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Les modèles de la croissance urbaine endogène

3.2 Les théories de la croissance urbaine déterministe

3.2.3 Les modèles de la croissance urbaine endogène

Les modèles de la croissance urbaine endogène sont issus des interactions entre les approches de Henderson (1974, 1988) et celles de la croissance endogène (Lucas, 1988). Ils mettent en avant la relation entre la croissance démographique urbaine et le volume de capital humain local qui est fonction de la taille des villes.

Eaton et Eckstein (1997) proposent un premier modèle de croissance urbaine endogène où le capital humain hkit d’un individu k, habitant la ville i, durant la période t est égal à :

) 1

*(

kit it

kit H e

h = − (3.27)

avec Hit* le volume des connaissances dans la ville i et ekit le temps de travail de l’individu k (avec 1−ekit, te temps alloué à sa formation et l’accumulation de son capital humain personnel). Un volume de connaissances locales Hit* élevé implique une meilleure efficacité du temps consacré à la formation et vice versa.

Selon Eaton et Eckstein (1997), le niveau de Hit* dépend non pas seulement de la vitesse d’accumulation des connaissances dans la ville i, mais également des effets de l’accumulation des connaissances dans les autres villes du système urbain considéré. Ainsi, si il y a K villes, avec chacune un niveau de capital humain égal à Hjtj = 1,...K, alors :

=

= K

j

jt ij

it H

H

1

* θ (3.28)

avec Hjt le niveau de capital humain dans la ville j et θij ≥ 0 la contribution de la formation du capital humain de la ville j dans l’accumulation des connaissances dans la ville i. Si θ est élevé, lorsque

j

i ≠ , ceci signifie que la circulation des informations et des connaissances au niveau interurbain est élevée ; à l’inverse si θij est faible, lorsque ij, mais élevé pour i = j, la circulation des connaissances intra-urbaine se fait au dépens de la circulation interurbaine. Eaton et Eckstein (1997) rappellent que, dans la configuration d’un système urbain primatial où la ville dominante représente la seule source de connaissances accumulées, θij est égal à 0 pour tout ij, sauf lorsque j est égal à 1 qui est l’indice de la ville dominante. Ils montrent, ainsi, que dans certains systèmes urbains la formation du capital humain peut être équitablement distribuée, tandis que dans d’autres, elle est source d’inégalités croissantes.

En admettant que le niveau moyen du capital humain croit, de façon exogène, au même taux gH*T pour toutes les villes et que leur croissance démographique, résultant des mouvements migratoires, dépend quasi-exclusivement des effets de la croissance du capital humain local, les deux auteurs conçoivent un processus de croissance urbaine parallèle qui conduit chaque ville à garder son rang, dans la distribution des villes. Ils appuient ce modèle théorique par l’observation empirique de l’évolution des systèmes urbains français et japonais, durant le vingtième siècle, marqués par une extrême stabilité. Ces deux systèmes vérifient, pour la partie haute de la distribution rang-taille des villes, la loi de Zipf. Cependant, ce travail reste limité par le fait qu’il ne s’applique que sur les 40 plus grandes métropoles de chaque pays.

Black et Henderson (1999) étendent et poursuivent l’approche de Eaton et Eckstein (1997), en intégrant l’hétérogénéité urbaine. Dans leur modèle, il y a deux types de villes, chacune étant spécialisée dans la production du bien qu’elle exporte aux villes de l’autre type.

La fonction de production Q1i d’une firme i localisée dans une ville de type 1, spécialisée dans la production d’un bien intermédiaire exporté aux firmes des villes de type 2 est :

(

11 11

)

11 1

1 λ ψ ϑ

i D n h h i

Q = (3.29)

avec n1 la population de la ville de type 1, h1son niveau moyen de capital humain, h1i le capital humain de la firme i (chaque firme étant composée d’un seul travailleur, ce qui signifie que sa production équivaut à son salaire), λ1les externalités d’échelle liées à la concentration de firmes de même type, ψ1l’élasticité de la production de la firme i vis-à-vis du capital humain localisé et ϑ1 l’élasticité de la production de la firme i vis-à-vis de son propre capital humain accumulé.

De façon identique, la fonction de production Q2j d’une firme j appartenant dans une ville de type 2, spécialisée dans la production d’un bien final exporté aux habitants des villes de type 1 est :

( )

j ja localisé, ϑ2 l’élasticité de la production de la firme j vis-à-vis de son propre capital humain accumulé et q1j le volume des biens intermédiaires produits par les firmes des villes de type 1 et utilisés par la firme j dans son processus de production.

