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La situation économique et matérielle des esclaves et des affranchis publics

2. Les attestations de richesse

2.2. L’accès à l’épigraphie

2.2.2. Les monuments funéraires

Les monuments funéraires constituent la principale source d’information sur les esclaves et les affranchis publics. Ce matériau, relativement abondant, peut être vu, en

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La mise en forme de l’inscription a entraîné des divergences d’interprétation quant à l’identité du personnage. Nous nous rallions ici à la lecture de J. d’Encarnação, Reflexões sobre a epigrafia de Ossonoba, Conimbriga, 23, 1984, p. 5-18.

661 R. Etienne, Sociabilité et hiérarchie urbaine dans la Péninsule ibérique romaine impériale, in Cité et

communauté civique en Hispania, Casa de Velázquez, Madrid, 1993, p. 85-91.

même, comme un indicateur de leur situation matérielle et de leur position. En effet, par delà sa fonction première qui reste d’assurer la pérennité du souvenir d’un défunt, un monumentum révèle, à la fois par ce qu’il est et le message qu’il porte, la condition de celui à qui il est destiné. Mais si, dans l’Antiquité, tout individu redoute être privé d’un tombeau où son nom puisse se lire après sa mort, encore faut-il qu’il ait les moyens d’entreprendre sa réalisation. L’érection d’une tombe ou même la gravure d’une simple stèle suppose un investissement que les plus modestes sont souvent dans l’incapacité d’effectuer. De ce point de vue, la situation de nombreux esclaves paraît assez peu enviable et Horace de dépeindre dans ses Satyres le sort désolant réservé à la misera plebs et aux dépendants sans ressources : la fosse commune663. Les esclaves qui parviennent à y échapper se distinguent donc sans conteste de la masse des indigents : certains ont pu recevoir de leur maître le droit de se faire inhumer à ses côtés, d’autres ont intégré un collegium funeraticium dans l’espoir de s’assurer des funérailles et une sépulture décentes664, d’autres encore ont dû trouver, pour eux-mêmes ou leurs proches, les moyens de payer un lapicide. Dans tous les cas, le bénéfice d’une stèle qui préserve la memoria de l’anonymat posthume constitue un privilège. En ce sens, les multiples épitaphes recensées dans le corpus des servi et liberti publici, y compris les plus modestes, attestent la position moins misérable de ces agents comparé aux plus nécessiteux. En même temps, il est clair que cette documentation ne présente qu’un aperçu fragmentaire de ces personnels subalternes car, pour une partie d’entre eux – et sans doute un nombre significatif - il s’avérait précisément impossible de financer une tombe. Combien étaient-ils, en définitive, à avoir cette capacité ? La question reste évidemment posée. Il est néanmoins à peu près certain que les plus humbles des esclaves publics ont disparu sans pouvoir laisser la moindre trace de leur existence. Tributaires des sources, nous ne pouvons ainsi rendre compte aujourd’hui que de la fraction la plus aisée qui parvenait à assumer les frais d’une épitaphe.

Cela étant, les inscriptions funéraires des publici forment une base documentaire riche et variée dont l’examen est susceptible de livrer un éclairage intéressant sur la situation matérielle de ces personnels. Toutefois, devant la grande diversité des témoignages épigraphiques, deux dossiers retiendront plus particulièrement l’attention ici : le premier est celui des épitaphes des esclaves publics de Rome, le second celui des monumenta réalisées par les affranchis des cités.

663 Horace, Sat., I, 8, 8-13 : « Huc prius angustis ejecta cadavera cellis / conservus vili portanda locabat in

arca ; / hoc miserae plebi stabat commune sepulcrum ; / Pantolabo scurrae Nomentanoque nepoti / mille pedes in fronte trecendos cippus in agrum / hic dabat, heredes monumentum ne sequetur. ».

