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1.6 LE THEATRE: FELIX LOPE DE VEGA CARPIO

2. LES OUVRAGES SCIENTIFIQUES

2.3. LES OUVRAGES PSEUDO-SCIENTIFIQUES

Cette catégorie d'ouvrages concerne les ouvrages de Torquemada et ceux d'un auteur anonyme.

2.3.1. ANTONIO DE TORQUEMADA

Ecrivain espagnol, il naquit à Leon probablement à la fin du XVème siècle. Il fut le secrétaire du comte de Benavente et ses oeuvres eurent un certains succès en Espagne entre 1553 et 1621; en France de 1579 à 1625; en Italie de 1590 à 1620 et à Londres entre 1600 et 1618.

Ses oeuvres peuvent être considérées parmi les plus extraordinaires et absurdes qui ont été écrites. L'auteur affirme avoir vu des hommes dont les oreilles couvrent tout le corps ou rencontré des femmes irlandaises avoir autant d'enfants que les jours de l'année... Ses écrits peuvent être classés parmi les "livres étonnants et curieux". Torquemada essaie tout de même de dicter une certaine morale en abordant les mauvaises conséquences des jeux; en rappelant les obligations des médecins et pharmaciens; en dissertant sur l'honneur, etc...

Il publie sous le titre Los colloquios satiricos en 1553, in-8°, à Mondonedo et en 1584, in-8°, à Bilbao, et sous le titre Jardin de Flores curiosas, en 1570, in-8° et 1577, in-8°, à Salamanque; en 1571, in-8° à Saragosse en 1573 à Leyda. A Medina del Campo en 1587, in-8° et 1599, in-8°. A Barcelone en 1621, in-8°.

En France,

à Lyon, en français, chez Jean Beraud en 1579, in-16°

-le traducteur étant Gabriel Chappuys.

à Lyon, en français, chez Antoine de Harsy,

en 1582, in-8°, ouvrage de notre Fonds (45).

à Paris, en français, en 1583, in-12°

à Rouen, en 1610, in-12° et 1625, in-12°.

45.- Hexameron, ou Six iournées, contenans plusieurs doctes discours sus aucuns poincts difficiles en diverses sciences... Fait en Hespagnol par

Antoine de Torquemada & mis en François par Gabriel Chappuys Tourangeau (vers de B.A.A.). A Lyon, par Antoine de Harsy, in-8°, 489 pag., 1582.

A Venise, en italien, en 1590, in-4° - 1591 - 1596, in-4°-1597, in-4° - 1612, in-8° - 1620, in-8°.

A Anvers, en espagnol, en 1575, in-12°. A Londres, en 1600, in-4° et 1618, in-4°.

Ce livre fut interdit dans les Index de 1677 et 1790.

Il est curieux de constater que ces livres étranges ont eu tant de succès en Europe. Le fait d'être traduits dans la langue de chaque pays signifierait qu'ils étaient lus par une partie du peuple; que celui-ci possédait quand même une certaine culture; qu'il aimait les récits de faits étonnants.

2.3.2. ANONYME

On peut mentionner également comme livre curieux un écrit, in-8°, de quatorze pages, anonyme, publié en français en 1662, chez Claude Armand, "dit Alphonse, en rue Ferrandière au Pélican", figurant dans le fonds de la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu: L'Histoire merveilleuse et espouventable, d'un monstre engendré dans le corps d'un homme nommé Ferdinand de la Febue, au Marquesat de Genete en Espagne, et pour rassurer les esprits, il est précisé Imprimé premièrement à Madrid, en Espagne, par la permission de Monsieur le grand Vicaire dudit lieu. L'Histoire merveilleuse et espouvantable..., éditée à Lyon en 1622 est un court récit de quatorze pages (en fait, il a onze pages, puisque l'histoire commence à la page numéro trois). La véracité du texte est assurée par l'auteur à plusieurs reprises. Ce fait est arrivé à "Pites de Fereyra, au Marquisat de Cenete, Evêché de Guadix, Royaume de Grenade par l'enchantement d'une vieille sorcière appelée Françoise de Leon". L'auteur, pour attirer l'attention, ajoute: "..ne succèda semblable chose ès Indes, Isles de Canarye, ni au Pays du Grand Cayre, en Chippre, Afrique ni Asie...". Il s'agit de l'accouchement par un homme d'un monstre semblable à un diablotin d'un conte d'horreur: "il avait les cuisses et les jambes d'homme, l'un des pieds fourchu, à quatre grandes griffes et l'autre n'avait aucune forme; le corps à la façon de celui d'un oiseau, les épaules de Porc Espic, les bras et les mains en façon et semblance humaine... les doigts ornés de griffes bien pointues, il avait aussi une queue de tortue, le col d'un cheval et les oreilles de même; des grands yeux de boeuf, un museau et la langue tirée à la manière d'un chien enragé"... Aussi, le mot "épouvantable" revient souvent.

