• Aucun résultat trouvé

II. Description des données

II.2. Description des pratiques funéraires

II.2.1. Les modes d’inhumations

II.2.1.1. La signalisation de la tombe La superstructure

103/160 inhumations présentent une superstructure, soit 64,4% des cas. Deux types principaux ont été reconnus : le « tchardat », imitant une maison avec son toit et l’« ambar », représentant un grenier (Fig. II.1). Si ces superstructures sont les plus courantes, d’autres ont également été rencontrées, de manière anecdotique : le type « balagan », une maison dont le toit est plat et éventuellement recouvert de terre, à Arbre Chamanique 1, un type que l’on pourrait appelé « gigogne » à Célyyssé, un type avec un tertre de terre à Ordiogone dans la région de la Viliouï, et enfin, un type « pyramide » retrouvé à Kyyl bastaakh 1 en Iakoutie centrale, ou plus modeste à Omouk 2 dans la région de l’Indighirka (Fig. II.2).

Leur état de conservation est la plupart du temps médiocre, se résumant en surface aux premiers ron-dins ou pire à leur négatif et de manière enterrée, essentiellement aux restes de piquets verticaux. Les vestiges ligneux sont en règle générale très dégradés et il est parfois difficile de définir si les piquets appartiennent à la superstructure ou à un enclos, dans la mesure où ils apparaissent dans l’espace de fouille prédéfini (Fig. II.3). Très peu de superstructures ont été préservées, légèrement plus de 10 % (Tabl. II.1). Ainsi, l’étude de ces différents types de superstructures n’aurait été le reflet que de ce qui a été conservé jusqu’à aujourd’hui ; c’est pourquoi cette analyse ne prend en compte que le rapport présence/absence.

Si la nature la plus courante est le bois, quelque soit la période considérée, d’autres matériaux ont pu être ajoutés, indices d’une datation souvent récente. En effet, le grès, provenant des rives de la Lena, a été employé pour la sculpture de stèles datées du XIXe et du XXe siècle, elles peuvent être incorporées

superstructure

identifiée n tbes ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800 total %

Iakoutie centrale 119 4 5 1 10 8,4

Viliouï 25 4 2 1 7 28

Verkhoïansk 37 2 1 3 8,1

Indighirka 16 1 1 2 12,5

total 197 0 8 10 4 22 11,2

Tableau II.1 : Dénombrement des superstructures conservées en élévation, permettant leur identification.

Description des pratiques funéraires

Figure II.1 : Superstructures les plus courantes et leurs restitutions (© P. Gérard/MAFSO, évocations : N. Sénégas).

A : le tchardat avec un toit : à gauche, celle de Béré (Iakoutie centrale), en haut, celle de Boulgounniakh 1 (région de la Viliouï) et en bas, la tombe de Omouk 1 (région de l’Indighirka).

Figure II.1 : Superstructures les plus courantes et leurs restitutions (© P. Gérard/MAFSO, évocations : N. Sénégas).

B : le type « ambar » : la tombe de Urun myran (Iakoutie centrale).

54

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

Figure II.2 : Autres superstructures rencontrées (© P. Gérard/MAFSO, évocation : N. Sénégas).

A : superstructure de type balagan : en bas, lors de la fouille de la tombe d’Arbre chamanique 1 à Okhtoubout (Iakoutie centrale) et en haut, à gauche son évocation et à droite, un exemple encore en élévation (Bravina, Popov, Gogolev 2008, 42).

Figure II.2 : Autres superstructures rencontrées (© P. Gérard/MAFSO, évocation : N. Sénégas).

B : La tombe de Célyyssé est une saïba, tombe reposant au sol, qui a été pillée et incendiée. L’incendie a détruit la superstructure mais le coffre a été préservé parce que l’espace entre les différents coffres était comblé de sable.