•••• Les épitaphes des servi publici romains

Le corpus épigraphique des esclaves publics de Rome est constitué dans sa quasi-totalité d’inscriptions funéraires : sur 88 documents inventoriés, 86 sont clairement identifiés comme des épitaphes665. Il s’agit donc d’une collection fournie, provenant d’un même lieu. Elle offre de surcroît un large éventail d’individus employés à des tâches religieuses, administratives ou encore techniques. L’ensemble comprend des textes dont la chronologie s’étale entre la fin du IIème siècle avant J.-C. et le IIIème siècle de notre ère et présente une typologie formelle qui correspond à une évolution des pratiques bien connue : les formulaires épigraphiques s’enrichissent au fur et à mesure que l’on descend dans le temps. Ainsi, les épitaphes les plus anciennes sont extrêmement succinctes, réduites à la seule séquence onomastique. Elles évoquent des esclaves dont l’existence se situe entre la fin de la période républicaine et le Haut-Empire. À un premier lot de textes qui ne porte, pour toute mention, que le nom d’un publicus666, vient s’ajouter une série d’inscriptions où figure, à côté de l’identité de l’esclave, un autre nom, généralement celui de sa compagne667. Douze de ces documents ont été attribués par les auteurs du CIL VI au monumentum de la familia de Marcella. Nous en reparlerons par la suite. Dans le courant du Ier et surtout au IIème siècle, l’expression épigraphique s’enrichit : les épitaphes romaines sont progressivement complétées par des formules verbales (fecit / curavit / posuit) auxquelles s’ajoute le nom d’un ou plusieurs dédicant(s). Des précisions sont aussi apportées notamment quant à l’âge du défunt668. Enfin, la consécration aux Mânes se généralise669.

Ces inscriptions rappellent avec plus ou moins de précision le statut et les attributions des esclaves : 33 d’entre elles, soit plus du tiers du corpus, les qualifient uniquement de « publicus »670, de « servus publicus »671 ou encore de « publicus populi R(omani) »672. Dans toutes les autres, on note le souci de donner l’affectation exacte des esclaves, que ce soit en mentionnant les magistrats ou les prêtres qu’ils servent - Onesi[mus] Iulianus est par exemple

665 Le statut des deux inscriptions restantes (CIL, VI, 32511 et 32512) est difficile à établir compte-tenu de leurs lacunes mais elles pourraient bien s’inscrire également dans un contexte funéraire.

666

CIL, VI, 2328 ; 2333 (= 4463) ; 2342 ; 2348 (= ILS, 1792) ; 2355 ; 2369 (= I2, 1142 = 8338).

667 CIL, VI, 2347 (= 4431 et 4432) ; 2358 (= 4464) ; 2362 ; 2364 ; 2372 ; 2373 ; 4433 ; 4435. À noter que pour

les inscriptions CIL, VI, 2339 (= I2, 1337) et 2368, les noms qui complètent l’épitaphe sont des noms masculins dont celui d’un affranchi impérial, Pamphilus Principis Caesar(is) l(ibertus) ser(vus).

668 CIL, VI, 2311 ; 2313 ; 2316 ; 2318 ; 2319 ; 2321 ; 2326 ; 2327 ; 2330 ; 2334 ; 2337 (= 5558) ; 2340 ; 2341 ; 2343 ; 2345 ; 2346 ; 2349 (= 5192) ; 2351 ; 2352 ; 2356 ; 2360 ; 2361 ; 2366 ; 2367 ; 2374 ; 32508 ; 33227 ; 37174 ; 37176. 669 CIL, VI, 2308 ; 2311 ; 2312 ; 2312 (= 4847) ; 2316 ; 2317 ; 2318 ; 2319 ; 2321 ; 2324 ; 2325 ; 2326 ; 2329 ; 2330 ; 2331 ; 2334 ; 2336 ; 2337 (= 5558) ; 2340 ; 2342 ; 2344 (= 8493) ; 2345 ; 2346 ; 2349 (= 5192) ; 2351 ; 2356 ; 2357 ; 2359 ; 2360 ; 2361 ; 2363 ; 2365 ; 2367 ; 2370 ; 2371 ; 2374 ; 3882 (= 32507) ; 3883a (= 32514) ; 8489 ; 32508 ; 32509 ; 32510 ; 33227 ; 37174 ; 37175 ; 37176 (ILS, 9050) ; 37177 ; AÉ, 1976, 14 ; 1978, 41. 670 CIL, VI, 2350 ; 2352 ; 2354 à 2364 ; 2367 à 2373 ; 32508 ; 32509 ; 32512 ; 37179 ; 37180. 671

CIL, VI, 2365 ; 2366 ; 2374 ; 3883 ; 3883a (= 32514) (= 32514) ; 32510 ; 32511. 672 CIL, VI, 2351.

désigné comme « publicus ex sacer[dotio] Aureliano Antoniano Veria[no] »673-, ou en indiquant à l’entretien de quel monument urbain ils sont affectés - Philoxenus Iulian(us) est un « public(us) de porticu Octaviae a bibliotheca graeca »674 ce qui le distingue d’Hymnus Aurelianus « vilicus a bybliothece latina porticus Octaviae »675. Il arrive même que la particularisation soit encore plus marquée. Laetus se présente ainsi comme « publicus populi

Romani [---] aquarius aquae Annionis Veteris castelli viae Latinae contra dracones »676.

