nous rencontrons la figure du Maître. Le Maître d’école est nécessairement une figure de légitimation et le porteur du projet scolaire. Il est le relais de l’autorité familiale et a besoin de celle-ci pour pratiquer et pour incarner la représentation d’une