Ce genre de récits fantastiques devait plaire à un certain public toujours prêt à tout accepter, et donne une idée de la crédulité de certaines personnes cultivées de l'époque (sachant lire). L'influence de la sorcellerie dans les esprits faisait partie de la mentalité d'alors. En effet, en ce récit l'on nous dit: "...ne sommes point ignorants que beaucoup de choses se font par art magique, y condescendant la mauvaise et perverse volonté des sorciers et magiciens".

Néanmoins le récit a une moralité. A la fin tout finit bien, car la sorcière qui avait séduit l'homme qui enfanta le monstre "fut bannie de la ville". Ensuite, nous lisons: "ouvrez les yeux (lecteur), ne vous fiez point à des mauvaises femmes, car celle qui vous montre plus beau visage, est celle- là qui vous vend en publique criée... (elles) vous succent le sang...sont des vipères vénéneuses: elles sont fausses et flatteuses... dans les yeux, gardez-vous bien donc qu'elles ne vous fassent enfanter comme a fait cette sorcière à ce pauvre homme, sur lequel pouvez prendre exemple... car la Majesté divine ne permet cela que pour vous donner un avertissement qu'ayez à fuir les vices et embrassez toutes sortes de vertus. Ne vous souillant plus ... avec offense du Seigneur...". En fait, la morale de l'histoire consiste à inspirer la crainte pour détourner les hommes du vice. Il est étonnant, dans ces conditions, qu'il ait été édité avec l'autorisation du Vicaire de Madrid.

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Ce graphique nous permet d’affirmer que Lulle est l’un des premiers auteurs à être publié en France. Les éditions de ses oeuvres se font d’abord en Espagne. A partir de 1491 les éditions françaises et espagnols se chevauchent. Toutefois, il y a davantage d’éditions en France qu’en Espagne. En Espagne, celles-ci se trouvent pour l’essentiel entre 1481 et 1527 (surtout en 1512). Puis, elles reprennent en 1565 pour se répéter de manière sporadique jusqu’à la fin du XVIIème siècle. En France, les éditions commencent en 1491 et vont jusqu’à l’année 1675. Nous constatons aussi une augmentation du nombre d’éditions en 1515, parallèle et postérieure à l’édition espagnole de 1512.

Mexia est très lu en Espagne de 1540 à 1560 (si l’on considère également les éditions d’Anvers en espagnol). Puis, de manière sporadique, de 1643 à 1673. En France, l’intérêt pour Mexia va de 1552 à 1675 (surtout en 1580).

Alors que Medina n’a presque aucun succès en Espagne, ce succès est considérable en France et enregistre deux phases: de 1553 à 1579, d’une part, et de 1602 à 1633, d’autre part. La première phase a un caractère nouveau, la France s’ouvrant aux nouvelles découvertes. La deuxième coïncide avec le déploiement de la Compagnie des Indes et la conquête des Mers en vue de la domination économique du monde.

Huarte de San Juan est édité en Espagne de 1575 à 1607, et très peu au XVIIème siècle, mais il a, en France, un succès soutenu de 1580 à 1670.

En conclusion de l'étude de ces ouvrages scientifiques, on est frappés de constater que, du point de vue intellectuel, les Espagnols ont imprégné la mentalité française de leurs connaissances et réflexions.

Lulle (1235-1315), érudit du Moyen-Age, a eu un impact énorme, non seulement en Espagne, mais encore et bien plus en France et dans le reste de l'Europe. Lyon s'empressa également de publier ses ouvrages. Sa méthode, qui cherche à faire le lien entre la physique et la morale et à expliquer les phénomènes naturels dans leur unité intrinsèque, ayant comme fin dernière et comme début de tout Dieu, se répandit dans toute l'Europe. Son influence dura jusqu'à la fin du XVIIème siècle.

