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/ (1) Cette thèse a été développée pour la première fois par Thurow et

3. LES MARCHES INTERNES DE L'EMPLOI ENTREPRISE

LE FONCTIONNEMENT DE LA GRANDE

Les marchés internes de l'emploi sont des unités administratives à l'intérieur desquelles les prix et l'allocation du travail sont déterminés par un ensemble de règles et de procédures administratives, par opposition aux facteurs économiques opérants sur le marché externe.

Cette partie présente les éléments d'une "théorie fragmentaire" des marchés internes de l'emploi, tels qu'i~s ont été élaborés il y a

déjà quelques années par Doeringer et Piore Les principaux passages de cette partie ont été rédigés sur la base de leur ouvrage de 1971.

3.1. Les facteurs principaux du fonctionnement des marchés internes.

3.1.1. La spécifité des qualifications d'emploi.

La spécificité de la qualification est un concept clé introduit par G.S. Becker dans son analyse du capital humain. Une formation est spécifique à une entreprise quand elle ne peut être valorisée ailleurs par son bénéfi- ciaire. Par opposition, une formation générale accrott l'efficacité dans l'ensemble des entreprises.

L'intérêt mutuel des employés et des employeurs est de partager les coUts et les gains de la formation spécifique. Si l'employé ne bénéficie pas des gains de la formation qui lui a été dispensée, rien ne l'incite à rester dans la firme par la suite, et rien ne garantit donc à l'employeur qu'il pourra récupérer les coUts de son inv~stissement dans l'employé sous forme d'une performance ultérieure améliorée. Le partage des coUts équilibre le partage nécessaire des gains.

Par contre, l'entreprise fera supporter aux employés le coUt inté- gral d'une formation générale, car elle sait que ceux-ci pourro~t le valoriser n'importe où .

Aucune théorie du partage contractuel n'est proposée. Mais le résultat important est que la spécificité de la formation rend les em- ployés non substituables pour la firme. La spécificité de la formation lie l'employeur et l'employé et les isole du marché compétitif dont le fonctionnement repose sur la substituabilité des employés pour l'employeur. C'est cette substituabilité qui garantit la compétition dans un marché concurrentiel.

Mais pour quelle raison, la formation spécifique serait-elle nécessaire? Les analyses des marchés internes l'expliquent par la spécificité des emplois dans la firme. Ils sont implicitement amenés à

distinguer qualifications individuelles et qualifications d'emploi. La qualification individuelle s'entend comme l'aptitude à mettre en oeuvre un certain type de travail qualifié. La qualification de l'emploi se définit à partir des éléments concrets qualifiant les activités exercées (contenu) et des capacités requises -connaissances théoriques et pratiques, savoir-faire, expérience- dans l'exercice de cet emploi. (1)

La formation est spécifique dans la mesure où les qualifications d'emploi sont spécifiques. La spécificité des qualifications d'emplois se définit, par analogie, par la fréq'uerœde l'usage de ces qualifications dans différents marchés internes. Une qualification totalement spécifique est particulière à une seule catégorie d'emploi dans une seule firme. Par opposition, une qualification générale est utile dans la plupart des postes de la plupart des firmes. Une formation est d'autant plus spécifique qu'elle permet d'acquérir des qualifications spécifiques.

Par extension, il est possible de définir des emplois spécifiques qui requièrent un ensemble de qualifications spécifiques, ou des technologies spécifiques.

La spécificité des qualifications d'emploi augmente la part des coUts de formation individuelle payés par les employeurs. Elle en accrott également la valeur absolue car elle augmente le nombre des individus à

former .

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(1) Cette définition est empruntée à l'une despazutions de l'INSEE datée de 1976, consacrée à l'emploi (Economie et Statistique, n° 81 - 82).

Mais on peut se demander si la formation comporte nécessairement des coUts. Bien souvent, une performance appropriée dépend de l'intégration de l'individu dans des groupes informels. Il s'agit alors davantage d'un proceRRUS de familiarisation et de socialisation au cours duquel les indi- vidus identifient les normes et les rOles en vigueur dans l'entreprise. Lorsque l'apprentissage est un processus de ce type il n'est pratiquement pas coUteux. Mais ce processus est aussi nécessaire lorsqu'il y a acqui- sition réelle de compétence au sens habituel. L'apprentissage met à contri- tion les membres du groupe les plus anciens. Ce processus requiert l'envi- ronnement particulier du marché interne et est maintenant examiné.

3. 1.2. Le processus de la formation "sur le tas".

Le processus de la formation "sur le tas" est un processus informel qui consiste en l'ajustement mutuel et permanent des employés les uns aux autres et des employés à leur tAches. Ce processus requiert une organisation de l'environnement pour se développer.

Mais l'importance de cette formation informelle est variable selon les catégories d'emploi.

Pour les ouvriers une large part des qualifications requises est acquise sur le tas. Pour les catégories cadres, l'éducation est davantage un facteur de sélection. Le rOle de la formation sur le tas est moins

évident. Elle peut certes contribuer largement à l'acquisition des compétences requises. Mais elle peut n'être qu'un préalable à un usage efficace de la formation initiale.