Ici, et dans bien d’autres cas similaires, la précision apportée n’a pas seulement, semble-t-il, une valeur informative évoquant le métier d’une vie. Gravés dans la pierre, ces détails biographiques permettent aussi à des hommes d’extraction pourtant très modeste de se singulariser et d’acquérir pour la postérité une place et un titre qui constituent pour eux une forme de reconnaissance.

Selon les textes, les esclaves figurent tantôt en position de dédicataires, tantôt de dédicants. Les deux tableaux ci-dessous listent l’un et l’autre cas et montrent dans quel contexte les épitaphes ont été réalisées. On observe ainsi que pour plus de la moitié des servi publici destinataires d’une dédicace funéraire, celle-ci émane de leur conjointe, souvent d’ailleurs improprement qualifiée de coniux. Ce sont beaucoup plus rarement les ascendants ou les descendants qui ont commandé l’épitaphe. Il arrive aussi, mais c’est peu fréquent, que l’inscription provienne d’un autre publicus : Primus, Tusculanorum arcarius, a pris soin de faire élever une stèle à Antiochus Aemilianus, (servus) pontificalis ; [--- Ter]entius [Fe]lix lib(ertus) pu(blicus) a agi de même envers l’esclave [Secun]dus, tout comme Zosimus Silianus vis-à-vis d’Abascantus677. En fait, lorsque ce sont les publici qui érigent eux-mêmes un monument, ils le font généralement pour leurs enfants (filii / vernae) (14 cas) ou leur compagne (11 cas). Certains s’associent dans la réalisation. L’inscription CIL, VI, 2318 où Apolaustus Modian[us] publ(icus) VII vir(um) epulon(um), Apolaustus Claudianu[s publ(icus)] VII virum epulon[(um)] et Iustus Gavianus publ(icus) fet[ialis] figurent ensemble l’atteste. Enfin, on notera que, bien souvent, les esclaves semblent avoir pris de leur vivant toutes les dispositions nécessaires pour assurer leur propre inhumation car seize d’entre eux ont tenu à stipuler que la sépulture leur était aussi personnellement destinée (« sibi »). Globalement, et comme on pouvait s’y attendre dans un contexte funéraire, cette masse documentaire se rapporte presque exclusivement à l’environnement familial des publici, et le plus souvent, au cercle proche de ceux qui les entourent (la compagne, les enfants). Les

673

CIL, VI, 2324.

674 CIL, VI, 2348 (= ILS, 1792). 675 CIL, VI, 2348 (= 4431). 676 CIL, VI, 2345.

677

CIL, VI, 23407 ; 3883 (= 32513b) ; 37177. La référence à ces inscriptions n’apparaît que dans le premier des deux tableaux.

relations extérieures, et notamment professionnelles, si elles ne sont pas absentes, restent très peu représentées.

Servi publici romains en position de dédicataires

Références Date Esclave public dédicataire Autre(s) dédicataire(s) mentionné(s) Dédicant(s) et lien(s) avec le publicus

CIL, VI, 2307 Ier / IIe s. Antiochus Aemilianus s Firvia C. f. Prima Primus publicus Tusculanorum arcarius vir heres primaes

CIL, VI, 2308 IIe / IIIe s. Hermes Caesennianus - Ulpia Fortunata (coniux) CIL, VI, 2309 Ier / IIe s. [---] Cesinianus A. Memmius Romanus f(ilius) suus

libert(i) libe]rtaeque sui post(erique) eorum.

[Memmia E]pigone (coniux) CIL, VI, 2312 Ier / IIe s. Myrinus Domitianus libert(i) libe]rtaeque sui post(erique) eorum. Sextia Psyche (coniux)

CIL, VI, 2313 (= 4847) IIe s. Phyramus - Iunia Tertia (coniux)

CIL, VI, 2314 Ier s. [---] Zeno - ?