Un passage s'opére, sans transition apparente, de l'esprit du Moyen-Age à la philosophie de Descartes. Mais, comment ce passage a-t-il pu se faire?

Le Fonds municipal de la Part-Dieu renferme deux ouvrages de Juan Huarte, très peu connus actuellement en France, mais dont l'importance a été capitale. En effet, les ouvrages de cet auteur ont été très répandus, en Espagne particulièrement, de 1575 à 1607.

Le succès que cet auteur eut alors en France fut énorme. Ce fut Lyon qui édita pour la première fois son oeuvre en 1580 et nous comptons plus de vingt éditions françaises, faites surtout à Paris, Rouen et Lyon. Les idées de Huarte ont également beaucoup influencé L'Esprit des lois de Montesquieu.

C'est lui qui a introduit des éléments nouveaux dans la réflexion de l'époque. Ces éléments ont permis plus tard aux philosophes français du XVIIIème siècle de développer leurs théories, sur la base présentée par Huarte.

Bien avant l'Encyclopédie de Diderot, Pedro Mexia publia toutes les connaissances qu'il avait et qui étaient celles des érudits de son temps. En Espagne, les éditions de son ouvrage encyclopédique vont de 1540 à 1673. En France de 1552 à 1643. Venise multiplia les rééditions de 1553 à 1682 et d'autres villes européennes tels que Genève, Strasbourg -en allemand-, Londres -en Anglais, traduit du français- le publient aussi, tout comme la Hollande.

Ces érudits espagnols publièrent en France surtout en français, ce qui signifie que leurs ouvrages étaient destinés à un public français. Lulle publia aussi en latin, ce qui paraît tout à fait logique, étant donné la nature de la personne et de son enseignement.

Dans le domaine technique l'ouvrage de Medina offre, pour nous, un grand intérêt.

En effet, son ouvrage renferme toutes les connaissances sur l'art de naviguer de l'époque. Il n'est pas le premier à le faire; en 1535 a été publié, pour la première et dernière fois, l'ouvrage de Faleiro, Portugais, qui a été acueilli par l'Espagne. L'oeuvre de Medina assure la suite dans ce domaine. Cependant Medina s'était trompé car il niait la variabilité de la déclinaison magnétique de la boussole selon les différents points du globe et il affirmait l'exactitude des cartes plates, à la différence de Faleiro.

Après quelques éditions des ouvrages de Medina, et six ans après lui, un autre Espagnol, Cortès, publia à Séville une autre compilation sur l'art de naviguer. Dans son ouvrage il affirmait le contraire de Medina sur les deux points déjà exposés.

Malheureusement, la France publia Medina, alors que l'Angleterre choisit Cortès -même si Medina y fut édité deux fois, en 1581 et 1595.

C'est ainsi que l'Angleterre va dominer les mers et, avec elles, le commerce. En fait, l'Europe apprend à naviguer des marins espagnols, ceux-ci l'ayant, à leur tour, appris des Portugais. Seulement, l'Espagne avait au XVIème siècle le prestige nécessaire pour "faire école" en Europe,

et non seulement le prestige théorique, mais le succès réel, puisqu'elle avait découvert de nouvelles terres. Ces publications se font en Espagne à partir de 1535, une fois seulement que la "Conquista" est bien avancée et qu'on a constaté qu'il s'agit bien de terres jusqu'alors inconnues. Il ne faut donc pas s'étonner que les auteurs espagnols aient eu un tel succès.

Par ailleurs, la publication, à Lyon, d'un ouvrage d'un mathématicien français, traduit en espagnol en 1602 paraît dénoter une recherche de clientèle de la part des éditeurs lyonnais, car il semble qu'en Espagne, à cette époque, on ne s'intéressait plus tellement aux nouvelles techniques appliquées, comme le montre le petit nombre d'éditions espagnoles des ouvrages de Medina et de Cortès.

Les ouvrages pseudo-scientifiques parvinrent également en France. Ils témoignent, peut-être davantage que d'autres ouvrages de grande qualité scientifique, d'une pénétration en profondeur et très étendue dans le temps et dans l'espace, des ouvrages espagnols en France, puisqu'ils parviennent jusqu'au grand public.

L'étude de ces ouvrages nous permet d'affirmer qu'il y a eu une véritable influence scientifique espagnole, dans l'esprit français.