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3.1. Introduction principales hypothèses

L'approche du capital humain est, à l'origine, fondée sur d'importantes hypothèses simplificatrices (2). Les principales sont les suivantes :

Les individus décident rationnellement de la durée et de la nature de leur formation par un calcul approximatif de type coOt-avantage. Dans le cas des études scolaires et universitaires, les parents peuvent être

les principaux décideurs.

Le marché du travail est compétitif. La mobilité des personnes entre les filières formation-profession assure l'égalisation des valeurs actuelles des revenus individuels calculés sur la totalité de l'existence, au taux du marché. Tout revenu supplémentaire ne peut être acquis qu'au prix d'un "coOt" additionnel en études .

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(1) Des exemples de calcul des valeurs actuelles des rémunérations moyennes d'individus de formation initiale équivalente sont faits par Centi (16, 1974) en France.

(2) La revue critique de l'aPDroche du capital humain a été effectuée récem- ment par B1aug (11, 1976). Voir aussi les chapitres II, III, V, de

l'ouvrage de Psacharopou1os publié par l'OCDE en 1975 (56).

La formation, sous toutes ses formes - initiale, complémentaire, sur le tas - augmente la capacité productive individuelle. Ces aptitudes acquises sont valorisées sur le marché du travail. Les gains individuels augmentent en conséquence. Les gains sont nets des coOts de formation géné- rale. Pour la formation spécifique, la relation gains-aptitude n'est

cependant pas rigide.

Dans cette partie, quelques unes de ces hypothèses sont abandonnées et des approches alternatives suggérées. Les conséquences pour l'analyse appliquée en sont tirées à chaque étape.

3.2. Les imperfections du marché

Les restrictions de l'offre dans certaines qualifications abritent de la compétition les personnes qui détiennent ces qualifications. Les gains de l'éducation peuvent être le fruit d'un pouvoir de ,monopole plutôt que de l'éducation. Par exemple, les médecins(l) gagnent souvent plus que les autres diplômés. Ces gains supplémentaires peuvent provenir plus des restrictions

à l'entrée des écoles de médecine que des études médicales proprement dites. L'assouplissement des limitations d'entrée entraînerait peut être l'aligne- ment des gains des médecins sur ceux d'autres professions.

Si tel était le cas, le marché de l'offre et de la demande de médecins ne serait plus en équilibre : la demande serait excédentaire et

le prix des médecins serait anormalement élevé. L'hypothèse habituelle des analyses du capital humain selon laquelle les revenu~ actualisés sur

l'horizon de vi~ de toutes les filières de fo~mation générale sont iden- tiques n'est plus vérifiée.

Lorsque le marché est compartiment~ il est nécessaire de raisonner par filière formation-profession. Les rendements peuvent être calculés dans chaque segment. I,ls constituent des indicateurs du degré de monopole .

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3.3. La discrimination (1)

3.3.1. ~a discrimination avant le marché de l'éducation

le financement

Les inégalités financières à la naissance s'intègrent facilement dans l'approche du capital humain. Des limitations dans les ressources familiales disponibles pour financer les études requièrent

le recours à d'autres types de ressources. Ce sont les bourses et les emprunts. Celles-ci sont en général peu accessibles ou très coOteuses au- delà de certains seuils.

Ces inégalités financières entratnent donc une différenciation de la durée des études pour des individus d'aptitudes équivalentes et qui atteindraient autrement le même niveau éducatif.

Elles produisent des restrictions de la demande d'éducation qui limitent l'entrée dans certaines filières. L'allocation des individus n'est plus fluide entre les filières. Les filières les moins coOteuses sont

"encombrées" et leur rendement (2) relatif s'abaisse. Les filières les plus onéreuses sont peu accessibles et leur rendement relatif s'accroit.

Ces imperfections produisent des effets de nature tout à fait

comparable aux restrictions directes de l'offre de certaines qualifications •

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(1) L'étude de la discrimination est reprise en détail dans le chapitre IV où les principales références sont indiquées.