Le processus de formation pour les ouvriers est souvent informel. Il s'agit d'une "osmose". L'apprentissage se fait par essais et erreurs au cours des opérations de production. Une éventuelle supervision est effectuée par les supérieurs hiérarchiques ou simplement par les co11è~ues de travail. Elle doit être conçue comme un ajustement permanent et renouvelé des tAches parmi les ouvriers eXDérimentés et inexpérimentés ("rolling readjustment") •

Les procédures plus formelles ne sont souvent qu'une systématisa- tion des procédures informelles. Mais souvent il n'y a pas d'alternatives au travail sur le tas. Le processus est coOteux car il comporte du gaspil-

lage de matières premières, des dommages pour l'équipement, des coOts d'improductivité pour le bénéficiaire et le superviseur de l'apprentissage. Mais il reste vraisemblablement économique par rapport à d'autres solutions

car, il n'implique aucun excédent de formation et ne requiert aucune aptitude particulière de la part des instructeurs.

3.1.3. Le rale de la tradition

Il s'agit des règles informelles implicites largement fondées sur les habitudes antérieures et les précédents C'est le produit de la stabilité de l'emplot.

On peut se demander comment ces coQtumes non écrites peuvent subsister dans un c0ntexte institutionnel dont la survie dépend de l'ef- ficacité. Efficacité et coutumes risquent d'être antagonistes.

Mais cette divergence n'est pas obligatoire Les dirigeants établissent les règles qui leur paraissent satisfaire aux contraintes d'efficacité. Si l'environnement est stable le conflit coQtume-efficience n'émerge pas C'est seulement lorsque les coQtumes sont une source d'inef-

ficacité que l'antagonisme devient apparent.

3.2. Le processus d'émergence des marchés internes.

Pour examiner les mécanismes qui conduisent à l'apparition des-

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marchés internes, il faut se placer dans un contexte de marché compétitif, puis identifier et examiner les circonstances qui débouchent sur une inter- nalisstion des fonctions d'allocation et d'établissement du prix de travail. Dans cette démarche, les dirigeants sont supposés rechercher la minimisation des coQts •

3.2.1. Les avantages des marchés internes pour la main- d'oeuvre.

Les marchés internes garantissent une sécurité d'emploi et les opportunités d'avancement mieux que les lois du marché compétitif. L'accès aux marchés internes justifie des sacrifices de salaires. Les procédures internes sont aussi un moyen de faire respecter des règles d'équité et de légitimité: l'équité réside dans l'harmonisation des perspectives offertes

à des employés équivalents. La légitimité réside par exemple dans le choix de critères "objectifs" dans l'avancement des employés également méritants (l'anc ienneté) .

3.2.2. Là réduction de la mobilité externe (turnover).

Le travail est un facteur de production "quasi-fixe". Les travail- leurs sont porteurs d'investissements payés par la firme et incorporporés. Ils SQnt analogues de ce point de vue aux biens d'investissements physiques tota- lement fixes. La quasi-fixité implique l'existence de conts de remplacement et de séparation.

Les conts de remplacement comprennent les conts de recrutement) de sélection et de formation qui doivent être payés par l'entreprise en raison de la spécificité des formations. La séparation comporte des conts pour l'employeur et pour l'employé. L'employeur doit payer des indemnités et perd les rendements escomptés de la formation qu'il a financée.

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L'employé supporte les conts de recherche d'un nouvel emploi. Tous deux gagnent à un accroissement de la stabilité de l'emploi.

3.2.3. L'efficacité technique dans le recrutement.

L'information sur les aptitudes des employés est imparfaite. Les ca~didats intéressants doivent donc être identifiés à l'extérieur puis sélectionnés. De toutes les façons) même une sélection sévère ne peut garantir la performance de l'employé.

L'information su~ les aptitudes des individus appartenant au marché interne est un sous-produit automatique de l'activité d'entreprise. Le

marché interne est un marché plus parfait de l'information sur les aptitudes individuelles que le marché externe. Cette seule raison confère un avantage important au recrutement interne-sur le recours aux extérieurs •

La sélection interne présente cependant ses propres coQts. La

main-d'oeuvre interne peut être mieux qualifiée que la main-d'oeuvre externe, mais les coGts de formation peuvent absorber et au-delà le. économies provenant

de la sélection interne. Enfin, la promotion interne peut transférer la vacance qui est apparue sur un poste à d'autres postes qui requièrent des capacités ou des profils individuels plus rares et difficiles à trouver sur le marché externe.

3.2.4. Contraintes d'efficacité

Une certaine rigidité est requise dans le fonctionnement d'un marché interne. Les règles définissent les types de carrières offertes et la relation entre les revenus futurs et actuels des employés. Ces

relations n'existent qu'à condition que la stabilit' des règles d'avancement et des conditions de l'avancement soient maintenues. La permanence des procédures a tendance à isoler le marché interne de l'4volution du marché externe.

L'isolement de la compétition extérieure s'effectue par les res- trictions à l'entrée et par la progression à l'ancienneté le long de certaines filières. L'avancement à l'ancienneté fixe un ordre de priorité qui est celui de l'entrée dans le marché interne. Ces procédures accroissent

la flexibilité du recrutement externe. Dans la mesure où les employés présents dans l'entreprise ne sont plus en compétition avec leurs succes- seurs, ils sont en effet moins incités à influencer ce recrutement.