• Aucun résultat trouvé

5.2 Les normes biomédicales

5.2.1 Les normes acoustiques

Pour aborder les normes acoustiques biomédicales, nous intéresserons tout d’abord aux principales sources de réglementations. Nous évoquerons ensuite les différents phénomènes pouvant altérer le milieu et nous verrons en même temps les indices de mesure standardisés correspondants. Nous nous penche- rons enfin plus particulièrement sur les normes en vigueur et nous verrons enfin les implications sur notre expérimentation.

Les réglementations pour l’acoustique biomédicale

Les normes acoustiques biomédicales reposent en partie sur le standard

IEC-60601-2-37[78]. Ce standard ne donne cependant aucune limitation sur

les puissances acoustiques émises ou sur les taux d’exposition correspondants. Il s’appuie en fait sur la responsabilisation de l’utilisateur en lui proposant des indices de mesure, avec lesquels il peut juger le niveau de risque sani- taire. En Europe, cette réglementation est assurée entre autres par la Medical

Devices Directive (MMD). Les instituts nationaux réglementent également les

conditions d’utilisation des instrumentations. Mais dans les deux cas je n’y ai trouvé aucune directive quantitative sur les niveaux de puissance et d’énergie ultrasonore tolérée. Aux États-Unis, cette réglementation est prise en charge par la Food and Drug Administration (FDA). Cette institution a émis des di- rectives bien explicites à travers la réglementation 510k. C’est donc sur cette réglementation que nous allons nous appuyer.

Les interactions de l’onde avec son milieu de propagation

La propagation de l’onde acoustique dans le milieu peut s’accompagner de plusieurs phénomènes : un échauffement thermique, des phénomènes de cavita- tion acoustique et des forces de radiation acoustique[79]. Ces effets impliquent tous des effets mécaniques ou biochimiques qui peuvent potentiellement causer des dommage physiologiques.

L’échauffement thermique A la traversée du milieu, l’onde acoustique

perd de son énergie notamment par visco-élasticité. La pression acoustique décroît de façon exponentielle selon

PU S(z) = PU S,0exp(−αz) , (5.7)

où α est le coefficient d’absorption acoustique en amplitude. Dans la fenêtre spectrale qui nous intéresse, α croît linéairement avec la fréquence porteuse acoustique ν selon

α= αν × ν. (5.8) Le coefficient αν dépend fortement de la nature du milieu traversé : les os présentent l’absorption la plus forte, les fluides la moins forte, et les tissus mous des valeurs intermédiaires. Nous nous intéressons ici à cette dernière catégorie, les tissus mous, où est rencontré typiquement [80]

αν = 0.44 dB cm−1M Hz−1. (5.9)

Mais les modèles couramment rencontrés dans l’écriture des normes consi- dèrent

αν,norm = 0.3 dB cm−1M Hz−1. (5.10)

Cette énergie est en partie convertie en énergie thermique, impliquant une augmentation de la température du milieu. L’échauffement initial suit un com- portement linéaire selon

∆TU S = νIU S

C , (5.11)

où IU S est l’intensité acoustique et C la capacité calorifique spécifique du milieu. L’échauffement final dépend ensuite à la fois de la conductivité ther- mique effective du milieu et du volume chauffé.

L’indicateur correspondant à l’échauffement thermique est l’indice de tem- pérature, TI (pour Thermal Index)[81], qui est définit par

T I = W Wdeg

, (5.12)

où W est la puissance acoustique émise par le transducteur à tout instant, et Wdeg est la puissance nécessaire pour échauffer le milieu de 1°C en un lieu quelconque de la colonne ultrasonore. Il existe toute une variété de valeurs pour Wdeg tenant compte, entre autres, des propriétés des tissus.

La cavitation acoustique Le terme de cavitation acoustique fait référence

à plusieurs phénomènes[82]. La cavitation dite stable renvoie à l’oscillation vo- lumique d’une bulle de gaz préexistante. La bulle suit en fait les variations de pression acoustique lorsque celle-ci demeure relativement faible. Pour une surpression élevée, l’oscillation de la bulle peut devenir instable et la bulle s’ef- fondre sur elle-même à cause de l’inertie du milieu du liquide environnant. A ce titre, cette cavitation est appelée inertielle, au contraire de la précédente qui est dénommée non-inertielle. Enfin la cavitation acoustique désigne aussi l’ap- parition d’une bulle de gaz lorsque la dépression acoustique devient inférieure à la pression de vapeur saturante.

Ces phénomènes de cavitation induisent plusieurs effets sur leur environ- nement proche, aussi bien des effets mécaniques que des effets biochimiques. L’effet mécanique consiste en la mise en mouvement du milieu environnant, qui est important pour une cavitation inertielle. Un effet thermique survient

également pour cette même cavitation. La compression très rapide de la bulle se fait en effet de façon quasi adiabatique et implique une augmentation impor- tante de la température dans la bulle. Cette hausse brutale de la température peut alors s’accompagner localement d’effets biochimiques.