(2) Le rendement de la formation est le taux d'actualisation qui annule la valeur actualisée des coOts et gains en termes de rémunérations, impu- tables à la formation, et calculés par référence au profil âge-gain d'un individu qui ne bénéficie d'aucune formation. Le rendement marginal entre 2 niveaux éducatifs est calculé de la même manière par les différentiels de r~munérations. Dans tous les cas, il s'agit de taux de rendement interne. Plusieurs références sont. faites par la suite 'au rend~ment qui s'exprime par un taux, actuariel.

3.3.2. La discrimination sur le marché

Un marché du travail équitable valorise les capacités produ~ives individuelles identiquement pour tous les individus. Toutes les personnes

d'aptitudes équivalentes ont les mêmes possibilités d'accès aux emplois et perçoivent les mêmes rémunérations.

Mais les individus ne sont pas nécessairement traités équitablement. Les employeurs peuvent pratiquer discrimination et ségrégation à l'encontre de certains individus ou groupes.

La discrimination est le traitement différencié des employés de capacités productives équivalentes. En dépit de leurs aptitudes comparables les groupes discriminés perçoivent des rémunérations inférieures (discri- mination salariale) où sont confinés dans des emplois peu attrayants (ségrégation) •

Les groupes discriminés sont rep'rés par des caractéristiques

superficielles non économiques : la race, le sexe, la nationalité. Les noirs: sont moins payés que les blancs, les femmes que les hommes, la main d'oeuvre immigrée est utilisée dans des postes de statuœ inférieurs.

Les raisons de la discrimination sont multiples. L'aversion pour les groupes discriminés est l'une d'entre elles, mais la position sociale de ces groupes, la faiblesse de leur pouvoir de négociation aussi. La -

discrimination salariale et la ségrégation ont fait l'objet de nombreusès analyses économiques (cf. chapitre-IV) •.

3.4. Les aptitudes non acquises par la formation

Une importante controverse, théorique et empirique, est toujours d'actualité sur les rOles respectifs des aptitudes acquises par la formation et l'expérience et des autres aptitudes.

Les autres aptitudes ~ont d'abord les dispositions naturelles dont les enfants héritent à la naissance, au même titre que les aptitudes acquises pendant les premières années de l'existence au cours de leurs

rapports avec les milieux social·.et familial d'origine. Par conunodité, et bien qu'il s'agisse d'un abus de langage, les autres aptitudes sont dénom- mées"ici aptitudes "innées". Mais ces aptitudes sont, en fait, celles qui ne sont pas acquises grAce aux études.

Ces autres aptitudes influencent sans doute le rendement de la formation, de sorte que les agents qui ont les mêmes niveaux de formation ou d'expérience en tirent des bénéfices différenciés. L'approche du capital humain ne nie aucunement cette possibilité. Elle propose même une inter- prétation des inégalités de salaire observées dans les sociétés contemporaines fondée sur ces différences (1). Dans ces conditions les groupes d'individus dont les aptitudes indépendantes de la formation sont identiques constituent des groupes non compétitifs.

Mais l'économie de la formation continue néanmoins à accorder un rôle important, sinon essentiel, aux compétences acquises. Or rien ne garantit cette importance.

Les partisans de la théorie connue sous les noms de théorie de l'''écran'',"psychologique", ou du "filtre': soutiennent au contraire que ce sont les autres aptitudes qui déterminent en fait les capacités productives des individus. L'appareil éducatif et, par la suite, l'appareil productif n'auraient alors pas d'autre fonction que de détecter les individus les mieux pourvus des aptitudes recherchées par les employeurs. Tous deux ne seraient pas alors des lieux de formation comme le conçoivent les écono- mistes du capital humain, mais plutÔt des lieux de sélection progressive et permanente .

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(1) L'essence de l'argumentation est que les individus les plus doués au départ sont aussi ceux qui ont le plus intérêt à investir en formation à

causedurendement élevé qu'ils en obtiennent. Sur ce point, voir Becker (6, 1975) et Mincer (46, 1970).

Le chapitre suivant est précisément consacré à cette thèse dont les conséquences pour l'analyse appliquée au déroulement des carrières sont importantes.

Mais auparavant, il convient de présenter les outils d'analyses des rémunérations et les carrières individuelles proposés par l'économie de la formation.