Description des pratiques funéraires

Figure II.3 : Exemples de conservation des superstructures (© P. Gérard/MAFSO). En haut, les états les moins bien conservés, avec les exemples les plus fréquents où le bois n’est conservé qu’à l’état de traces ligneuses (à gauche, brûlées). Dessous, les états les mieux préservés, avec le bois en surface, les premiers rondins enterrés, puis en bas, les vestiges les mieux conservés où l’agencement est sauvegardé en partie ou en totalité, effondré ou non.

56

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

à une superstructure en bois. Des éléments métalliques ont également été ajoutés, des croix sur les superstructures, dès le XIXe siècle, remplacées par des symboles soviétiques au début du XXe siècle (étoile soviétique ou faucille et marteau) ou des enclos à la période contemporaine. On observe aussi à partir du XIXe siècle une diversité de la matérialisation de la tombe au sol au regard des cimetières que nous avons parcourus, avec la présence d’un billot, en position couchée, de dalles de pierre, ou encore de blocs (Fig. II.4).

La superstructure en bois est présente dans près des deux tiers des tombes étudiées. Sa présence augmente depuis la période antérieure à 1700 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, avant de s’effondrer à près d’un tiers des tombes (Fig. II.5). Toutefois, plusieurs explications peuvent être avancées pour définir ces disparités. Si à la période antérieure à 1700 et au XVIIIe siècle, elles ne concernent que plus des deux tiers des tombes, c’est peut-être qu’elles n’ont pas été préservées, soumises aux aléas du climat (effon-drement, putréfaction, disparition) ou détruites à la suite d’incendies. Ces derniers ont pu être naturels, liés aux activités humaines (défrichement, nettoyage, chasse) ou liés à des événements historiques, incendies provoqués par les Komsomols au début du XXe siècle.

Figure II.4 : Les différents matériaux utilisés pour la superstructure et différentes signalisations de surface des tombes. En haut, superstructures surmontées de croix en fer ou de symboles soviétiques et signalisation composée de blocs de pierre au premier plan, dans la région de la Viliouï et de l’Indighirka au sein de cimetières des XIXe et XXe siècles (© P. Gérard, S. Duchesne/MAFSO) ; en bas, signalisation par des dalles de pierre et des stèles, souvent au sein de superstructures en bois, en Iakoutie centrale.

Description des pratiques funéraires

Pour la période la plus récente, la chute de cette pratique peut être définie par un biais au sein de notre échantillon : en effet, nous n’avons pas fouillé les tombes dont les su-perstructures étaient encore pré-sentes, avec un mode de construc-tion ou d’assemblage (traces de scie, clous) évoquant une datation récente ou celles au sein des en-sembles funéraires chrétiens.

Le schéma précédent est retrouvé dans toutes les régions explorées.

Cependant, nous constatons que la région de l’Indighirka se différencie, de manière significative, par rapport à la Iakoutie centrale et la région de Verkhoïansk d’une manière générale, où le tchardat est nettement moins fréquent24. Elle se différencie aussi pour la période 1700-1750 où la superstruc-ture est prépondérante en Iakoutie centrale et absente dans la région de l’Indighirka25. La région de Verkhoïansk se différencie également de la Iakoutie centrale pour le XIXe siècle, où le tchardat est plus fréquent26. Dans le cas de la région de l’Indighirka, la constitution de l’échantillon doit être à l’origine de ces différences, puisque l’essentiel des tombes fouillées datent de la période postérieure à 1800.

Suivant les données biologiques classiques, on note une différence nette en fonction de l’âge, entre les sujets immatures et les adultes, significative pour la période la plus récente, postérieure à 1800. Les enfants ont rarement de signalisation sous forme de superstructure, différence significative pour la

24 - En Iakoutie centrale, test de χ2 égal à 6,50 et p égal à 0,01, et pour la région de Verkhoïansk, test de χ2 égal à 9,44 et p inférieur à 0,01.

25 - Test de Fisher égal à 0,03.

ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800

pourcentage

chronologie

Fréquence de la superstructure des tombes

Iakoutie centrale

Figure II.5 : Fréquence de la signalisation des tombes, selon la chronologie et les régions.

Figure II.6 : Superstructures récentes, légères ou à distance de la tombe (© P. Gérard/MAFSO). Exemples des tombes de Uettekh, en médaillon, avec uniquement deux rondins de bois sur la tombe et de Omouk 3, avec une croix orthodoxe à terre (à droite dans la pente) et sans trace de croix plantée sur la tombe.

58

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

Iakoutie centrale et la région de Verkhoïansk27. L’analyse menée en fonction du sexe, pour les adultes, montre que les femmes ont moins de signalisation que les hommes de manière générale, et plus par-ticulièrement pour la période postérieure à 180028. Cela ne transparaît que pour la région de la Viliouï, de manière générale29. Il est difficile d’interpréter ces différences selon l’âge et le sexe ; néanmoins, la récurrence chronologique sur la période la plus récente évoque peut-être un changement de signali-sation, en faveur d’un marquage soit plus léger soit en dehors de la fosse soit collectif (une croix pour plusieurs tombes) (Fig. II.6).

Toutefois, la très grande majorité des tombes devait avoir une superstructure. D’après la tradition, elle devait théoriquement être construite dans l’année suivant le décès. Au XIXe siècle, on considérait que si elle n’avait pas été construite au bout de trois ans, il était inutile de la faire car « c’était déjà un grand péché » (Crubézy, Alexeev 2007, 65). L’existence de cette considération suggère qu’un certain nombre d’entre elles pouvaient ne jamais être construites. Par ailleurs, il a pu arriver qu’elle soit construite bien plus tard, à l’image de la tombe de Kyyl Bastaakh 1, en Iakoutie centrale. Les prélèvements dendro-chronologiques, effectués à la fois sur le coffre et la superstructure, ont révélé que le coffre avait été construit en 1849 et le monument en 1892, soit une à deux générations après le décès. Il est alors probable que cette construction soit la réponse d’un chaman interrogé sur les malheurs d’une famille n’ayant pas accompli ce devoir.

La croix

Un autre mode de signalisation a été retrouvé, la présence d’un poteau planté dans la fosse, du côté est, à l’exception de Ous Sire 1 où la signalisation est située aux deux tiers de la fosse, reposant sur le couvercle du coffre (Fig. II.7).

27 - Respectivement, tests de Fisher égaux à 0,01 et 0,02.

28 - Respectivement, test de χ2 égal à 5,56 et p égal à 0,02, puis test de Fisher égal à 0,01.

29 - Test de Fisher égal à 0,05.

Figure II.7 : Présence d’un poteau servant de signalisation. De gauche à droite, les tombes de Bakhtakh 1 (a), Ous sire 1 (b), dans la région de Verkhoïansk et Omouk 1 (c) dans la région de l’Indighirka (© P. Gérard/MAFSO).

Description des pratiques funéraires

Ce poteau peut correspondre soit à un serghe, poteau commémoratif, soit à une croix. Les restes de croix retrouvés au sol quelquefois et la disposition quasi-systématique à l’est évoqueraient plus vo-lontiers les vestiges de croix. Ce mode de signalisation pour des tombes relativement isolées apparaît principalement dans les régions de Verkhoïansk et de l’Indighirka, à partir de la fin du XVIIIe siècle parmi les tombes que nous avons fouillées, donc en dehors de l’organisation en cimetière (Tabl. II.2, Fig. II.8). Cette signalisation est rencontrée entre 24 et 31% des cas, respectivement dans les régions de Verkhoïansk et de l’Indighirka, et plus souvent pour les sujets adultes (30 à 44 % des cas contre 14 à 21% pour les sujets immatures). Aucune différence significative n’a été observée selon l’âge ou le sexe.