A l’équilibre, les tailles n1 et n2 des villes de type 1 et 2 dépendent des externalités d’échelle, du volume du capital humain localisé et des externalités négatives, mesurées par les effets de congestion. Les élasticités ε1 et ε2 de la taille des villes 1 et 2 par rapport à leur stock de capital

Dans ce cas, le paramètre ε qui représente l’élasticité pondérée de la taille d’une ville en fonction de son capital humain (entre les villes de type 1 et de type 2) est donné par :

avec w le rapport entre le capital humain par travailleur dans les villes de type 1 et de type 2.

Contrairement à Eaton et Eckstein (1997), dans le modèle de Black et Henderson (1999), l’accumulation du capital humain dans une ville donnée ne peut contribuer qu’à celle d’une autre ville du même type. Les effets de la diffusion des connaissances ne modifient pas l’hétérogénéité urbaine initiale. Ainsi, si une part z de la population appartient aux villes de type 1 (et est dotée d’un capital humain h1) et une part (1-z) aux villes de type 2 (dotée d’un capital humain h2), chacun des ménages appartenant à l’un ou l’autre groupe ne peuvent migrer que vers une ville habitée par des ménages avec la même spécialisation.

En admettant un système urbain fermé, sans entrée de nouvelles villes, et une libre mobilité des ménages entre villes de même type, Black et Henderson (1999) considèrent, alors, deux possibilités : dans un premier cas de figure (ε =1), le rapport entre le capital humain par travailleur dans les villes de type 1 et celui dans les villes de type 2 reste constant dans le temps (leurs niveaux respectif de capital humain h1 et h2 croient au même rythme h&1 h1 = h&2 h2 =h& h). A l’état stationnaire, les villes connaissent une croissance parallèle égale à :

h

avec ρ le taux d’anticipation de la croissance future par les ménages et σ l’élasticité de substitution entre produits.

Black et Henderson introduisent, par ailleurs, la possibilité que de nouvelles villes entrent dans le système. Le taux d’entrée de nouvelles villes

de type 1 et 2 dépend également du taux de croissance du capital humain démographique national. Il est aisé de montrer que la croissance urbaine est égale à la croissance démographique nationale moins le taux d’apparition de nouvelles villes :

Dans ce premier cas, à l’état stationnaire, les villes se différencient par leur ratio de capital humain par travailleur et par leur taille, tout en affichant un même taux de croissance de ce ratio et donc de leur population, tandis que le nombre de villes augmente uniquement si g > h& h. Dans un second cas de figure (ε < 1), Black et Henderson considèrent que le capital humain converge vers un niveau stable et, par ce biais, les villes convergent aussi vers une taille optimale. A l’état stationnaire, la croissance urbaine est alimentée par la seule entrée de nouvelles villes dans le système.

Dans un premier travail sur l’évolution de la distribution des villes américaines entre 1900 et 1990, Black et Henderson (1999) trouvent une croissance parallèle des villes américaines. Par la suite, en relâchant quelques hypothèses très contraignantes et notamment la forte relation entre la croissance urbaine et le niveau d’éducation, auquel est associé de façon quasi-exclusive le volume du capital humain, Black et Henderson (2003) affinent leurs résultats en montrant que, malgré sa grande stabilité, le système urbain américain enregistre une tendance vers une concentration urbaine plus élevée, sous l’impulsion du changement technologique et l’accumulation des connaissances.

***

Les approches déterministes réunissent un ensemble de modèles, selon lesquels l’hétérogénéité urbaine, liée aux attributs de première et/ou de seconde nature, est source de différenciation des processus de croissance urbaine. Dans ces modèles, la taille d’une ville, appréhendée de façon plurielle, conditionne sa croissance démographique. Soit les villes convergent vers une taille optimale, s’il y a des effets de rattrapage et/ou si à partir d’un certain seuil urbain, les externalités négatives deviennent plus importantes que les externalités positives. Soit les villes croient de façon parallèle et les systèmes urbains sont extrêmement stables, ce qui signifie que les écarts de taille persistent dans le temps.

Ces approches ne cherchent pas à produire des distributions des tailles des villes qui suivent la loi de Zipf. Elles n’apportent, donc, pas une explication plausible à cette régularité, observée dans différents systèmes urbains. Néanmoins, elles permettent de s’interroger sur la croissance relative des villes, c'est-à-dire sur leur mobilité au sein même de la distribution rang-taille, en permettant par ce biais de comparer leurs évolutions dans le temps.

Les modèles de croissance endogène, développés à l’interaction des approches de Henderson et de Lucas, offrent une alternative puissante aux modèles de croissance aléatoire, développés au sillage des travaux de Gabaix (1999). Un certain nombre de travaux ont cherché à développer une approche hybride, permettant de concilier le rôle des externalités avec un processus de croissance urbaine, moins déterministe, qui valide la loi de Zipf à l’état stationnaire.

3.3 Théories hybrides – approches