L’indicateur correspondant est l’indice mécanique, MI (pour Mechanical

Index)[83]. Contrairement à l’indicateur TI, il n’existe qu’un seul modèle pour

cet indice, qui considère un milieu mou. Le MI est alors défini selon

M I = PU S,− νc1/2

, (5.13)

où PU S,− désigne la dépression acoustique exprimée en MPa et νc présente la fréquence centrale exprimée en MHz.

Les pressions de radiation acoustique Le terme de forces de pression de

radiation[84] renvoie aussi bien à la force surfacique qu’exerce l’onde acous- tique sur une rupture d’impédance, qu’à la force volumique provenant de non linéarités de propagation. Ces forces de radiation sont à l’origine de contraintes de cisaillement qui peuvent se propager dans le milieu.

Il n’existe aucune indicateur correspondant à ces forces. Les normes acoustiques biomédicales

Les seuils des normes acoustiques Je m’appuie sur les normes 510k de la

FDA [85] et plus précisément sur le critère 3 qui différencie deux catégories de

champs d’application : ophtalmologique ou non-ophtalmologique. En nommant

IU S,sppa l’intensité crête maximale et IU S,spta l’intensité moyenne maximale, toute application non-ophtalmologique doit remplir les conditions qui suivent :

1. a. IU S,sppa < IU S,sppa,max = 190W.cm−2 ou b. MI < MImax = 1.9, 2. IU S,spta < IU S,spta,max = 720mW.cm−2 ,

3. T I < T Imax = 6.0 (cette condition peut être dépassée sous réserve de justifications).

La conformité de notre expérimentation Dans l’eau, la puissance d’une

onde plane en régime linéaire est donnée par

IU S = γU S× PU S2 , (5.14)

où γU S = 30 W · cm−2· M P a−2.

La conformité à la condition 1 La condition 1.a. impose :

PU S < Pmax,1.a =

IU S,sppa,max

γU S

!0.5

= 2.5MP a. (5.15)

La condition 1.b. impose quant à elle

Les conditions 1.a. et 1.b. sont remplies, parce que la pression acoustique moyenne ne dépasse jamais Psat = 2.5MP a, et la dépression ne dépasse jamais

P−,sat = 2.0MP a dans notre expérimentation, comme montré sur la figure 5.4. Nous prenons généralement PU S <2.1MP a pour rester en régime linéaire, et en pratique nous avons couramment pris PU S = 1.6MP a.

La conformité à la condition 2 En régime d’émission continue, la

condition 2. impose une pression acoustique

PU S <

IU S,spta,max

γU S

!0.5

= 0.15MP a. (5.17)

Mais nous n’avons pas intérêt à travailler en régime continu. En appelant

rcycl,U S le rapport cyclique d’émission d’un régime d’impulsion, nous avons

IU S,spta = rcycl,U S× IU S,sppa. (5.18)

Le rapport signal bruit de l’expérimentation en régime d’impulsions est proportionnel à RS/B,impulsionIU S,sptarcylc,U S =√rcycl,U S× IU S,sppa. (5.19)

Nous avons donc intérêt à maximiser la puissance acoustique crête selon

IU S,sppa < IU S,sppa,max et à prendre ensuite le rapport cyclique d’impulsions qui nous permette de vérifier la condition 2. selon

rcycl,max <

IU S,spta,max

IU S,sppa

. (5.20)

Pour une pression PU S = 2.1MP a, nous avons

rcycl,max = 0.720

30 × (2.1)2 = 5.4%. (5.21)

Ainsi, pour une période de répétition d’impulsions égale à 10Hz, le train d’onde acoustique dure environ 500µs.

La conformité à la condition 3 Pour la conformité à l’accroissement de

température maximal, il faut décrire de manière plus précise le milieu spécifique à imager. La condition 3 semble indiquer une élévation température maximale de 6°C. Mais cela est certainement à pondérer par le volume insonifié : une élévation de température de quelques degrés sur un volume important n’a sûrement pas le même effet qu’une élévation plus forte mais très localisée.

Une synthèse sur les normes acoustiques

Les normes acoustiques biomédicales se déclinent en quatre restrictions. Elles portent respectivement sur la puissance acoustique moyenne, sur la puis- sance acoustique instantanée, sur un indice mécanique limitant le risque de cavitation et sur un indice thermique limitant une trop grande élévation ther- mique des tissus. La confrontation de notre expérimentation à ces normes nous indique que le PZT utilisé délivre une puissance acoustique instantanée et un indice mécanique tolérés. La confrontation à l’indice thermique n’a pas été effectuée, faute de connaissance des modèles correspondants. Par contre, notre expérimentation en régime d’émission ultrasonore continue dépasse très largement les normes indiquées, et il est donc très probable qu’une telle expéri- mentation sur des tissus vivants présente un risque sanitaire. La solution pour y remédier est l’utilisation d’impulsions acoustiques de quelques pour cents de rapport cyclique. Cette solution fait partie du projet de TAOC impulsion- nel utilisant des impulsions acoustiques et optiques longues de l’ordre de la milliseconde.