Cette représentation peut être le reflet de notre difficulté à repérer les tombes chrétiennes et à les éviter. Cependant, elle correspond également à la généralisation de la christianisation de la Iakoutie au

Figure II.8 : Croix effondrée au sol entre les tombes Omouk 1 et 2, dans la région de l’Indighirka et croix encore en place en Iakoutie centrale à Tchyappara (© P. Gérard/MAFSO).

croix dans la

fosse n tbes ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800 total %

Iakoutie centrale 119 1 1 0,8

Viliouï 24 0 0,0

Verkhoïansk 37 1 8 9 24,3

Indighirka 16 1 4 5 31,3

total 196 0 0 2 13 15 7,7

Tableau II.2 : Dénombrement des poteaux plantés dans les fosses.

60

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

cours du XIXe siècle, à partir du moment où les Iakoutes ont accepté la nouvelle foi et où elle est pro-fondément ancrée dans tous les domaines de la vie (Strogova 2015, 149). On peut y voir la volonté d’af-firmer son appartenance à la communauté chrétienne orthodoxe, malgré un isolement géographique.

II.2.1.2. La fosse

La saisonnalité des inhumations

Le seul élément susceptible de nous renseigner sur la saisonnalité des inhumations est la présence de traces de rubéfaction lors du creusement de la fosse et du rejet de charbons ou terre rubéfiée dans son comblement (Fig. II.9). Cela définit si la tombe a été creusée alors que le sol était complètement gelé, entre octobre et mai ou si celui-ci était suffisamment dégelé, entre juin et septembre, définissant la « belle saison », soit 4 mois. Cela dépend également d’autres facteurs, tels que la localisation de la tombe, en milieu forestier, plus froid qu’en milieu ouvert, ou la profondeur à laquelle la tombe est creusée.

Figure II.9 : Traces de rubéfaction. À gauche, en Iakoutie centrale, la tombe de Lampa 1, datée de la période antérieure à 1700, à droite dans la région de Verkhoïansk, la tombe de Bakhtakh 1, datée de 1750-1800 et au centre, coupe de la tombe de Tungus Keul 4, datée de 1750-1800, dans la région de la Viliouï (© P. Gérard/MAFSO).

Description des pratiques funéraires

49/159 inhumations présentent des traces de rubéfaction, soit dans près d’un tiers des cas (30,8%). Cette ré-partition, statistiquement signifi-cative30, montre qu’il y avait plus d’inhumations réalisées lors de la

« belle saison », alors que les fosses pouvaient être creusées sans faire de feu. Toutefois, nous ignorons la saisonnalité des décès, la mortalité était-elle plus importante en été qu’en hiver et/ou pratiquait-on plus les inhumations lorsque le climat s’y prêtait ? Peu d’informations

concer-nent la période entre le décès et l’inhumation. Les avis historiques sont variables. Certaines sources évoquent une attente jusqu’au printemps et la fête de l’Ysyakh : le défunt pouvait être conservé dans la maison tandis que la famille allait vivre ailleurs. D’autres pensent qu’aux temps anciens, il pouvait être inhumé le jour même quelle que soit la saison (Crubézy, Alexeev 2007, 56).

Un peu plus d’un tiers des tombes a donc nécessité de creuser la fosse au moyen d’un énorme feu alors que le sol était encore gelé. Pour l’ensemble de la Iakoutie, peu nombreuses dans la phase an-térieure à 1700, elles sont presque deux fois plus fréquentes dans la première moitié du XVIIIe siècle, avant de diminuer dans la seconde moitié et de se stabiliser au XIXe siècle (Fig. II.10).

Toutefois, cette image rassemble des réalités différentes selon les régions, qui ne sont pas statistique-ment significatives dans l’ensemble. En considérant la chronologie, les régions de Verkhoïansk et de l’Indighirka se différencient de la Iakoutie centrale, au début du XVIIIe siècle pour la première et à la période postérieure à 1800 pour la seconde31.