CIL, VI, 2317 1ère moitié du IIe s.

Helius Afin(ianus) - Sextia Psyche (coniux)

CIL, VI, 2322 1ère moitié du IIe s.

Plutius [--- ---] P. Aelius Aug(usti) l[ib(ertus) ---] parens

sui [lib(erti) libertae(que)] p(osteri)q(ue) e(orum)

Clau[dia --- ---] coni[ux] CIL, VI, 2323 Ier / IIe s. Agatho Silianus - Coelia Primilla (coniux) CIL, VI, 2324 2ème moitié

du IIe s.

Onesi[mus] Iulianus Ti. Clau[dius] Isidorus

Aurelianus Antonianus Veria[nus]

liberti libertaeq(ue) pos[ter(i)]q(ue) eorum

[---] Savina (lien ?)

CIL, VI, 2326 Ier / IIe s. Felix Cornelianus - Iulia Cloe (coniux) CIL, VI, 2327 Ier / IIe s. Fortunatus Sulpicianus - Iulia Cloe (mater) CIL, VI, 2331 IIe s. G]laucus C. Trollius Hermes patronus

liberti libertae[q(ue)] posteriq(ue) eorum

Trollia Eucarpia (lien ?) CIL, VI, 2332 Tibère /

Néron

Lalus - Avonia Aphrodisia (coniux)

CIL, VI, 2336 IIe / IIIe s. Euvolus Rublianus Fortunata Barbia Secunda (lien ?) CIL, VI, 2337 (= 5558) IIe s. Oratus Fabianus - Folia Trophime (coniux) CIL, VI, 2339 (= I2, 1337) Sylla /

César

Menophilus Lucretianus - Q. Aemilius Diophantes (lien ?)

CIL, VI, 2341 ? [---]iss [---] ? - parentes

CIL, VI, 2349 (= 5192) Auguste Soterichus Vestricianus - Statilia Helpis (coniux) CIL, VI, 2351 IIe s. Agatho Claudianus liberti libertaequ[e poster]ique eorum Fulvia Hermione (coniux) CIL, VI, 2352 Ier s. Alcimianes Municianus - Valeria Tosime (coniux)

CIL, VI, 2354 ? Bithus Paullianus - Aemilia Prima (concubina et heres)

CIL, VI, 2356 Ier / IIe s. Crescens Persicianus - Orbia Ma (coniux)

CIL, VI, 2367 IIe s. Paris Manilianus - Flavia Attice (coniux)

CIL, VI, 2370 IIe / IIIe s. Prothymus - Calvisia Manimis

Successus colli(bertus) CIL, VI, 3882 (= 32507) IIe s. Graphicus Maecianus suis posterisque eorum Scribonia Syntyche

CIL, VI, 3883 (= 32513 b) ? [Secun]dus - [--- Ter]entius / [Fe]lix lib(ertus) pub(licus)

CIL, VI, 8489 IIe s. Hevodus Domitius Zosimianus et sui poste(ri)q(ue) eorum Gaviae

Domitia Olympias

Notho Caes(aris) n(ostri) ser(vus) CIL, VI, 37174 Ier / IIe s. Narcissus Cilnianus sui posteriq(ue) eorum Salvia Appie (coniux)

CIL, VI, 37177 50/150 Abascantus - Zosimus Silian(us) public(us)

Accaea Rhodine (cliens) CIL, VI, 37422

(= ILS, 9051)

? Epigonus Volusianus - P. Numitorius Hilarus (patronus ?)

Servi publici romains en position de dédicants

Références Date Esclave(s) public(s) dédicant(s)

Autre(s) dédicant(s) mentionné(s) Dédicataire(s) et lien(s) avec le publicus

CIL, VI, 2310 (= 4462) Tibère / Néron

Andronicus Fulvianus Herennia Bonitas M. Herennius Sp. f. Esq. Fatalis (filius) CIL, VI, 2311 ? Magnus Publicianus Ancharia Felicula -L. Ancharius Priscianus

-Ancharia Felicissima

- se et sui liberti libertaeque posterique eorum

CIL, VI, 2315 ? Felix Palfurianus - Barbiae (coniux)

CIL, VI, 2316 1ère moitié du IIe s.

