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CHAPITRE 2 – L’IDENTIFICATION ET L’EXPLICATION DES PARTICULARISMES

4. LES PROCÉDÉS D’EXPLICATION DES PARTICULARISMES

4.2 Le traitement paratextuel

4.2.2 Les notes métalinguistiques générales

Pour sa part, la note métalinguistique générale est celle qui se trouve autant avant le texte qu’après le texte et qui donne des informations de diverses natures à propos de la langue d’écriture du roman, qui touche donc l’ensemble des particularismes qui y sont intégrés et non chacun des passages où se trouve de tels particularismes dans l’œuvre. Les notes métalinguistiques générales renvoient à ce que Genette (1987) appelle « l’instance préfacielle. » (Genette, 1987 : 164) Les notes métalinguistiques générales sont en fait des préfaces ou des postfaces qui ne consistent qu’en un commentaire général à propos de la langue d’écriture du roman. Genette (1987) nommera

préface, par généralisation du terme le plus fréquemment employé en français, toute espèce de

texte liminaire (préliminaire ou postliminaire), auctorial ou allographe, consistant en un discours produit à propos du texte qui suit ou qui précède. » (Genette, 1987 : 164)

Dans nos recherches, nous avons observé que les notes métalinguistiques générales peuvent se trouver dans un encadré au début ou à la fin du roman, qui est un « lieu dans lequel la lecture de l’éditeur hyperlecteur se manifeste, [un] lieu où les éléments du texte que l’éditeur veut mettre en valeur sont offerts publiquement. » (Cadioli, 2002 : 45) Il arrive souvent que les notes métalinguistiques générales soient signées par le destinateur (auteur, préfacier, éditeur, etc.). Notre exemplier contient six romans qui présentent des notes métalinguistiques générales ayant trait à l’emploi de particularismes dans l’œuvre à laquelle elles sont jointes. Par exemple, Mathieu (1982) signe une note, somme toute assez complexe, dans la page qui précède le premier chapitre de son roman L’Orage :

Écrit en français nord-américain, ce roman contient des centaines de canadianismes de bon aloi et populaires, c’est-à-dire de ces mots et expressions qui enrichissent la langue en lui ajoutant des éléments, contrairement au joual qui l’appauvrit en la déformant et la court-circuitant.

Emma est jammée icitte-dans. -JOUAL

Emma n’est pas sorteuse. -NORD-AMÉRICAIN

Emma est casanière. -INTERNATIONAL

C’t’un christ de fou! -JOUAL

Il lui manque un bardeau. -NORD-AMÉRICAIN

Il est fada. -INTERNATIONAL

Écoute-moé lé comm’ y’é en hostie! -JOUAL

Écoute-le chiquer la guenille. -NORD-AMÉRICAIN Écoute-le cracher son mécontentement -INTERNATIONAL Le joual écrit est laid et haïssable.

Le français international fait cul-de-poule pour un roman du terroir.

Plus riche que le précédent et plus près de nos cœurs, le français nord-américain s’avérait l’outil indispensable pour écrire L’ORAGE.

L’AUTEUR. (Mathieu, 1982 : 8)

Mathieu récidive en 1990 dans son roman L’été d’Hélène où on peut lire, en début d’ouvrage, une note divisée en six points. Le quatrième a trait aux particularismes québécois et va comme suit : « Les mots typiquement québécois de cet ouvrage de même que les néologismes sont identifiés par les guillemets. » (Mathieu, 1990 : 4) Toutefois, l’auteur n’a pas ajouté d’explication, ni par l’emploi d’éléments infratextuels, ni par l’emploi d’éléments paratextuels.

Pour sa part, l’éditeur (Leméac) de Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire signe une note15 au début du roman en prenant soin de mentionner que le héros de l’histoire a bel et bien existé et que « c’est lui qui parle par la plume de l’auteur. » (Leblanc, 1976 : 8) Aussi, l’éditeur précise-t-il que son choix a été de « conserve[r] toute la couleur du parler gaspésien » (Leblanc, 1976 : 8) du roman. Un autre cas de note métalinguistique générale se trouve au tout début du roman Un dieu chasseur de Jean-Yves Soucy :

Avertissement – Ce livre comprend un certain nombre de canadianismes, néologismes et mots d’origine anglaise ou autre. Les lecteurs qui désirent se familiariser avec ces termes trouveront, à la fin de cet ouvrage, un glossaire qui en donne la définition. (Soucy, 1978 : 4)

59 À cet égard, l’auteur a fortement réagi lorsqu’il a vu qu’un glossaire avait été joint à l’édition de 1978 de son roman (nous y reviendrons un peu plus loin) et sa réaction a été tout aussi virulente lorsqu’il s’est rappelé la note qui figure au début de cette même édition : « Ça aussi c’est ridicule. Un “avertissement”! Comme si on disait au lecteur que ce qu’il a entre les mains peut être dangereux! C’est quoi, ça va sauter? Non, ça aussi ils [les éditions La Presse] l’ont enlevé dans l’édition suivante. » (Jean-Yves Soucy, cité dans Lachapelle, 2005c)

Diverses notes métalinguistiques existent aussi à la fin de certains romans, voire à la fin de certains glossaires où l’éditeur émet un commentaire qui peut être perçu comme un détachement par rapport à la langue d’écriture de l’auteur. Le cas du Survenant est intéressant à cet égard. La note : « L’auteur a tenu à conserver à certains mots, dans le texte comme dans le dialogue, une prononciation qui peut paraître désuète mais qu’on leur donne encore dans la région, vieille de trois cents ans » (Guèvremont, 1945 : 247) va parfois être employée seule (dans l’édition de 1945), c’est- à-dire sans glossaire, alors que cette même note se trouve en concomitance avec le glossaire dans les éditions de 1946 et de 1957. De plus, nombreuses sont les éditions du Survenant qui ne retiendront que le glossaire (éditions de 1962, 1969, 1974, 1989). D’autres éditeurs vont utiliser des notes à la fin d’un roman afin de diriger le lecteur vers un dictionnaire de langue pour l’explication des particularismes. C’est le cas dans Profil de l’orignal (éd. originale 1953 – sans note, 1974 avec note) d’Andrée Maillet : « Pour ce qui concerne les québécismes, le lecteur voudra bien consulter le dictionnaire Bélisle (Dictionnaire général de la Langue française au Canada). » (Maillet, 1974 : 211) Cette note suit une Notice de l’auteur, signée par l’auteure Andrée Maillet. La note métalinguistique générale n’a donc pas pour objectif d’expliquer les particularismes intégrés au roman, mais plutôt d’informer le lecteur à propos de la langue d’écriture employée dans le roman.