Aucune différence entre les tombes d’enfants et celles d’adultes n’est ob-servée, du moins pour la Iakoutie centrale et la région de la Viliouï. Pour les régions les plus froides, celles de Verkhoiansk et de l’Indighirka, et la période la plus récente (postérieure à 1800), les tombes d’enfants sont celles qui présentent davantage de traces de rubéfaction dans la région de Verkhoïansk : il semble que l’on at-tende moins pour inhumer les enfants, la fosse étant moins profonde et né-cessitant moins de temps et d’énergie

30 - Test de χ2 égal à 12,15 avec p inférieur à 0,01.

31 - Respectivement, test Fisher égal à 0,02 et test de Fisher égal à 0,04.

0

ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800

pourcentage

chronologie

Fréquence de la rubéfaction des tombes

Iakoutie centrale

ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800

profondeur moyenne (en m)

chronologie

Profondeur des inhumations en Iakoutie

Figure II.10 : Fréquence de la rubéfaction des tombes, selon la chronologie et les régions.

Figure II.11 : Profondeur moyenne des tombes, selon la chronologie.

62

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

que celle des adultes. Dans la région de l’Indighirka, l’inverse est retrouvé puisque tous les adultes (n=5) et très peu d’enfants (1/7) semblent inhumés à la mauvaise saison. En comparant les adultes et les régions entre eux, les adultes de la région de Verkhoïansk semblent inhumés moins souvent au cours des mois d’hiver, de manière significative avec les régions de la Viliouï et de l’Indighirka32. Par ailleurs, aucune différence n’est notée entre les hommes et les femmes, quelles que soient la période ou la région considérées.

Au-delà de nos faibles effectifs, qui nécessitent de pondérer ces résultats, il est difficile d’interpréter ces différences, tellement de facteurs environnementaux (climat, localisation de l’inhumation), sociaux (croyances, religion) ou familiaux (choix personnel) peuvent intervenir.

Sa profondeur

Parmi les 196 inhumations fouillées et exploitables, 168 permettent l’étude de la profondeur des fosses.

En effet, si certaines, dont le sol était gelé, n’ont pu faire l’objet d’un dégagement complet, les informa-tions manquantes relèvent aussi parfois d’une observation incomplète.

On observe une légère tendance à des fosses plus profondes avec le temps. Si les fosses ont une pro-fondeur autour de 80 cm pour la phase ancienne, avant 1700, elles deviennent plus profondes ensuite, autour de 1 m (Fig. II.11). Cela s’accentue encore davantage au cours du XIXe siècle avec l’apparition de moyens plus adaptés, comme la pelle en métal (Fig. II.12). En effet, les tombes récentes que nous avons fouillées étaient plus profondes encore, jusqu’à 1,70 à 2 m. Nous en avons fouillées quelques-unes soit par manque d’indices soit ces derniers nous paraissaient relever d’une période plus ancienne, à l’image en Viliouï des tombes fouillées à Oul-goumda Berete (1,70 m) et à Bess Télléré (1,90 à 2 m)33. Dans le premier cas, elle faisait partie d’un petit groupe de tombes chrétiennes et dans le second, elle était implantée en périphérie d’un cimetière chrétien.

Aucune différence majeure entre les régions n’est notée, à l’exception des tombes d’enfants de Verkhoïansk comparées à celles de Iakoutie

32 - Respectivement, tests de Fisher égaux à 0,05 et 0,02.

33 - Tombe fouillée au cours d’une prospection, écartée de notre corpus en raison de sa datation très récente.

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4

ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800

profondeur moyenne (en m)

chronologie

Profondeur des inhumations en Iakoutie, selon les régions

IAKC VIL VERKH IND Iakoutie

Figure II.13 : Profondeur moyenne des tombes, selon la chronologie.

Figure II.12 : Pelle en bois retrouvée dans un cimetière XIXe siècle, dans la région d’Oïmiakhon (© P. Gérard/MAFSO).