Helius Afinianus Sex. Psyche Vivenia L. f. Helias (filia) CIL, VI, 2318 Ier / IIe s. -Apolaustus Modian[us]

-Apolaustus Claudianu[s] -Iustus Gavianus

P. Volusius Renatu[s] Volusia Iusta (mater)

ceterique [sui] posterisque eorum CIL, VI, 2319 IIe s. [---]lianus Flavianus [Au]relia Heraclia se et s[ui]

CIL, VI, 2320 Ier s. Herodes Volusianus - se et sui

CIL, VI, 2321 Ier / IIe s. Pamphilus Caesianus Aemilia Euchnis Aemilia Antiochidis (filia) CIL, VI, 2325 IIe s. Alexander Iulianus - Clodiae Eutychiae (coniux) CIL, VI, 2329 Tibère /

Néron

Philippus Rustician(us) - -Claudia Antonia lib. Lachne (coniux) -se

CIL, VI, 2330 ? Successus Valerianus - -Annia Fortunata (coniux) -se

CIL, VI, 2334 IIe s. Threptus -C(aius) Vibius Tyrannus -Vibia Epiteuxis

-C. Vibius Threpus (filius) -posteriq(ue) eorum

CIL, VI, 2335 ? Victor Fabianus - -se

-Asinia C. f. Sabina (uxor)

-C. Asinius Valerianus et parenti eius -C. Asinius Valerianus

-Attia Sabina

-libert(i) libertaeque posterique eorum CIL, VI, 2338 (= I2, 1336) Sylla /

César

Menop(h)ilus Alf(ianus) - P. Pomponius P. l. Rufio ( ?) CIL, VI, 2343 Ier / IIe s. Diadumenus Iulia Nereis Pudens (verna)

se (et) suis CIL, VI, 2344 (= 8493) Ier s. Soter L. Calpurnius Flavianus coniux

se et suis posterique eorum. CIL, VI, 2345 IIe / IIIe s. Laetus Flavia Dionysia -se

-Aulia Argyris

-lib(erti) liber(taeque) posteriq(ue) eorum CIL, VI, 2346 IIe s. Onesimus Generutius C. Curtilius Callimacus Flavia Euprosunes ( ?)

CIL, VI, 2350 Ier / IIe s. Aeschinus Scaeva - se et sui

CIL, VI, 2359 ? Expeditus Trebianus - Claudia Saturnina ( ?)

CIL, VI, 2360 1ère moitié du IIe s.

Fortunatus Claudia Logas Ti. Claudius Avidianus (filius) CIL, VI, 2361 ? Gemellinus Valerianus Ulpia Grata Septembrus (verna)

CIL, VI, 2365 et 2366 ? Papi - -Grania Faustina -contubernalis

-se

-posterique aeorum CIL, VI, 2371 IIe s. Restitutus Gellia Nymphidia

Gellia Florentina

M. Gellius Helius (amicus) CIL, VI, 2374 IIe s. Threptus Claudia Spes Ti. Claudius Threptus (filius) CIL, VI, 3883a (= 32514) ? [---] An[nianus ( ?)] [---patr]onus

CIL, VI, 32508 ? Doryphorus P. Calvisius Hieronymus Lucilia Amazon (?) CIL, VI, 32509 IIe s. Eleuther Valerianus - Clodia P. f. Asia (coniux)

CIL, VI, 32510 IIe s. Hermes - -Ti. Claudius -Nymphodotus -Ti[ti]ni[a] Lycoris

-se

-sui posterique eorum

CIL, VI, 33227 50 /150 Menander Caecilianus Grattia Euposia -C. Brutt(us) Crispinus (filius) -Caecilius Eutychianus (filius) -Brutt(us) Hermes (parens) -se

-liberti libertaeque posterique eorum CIL, VI, 37176 (= ILS,

9050)

IIe s. Epagathus - -Attia Epagathus (filia)

-Attia Felicitas (coniux) -se

-sui posteriq(ue) eorum CIL, VI, 37178 50/150 Zosimus Silia(nus) - -Accaea Rhodine (coniux)

-se

-posterique sui AÉ, 1976, 14 Ier s. [---]orus Iulianus - -[---]a Lites (coniux)

-se

-sui [po]steriq(ue) eius AÉ, 1978, 41 fin Ier s. [---]ius Crassianus - [---]ttidia Tyche (coniux)

