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CHAPITRE 2 – L’IDENTIFICATION ET L’EXPLICATION DES PARTICULARISMES

3. LES PROCÉDÉS D’IDENTIFICATION DES PARTICULARISMES

3.2 L’identification à l’aide des marqueurs de glose

La mise en relief typographique d’expressions ou de mots diatopiquement marqués est-elle suffisante et réellement utile si « [c]es marques invitent le destinataire à revenir sur le mot, [sans] ne le dirige[r] dans sa réinterprétation » ? (Steuckardt et Niklas-Salminen, 2003 : 9) Plusieurs éditeurs identifient les particularismes sans en offrir d’interprétation au lecteur, alors que certains choisissent au contraire d’ajouter, dans l’espace du même volume, des éléments d’interprétation. Ces signes sont les marqueurs de glose.

Depuis plusieurs années, les recherches sur la glose évoluent et s’intéressent plus spécifiquement aux signes qui en permettent l’identification10. Cependant, comme « le repérage formel de la glose se disperse en séries trop ouvertes et trop différentes pour êtres prévisibles et clairement identifiables a priori » (Grimaldi, 2003 : 107), la liste des marqueurs de glose, comme il est convenu de les appeler, reste encore très sommaire. Dans un article à propos des marqueurs de glose dans les textes de Chateaubriand, Grimaldi (2003) mentionne que « [l]a liste des “jointures” ou “marqueurs” de glose reste à établir, et la définition syntaxique ne s’inscrit pas dans un archétype unique. » (Grimaldi, 2003 : 107) L’utilisation ici du terme jointure plutôt que celle de marqueurs

de glose est plus restrictive. Alors que marqueur désigne tous les signes susceptibles de permettre

le repérage d’une glose à l’intérieur d’un texte, le terme jointure ne fait référence qu’aux « syntagmes qui permettent d’introduire une spécification de sens ou d’emploi [d’un mot] comme

qui signifie, terme de, en terme de [et il est] emprunté aux études lexicographiques. » (Grimaldi,

2003 : 109) Nous utiliserons ce terme dans la suite de notre mémoire.

3.2.1 Les jointures

Les jointures sont nombreuses et il n’est nullement dans notre intention d’en faire ici un inventaire complet. De façon générale, la jointure est, comme le rappellent Steuckardt et Niklas-Salminen (2003), « une expression à caractère métalinguistique (mot grec ancien signifiant…; c’est le terme

précis pour désigner…; traduisez X en français mais en langage universel…; terme anglais pour désigner…; comme on appelle ici…). » (Steuckardt et Niklas-Salminen, 2003 : 59) La jointure

10À cet effet, on pourra consulter les articles contenus dans deux ouvrages se consacrant entièrement à la glose et à ses marqueurs, soit Le mot et sa glose (Steuckardt et Niklas-Salminen, 2003) et Les marqueurs de glose (Steuckardt et Niklas-Salminen, 2005).

53 sépare le mot glosé du mot gloseur (ou de la proposition gloseuse), amenant ainsi un éclairage sur ce mot. Mais les différentes jointures ne sont pas utilisées à la même fréquence dans les corpus de langue écrite qu’ils ne le sont dans ceux de langue parlée. Ainsi, dans la presse généraliste comme dans les œuvres littéraires, « [e]n dehors des mots métalinguistiques qui permettent de pointer les mots autonymes, les marques linguistiques telles que c’est-à-dire et ou ne sont employées que très rarement. » (Niklas-Salminen, 2003 : 68) Grimaldi (2003) n’arrive toutefois pas au même constat, ayant observé, chez Chateaubriand, « la primauté écrasante de c’est-à-dire dans les formulations de la glose. » (Grimaldi, 2003 : 112) L’emploi de jointures est aussi largement répandu dans les œuvres de notre exemplier où la glose de mot et la paraphrase de proposition sont fortement prisées par les auteurs et les éditeurs11. Par exemple, dans Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire, on remarque l’utilisation fréquente de la jointure c’était une manière de : « […] mais la cookerie était installée sur un skow. Un skow c’était une manière de12 cageux en bois rond : une quarantaine de pieds de long, une quinzaine de pieds de large. » (Leblanc, 1976 : 57) ou encore « Un bed à bœuf ça, c’était une manière de boîte qui partait d’un bord du camp pis qui runnait right through jusqu’à l’autre bord. » (Leblanc, 1976 : 94) Mais si les jointures ne semblent pas porter de sens en soi et qu’ils ne servent qu’à introduire une glose ou une paraphrase, nous verrons ultérieurement que la glose peut, elle, suggérer plus clairement une interprétation de la part de l’auteur.

3.2.2 Les appels de note

L’appel de note peut se présenter sous diverses formes : « un astérisque, un chiffre supérieur sans parenthèses, un chiffre supérieur entre parenthèses supérieures, un chiffre normal entre parenthèses ou une lettre en italique entre parenthèses en romain. » (Ramat, 2000 : 32)

Dans les œuvres de notre exemplier, l’usage de l’astérisque comme signe d’appel de note semble la pratique la plus courante. En effet, cinq œuvres emploient l’astérisque comme moyen d’identification des particularismes, renvoyant du même coup le lecteur à une note de bas de page, de fin de document ou à un glossaire. Une seule œuvre, Les vieux m’ont conté…, présente plutôt l’appel numérique systématiquement. De plus, plusieurs œuvres de l’exemplier contiennent des appels de note, astérisques et appels numériques confondus. Quelques différences non négligeables

11Nous reviendrons sur ce point dans la partie concernant l’explication des particularismes. 12C’est nous qui soulignons.

dans l’usage de l’astérisque méritent néanmoins d’être mentionnées. En effet, certains romans emploient un astérisque pour chacun des particularismes contenus dans le texte. Le premier astérisque rencontré renvoie alors à une note de bas de page qui invite le lecteur à consulter le glossaire pour chacun des mots qui seront marqués par un astérisque tout au long du roman. Par exemple, les notes invitant le lecteur à consulter le glossaire vont comme suit dans Mistouk : « *Pour les mots accompagnés d’un astérisque, voir le Glossaire à la fin du livre ou la Table d’équivalences des toponymes saguenayens anciens et modernes » (Bouchard, 2002 : 21) et dans

Un cœur qui craque : « À l’usage facultatif des francophones hors d’Amérique : les mots suivis

d’un astérisque renvoient au glossaire en fin de volume. » (Dandurand, 1990 : 4) Par ailleurs, dans l’édition de Un homme et son péché parue en 2003, on peut aussi lire la note suivante : « *Nous13 avons cru pertinent de signaler, au moyen d’un astérisque, les mots présentés dans le glossaire, à la fin du volume. Une grande partie de ces mots figurent dans Le Robert ou le Larousse mais non dans le sens où ils sont employés dans le récit. » (Grignon, [1933] 2003 : 30)