Description des pratiques funéraires

centrale34 (Fig. II.13). Toutefois, cela s’explique par la présence d’une tombe double, associant une femme et un enfant, creusée profondément dans la première moitié du XVIIIe siècle (Tysarastaakh 2) et de celle d’une adolescente (Sordonokh) ; sans ces deux tombes, la moyenne de profondeur atteindrait 0,94 m (contre 1,18 m actuellement), soit une moyenne comparable aux autres régions.

Les enfants sont presque systématiquement inhumés moins profondément que les adultes à l’excep-tion de la région de Verkhoïansk. Cela s’explique par la présence d’enfants dans des tombes profondes d’adultes de la première moitié du XVIIIe siècle : la tombe de Tysarastaakh 2, d’une profondeur de 1,50 m et pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, de la tombe triple contenant une femme et deux nou-veau-nés (Lepseï 2). De plus, deux adolescents (Kouranakh et Buguyekh 3) sont inhumés à la même profondeur que les adultes pour cette dernière période. De ce fait, la profondeur des sujets immatures est plus importante que celle des adultes. Cependant, cette différence n’est pas significative, contrai-rement à la Iakoutie centrale où les tombes d’enfants des périodes antérieures à 1700 et postérieures à 1800 sont nettement moins profondes que celles des adultes35.

En ne considérant à présent que les adultes, aucune différence significative n’est observée entre les hommes et les femmes, quelle que soit la période considérée.

Les fosses sont d’une manière générale peu profondes, en raison du contexte de pergélisol et des moyens utilisés permettant le creusement des tombes avant le XIXe siècle. En effet, d’après les eth-nologues du XIXe siècle, les populations avant le christianisme ne voulaient pas enterrer les morts

34 - Test de Student égal à 0,05.

35 - Tests de Student égal à 0,03 et inférieur à 0,01.

Figure II.14 : Méthodes adaptées à la fouille des tombes en terrain gelé (Viliouï, été 2007). À droite,

dégagement des vestiges à la hache, la pelle ne servant qu’à ramasser les copeaux de terre (Boulgounniakh 1) ou à gauche, la boue après le dégel provoqué par le feu (Oulgoumda berete) (© P. Gérard/MAFSO).

64

Pratiques funéraires, biologie humaine et diffusion culturelle en Iakoutie (XVIe-XIXe siècles) S. Duchesne

profondément, sinon la terre aurait pressé sur le corps. Tandis que plus tard, une fois la christianisation effective, il était recommandé au contraire que la tombe soit profonde et atteigne le pergélisol afin que le corps soit parfaitement bien conservé lorsqu’il se présente devant l’ange venu le chercher (Cru-bézy, Alexeev 2007, 63). Si cette explication religieuse a pu probablement jouer, un autre critère, plus technique ou économique, a également pu intervenir. C’est avec l’arrivée des Russes et des échanges pratiqués avec les autochtones que les pelles en fer ont fait leur apparition. D’après certains collègues iakoutes, elles seules permettent de creuser profondément, la tâche devenant très difficile et pénible dans un sédiment gelé avec des pelles en bois. Toutefois, d’une part, certaines tombes, d’une

profondément, sinon la terre aurait pressé sur le corps. Tandis que plus tard, une fois la christianisation effective, il était recommandé au contraire que la tombe soit profonde et atteigne le pergélisol afin que le corps soit parfaitement bien conservé lorsqu’il se présente devant l’ange venu le chercher (Cru-bézy, Alexeev 2007, 63). Si cette explication religieuse a pu probablement jouer, un autre critère, plus technique ou économique, a également pu intervenir. C’est avec l’arrivée des Russes et des échanges pratiqués avec les autochtones que les pelles en fer ont fait leur apparition. D’après certains collègues iakoutes, elles seules permettent de creuser profondément, la tâche devenant très difficile et pénible dans un sédiment gelé avec des pelles en bois. Toutefois, d’une part, certaines tombes, d’une