Dans l’ensemble, les épitaphes dressées par ou pour des esclaves romains ne présentent guère d’originalité. Leurs énoncés sont simples et peu développés. Trois cas seulement stipulent les dimensions de la concession678 et on ne trouve qu’à deux reprises la mention juridique « h(oc) m(onumentum) h(eredem) n(on) s(equetur) »679. En fait, ces textes s’écartent très peu des formules consacrées. Signalons que l’aquarius Laetus, déjà évoqué précédemment, appelle la protection sur le tombeau familial par l’expression « dolus malus

abesto »680, que l’on peut lire également sur la sépulture de Victor Fabianus681. De son côté,

l’épitaphe de Flavia Euprosunes, dont le castellarius Onesimus Genrutius est un des dédicants, prévoit une peine pour ceux qui porteraient atteinte à la stèle : « hoc titulu quandoque si quis sustulerit aut de loco moverit inferet aerario (denarios) CCL poenae

nomine p(opuli) R(omani)682 ». On relève aussi la supplique adressée aux passants qui

viendraient à s’approcher de la sépulture d’Evaristus Iulianus et des siens : « hospes ad hunc

tumulum ne meias ossa precantur tecta hominis set si gratus homo es misce bibe da mi »683.

Toutefois, la formule la plus exhaustive revient à Victor Fabianus, servus publicus a censibus, qui a fait apposer sur le tombeau familial cette longue apostrophe afin d’interpeler les visiteurs des lieux et d’appeler sur eux la protection divine : « Bonus eventus, have Victor Fabiane di vos bene faciant amici et vos viatores habeatis deos propitios qui Victorem publicum Fabianum a censibus p(opuli) R(omani) non praeteritis salvi aetatis salvi redeatis et vos qui me coronatis vel flores iactatis multis annis faciatis »684. À ces exceptions près toutefois, les dédicaces funéraires des servi publici de Rome restent des témoignages sobres et concis dont la lecture conduit la plupart du temps au constat de la banalité. Leur mise en forme comme leur rédaction obéissent à un conformisme souvent observé par ailleurs et qui n’est guère surprenant. En même temps, l’existence de ce corpus est la preuve même que des hommes issus des catégories inférieures de la société romaine trouvaient les moyens de s’assurer une digne reconnaissance posthume ou de célébrer décemment la mémoire de leurs proches. Ainsi, Alexander Iulianus, esclave employé auprès du curio maximus, semble avoir mis un point d’honneur à élever, comme il le rappelle lui-même, un titulum marmoreum à sa compagne, une certaine Clodia Eutychia, de se bene merita685. L’homme ne disposait sans doute pas de moyens très conséquents mais on comprend par cette précision ostensiblement portée sur la tombe, qu’il n’a pas lésiné à la dépense parce qu’il souhaitait rendre un

678 CIL, VI, 2331 ; 3882 (= 32507) ; AÉ, 1976, 14. 679 CIL, VI, 2331 et 2345. 680 CIL, VI, 2345. 681 CIL, VI, 2335. 682 CIL, VI, 2346. 683 CIL, VI, 2357. 684 CIL, VI, 2335. 685 CIL, VI, 2325.

hommage de valeur à la défunte. Des préoccupations comparables ont dû guider le publicus Andronicus Fulvianus et sa femme Herennia Bonitas lorsqu’ils ont fait l’acquisition d’une urne cinéraire auprès de Cerdo Aemilianus, lui-même esclave public a censu, pour y déposer les cendres de leur fils, M. Herennius Fatalis686.

Cela étant, certains esclaves avaient sans doute du mal à s’assurer une sépulture honorable et, pour L. Halkin687, le manque de ressources explique que plusieurs d’entre eux aient cherché à se faire admettre dans les columbaria de grandes familles romaines. Le CIL VI classe en effet douze inscriptions de servi publici populi Romani parmi les épitaphes provenant du Monumentum Marcellae Minoris688. Ce colombaire, découvert dans la Vigna Codini sur la via Appia, a traditionnellement été identifié comme celui de la familia de Marcella689. Cependant, des recherches récentes tendent à remettre en cause cette attribution690 et il est apparu que près de deux cents inscriptions censées appartenir au monument avaient très certainement été dégagées à l’extérieur avant d’être fixées sur les murs lors des restaurations de 1847-1848. Or, il se trouve que trois de ces textes regardent des esclaves publics691. L’analyse de cette documentation appelle par conséquent la plus grande prudence et conduit à revoir certains avis. Ainsi, remarquant que parmi ces publici il y avait des employés de la bibliothèque d’Octavie692, L. Halkin avait émis l’hypothèse qu’ils auraient pu antérieurement faire partie de la familia d’Octavie, ce qui justifiait selon lui leur inhumation dans ce tombeau où « ils avaient trouvé place (...) à côté d’anciens compagnons de servitude »693 mais cette interprétation mérite certainement d’être reconsidérée à la lumière des derniers travaux conduits sur le sujet.

686 CIL, VI, 2310 (=4462).

687 L. Halkin, Les esclaves..., op. cit., p. 121-122.

688 CIL, VI, 4418-4880 dont pour les publici, 4431(= 2347) ; 4432 ; 4433 ; 4435 ; 4462 (= 2310) ; 4463 (= 2333) ; 4464 (= 2358) ; 4465 (= 2362) ; 4466 (= 2372) ; 4690 (=2368) ; 4691 (= 2373) et 4847 (= 2313). 689 Voir notamment J. M. C. Toynbee, Morte e sepultura nel mondo romano (trad. it.), Rome, 1993, p. 89. H. von Hesberg, Monumenta. I sepolcri romani e la loro archittetura (trad. it.), Milan, 1994, p. 99.

690 F. Coarelli, Guide..., op. cit., p. 163 ; U. Fusco, G. L. Gregori, A proposito dei matrimoni di Marcella minore e del monumentum dei suoi schiavi e liberti, ZPE, 111, 1996, p. 226-232 ; D. Manancorda, Per l’edizione del secondo colombario di Vigna Codini, XI Congresso internazionale di Epigrafia Greca e Latina, Roma, 18-24

settembre 1997, Rome, 1999, p. 249-262.

691 CIL, VI, 4690 (=2368) ; 4691 (= 2373) et 4847 (= 2313). Cette dernière inscription présente, au demeurant, une forme très différente des autres. La dédicace aux Mânes et l’onomastique incitent à la dater du IIe siècle de notre ère.

692 Hymnus Aurelianus (CIL, VI, 4431(= 2347) et 4432) ; [---] Laryx (CIL, VI, 4433) et Montanus Iulianus (CIL, VI, 4435). Il faut leur adjoindre Soterichus Vestricianius dont l’épitaphe (CIL, VI, 2349 = 5192) a été mise au jour en 1852 dans un autre colombaire de la Vigna Codini.

•••• Tombes et sépultures des affranchis des cités

Un des passages bien connus du Satiricon est celui où, à la fin du dîner qu’il a offert à ses invités, Trimalcion se tourne vers son ami Habinnas et le charge de bien vouloir s’occuper de l’édification de son tombeau694. Il lui adresse pour cela une série de recommandations très précises en particulier quant aux dimensions et à la décoration du monument. Trimalcion, affranchi parvenu richissime, prescrit avec force détails ce qu’il veut voir représenter et écrit sur sa dernière demeure : l’édifice devra vanter les nombreux mérites du personnage et symboliser aussi, par l’exubérance de son ornementation, sa réussite matérielle et sociale. Dans cette description, il est certain que Pétrone force le trait mais l’auteur fait aussi la satire de certains affranchis, souvent enrichis de fraîche date, qui n’hésitaient pas à copier, de façon quelquefois outrancière, le comportement des élites par la construction de sépulcres ostentatoires. À travers un tombeau somptueux, ils trouvaient le moyen de traduire dans la pierre et aux yeux de tous leur émergence. De tels comportements ont régulièrement été relevés dans les études portant sur les affranchis. La question mérite donc d’être également posée au sujet des liberti publici : les monuments funéraires qu’ils ont laissés rendent-ils compte de telles réussites ? Et, d’une façon plus générale, que nous apprennent-ils de leur situation économique ?

Un exemple se détache de l’ensemble de la documentation réunie : il s’agit du monumentum des Concordii que l’on peut aujourd’hui admirer dans un jardin public de Reggio Emilia où il a été transporté après sa découverte en 1929 non loin de la localité de Boretto695. L’édifice date du milieu du Ier siècle de notre ère. C’est une réalisation tout à fait remarquable par sa taille et sa qualité.