2. Problématique
2.3 Revue exploratoire
2.3.2 Les méthodes innovantes
Après avoir discuté des méthodes innovantes, nous avons choisi de
nous concentrer sur les médecines alternatives, définie selon l’OMS (2000)
comme un vaste ensemble de pratiques de soins de santé qui n’appartiennent
pas à la tradition du pays et ne sont pas intégrées dans le système de santé
dominant. Ces méthodes, aussi appelées médecine douce ou parallèle, sont
utilisées pour maintenir les êtres humains en bonne santé ainsi que pour
prévenir, diagnostiquer et traiter des maladies physiques et mentales.
Durant nos recherches sur les méthodes innovantes dans la gestion
de la douleur, nous avons trouvé de nombreuses informations au sujet de
techniques que nous connaissions peu, comme par exemple la réalité
augmentée (superposition de la réalité et d’images ajoutées à l’aide d’une
tablette tactile). Au-travers de nos cours, certains enseignants nous ont
expliqué dans les grandes lignes le fonctionnement et l’utilisation de
quelques-unes de ces méthodes pratiquées en pédiatrie. Nous avons par exemple
beaucoup parler de Emla ® (crème anesthésiante) ou du MEOPA ® (gaz
hilarant, mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote).
Dans l’article de Pölkki, Vehviläinen-Julkunen et Pietilä (2001), les
auteurs soulignent que « Les méthodes non-pharmacologiques dans la gestion
de la douleur se composent d’une grande variété d’approches, qui rendent la
douleur tolérable et donnent à l’enfant une sensation de contrôle sur la
situation ». Les auteurs décrivent les catégories de méthodes
non-pharmacologiques de gestion de la douleur suivantes : les stratégies physiques
(massage, stimulation nerveuse transcutanée par exemple) et les stratégies
cognitivo-comportementales (hypnose, distraction ou relaxation par exemple).
Dans l’article de Landier et Tse (2010), les auteurs montrent dans les
résultats de leur étude qu’environ 31 à 84% d’enfants et d’adolescents en
traitement oncologique utilisent des médecines complémentaires et
alternatives pour la gestion de leur douleur. Certaines de ces thérapies peuvent
être efficaces pour soulager la douleur liée au geste invasif, l’anxiété et la
détresse associée dans cette population.
Sawni et Thomas (2007) cherchent à définir l’attitude des pédiatres
(avec ou sans spécialisation) face aux médecines complémentaires et
alternatives. Les auteurs décrivent que dans un des échantillons, les enfants
sont plus ouverts à ce type de médecines complémentaires car ils y sont plus
sensibles. Ils ont constaté que les médecines alternatives et complémentaires
sont plus utilisées en 2007 (96%) qu’en 1997 (83.5%) et qu’une majorité de
femmes pédiatres sont particulièrement ouvertes aux méthodes
complémentaires et alternatives. Un tiers des pédiatres participants parlent
systématiquement des méthodes alternatives lors de consultations.
Lors de notre entrevue avec Madame Patricia Fahrni, hypnothérapeute
et infirmière responsable de l’équipe pédiatrique cantonale de soins palliatifs
et de soutien, celle-ci nous explique que les méthodes innovantes en gestion
de la douleur en pédiatrie utilisées au CHUV sont principalement l’application
d’EMLA, l’inhalation de MEOPA, l’application de « Busy » et l’hypnose. « Busy
» est une méthode de gestion de la douleur souvent utilisée aux urgences
pédiatriques et se présente sous la forme d’une abeille en plastique qui vibre,
associée à des ailes pouvant être mises au congélateur, modifiant la perception
de la douleur. L’enfant peut tenir lui-même « Busy » et l’appliquer seul à
l’endroit douloureux. Il a été très compliqué pour nous de trouver des
documents ou des informations sur cette méthode, nous avons dès lors choisi
de partir sur l’hypnose.
Selon Salem et Bonvin (2007), l’hypnose en Europe a pris son essor
avec le Dr. F.A. Mesmer (Portraits des médecins, 2014) qui a inventé la théorie
du magnétisme animal. Celui-ci soutenait que l’origine de certaines maladies
provenaient d’un déséquilibre des flux magnétiques de l’organisme et qu’il
existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps
animés qui se transmet au moyen du fluide magnétique et active l’organisme
par le canal des nerfs. Après une perte de popularité, Clark L. Hull et Milton
Erickson font redécouvrir l’hypnose dans les années 1930 grâce à de nombreux
de travaux de recherche. Clark L. Hull (1930, dans Salem et Bonvin, 2007)
soutient que l’état d’hypnose est une activité mentale naturelle et applique de
nouvelles méthodes d’hypnose dans son travail de psychologue. M. Erickson
(1901-1980), élève de Clark L. Hull, décrit l’hypnothérapie, révolutionne les
méthodes de mise en « transe » (moment d’inattention, rêverie) et donne une
nouvelle vision de la relation au patient, en définissant le thérapeute comme
un compagnon du bénéficiaire de soins qui l’accompagne à la recherche de
ses ressources intérieures. Il démontre également les effets positifs de
l’autohypnose, il croit aux ressources uniques et inconscientes de chaque
personne.
Selon le praticien Ruedin P. (2012), l’efficacité de l’état de « transe »
hypnotique ne dépend pas de la croyance du sujet en l’hypnose, tout le monde
y est sensible dans une plus ou moins grande mesure. C’est un moyen de
traiter le patient qui ressent des angoisses et douleurs, vérifié par des résultats
quotidiens.
Selon des études menées au HUG (Hôpitaux Universitaires Genevois)
par Bourgeois, Chamaa, Forster et Piguet (2001), l’hypnose chez l’adulte est
en prise de vitesse ces dernières années, grâce aux preuves de son
fonctionnement amenées par l’imagerie médicale. Ces études ont prouvé qu’un
état hypnotique est réel et qu’on peut désormais expliquer en partie son
fonctionnement lorsque l’hypnose est utilisée pour la gestion de la douleur
grâce aux neurosciences. D’un point de vue médical, l’hypnose a trois
caractéristiques : elle peut compléter d’autres approches du soin (par exemple
antalgique), elle est de nature psychocorporelle et donc adaptée aux
consultations sur plainte somatique et peut être utilisée comme auto-soin en
séance d’hypnose par exemple. L’hypnose est ici définie comme un état de
fonctionnement psychologique par lequel quelqu’un fait l’expérience d’un
champ de conscience élargi. D’autres études citées par ces mêmes auteurs
aux HUG confirment que l’hypnose a des mécanismes qui lui donnent un effet
antalgique. L’hypnose n’est pas une thérapie pouvant être utilisé seule, mais
elle s’intègre aisément dans une prise en charge globale. Des thérapeutes
genevois ont formé le « Groupe d’Hypnose des Hôpitaux Universitaires de
Genève » et enseignent une formation en hypnothérapie reconnue au niveau
FMH.
Au niveau cérébral, la douleur est une information de dysfonction
physiologique liée à des notions de désagréments et d’intolérance. L’hypnose
permet de modifier cette perception, elle n’empêche pas le système nerveux
central de recevoir l’information mais diminue la sensation désagréable. La
douleur ne captivera pas l’attention du patient et il aura un sentiment de
contrôle sur sa douleur.
Avec les informations recueillies, voici la définition de l’hypnose que
nous avons développée pour notre travail : C’est une hyperactivité mentale
naturelle (Clark, 1930) qui permet l’obtention d’un champ de conscience élargi
(Bourgeois et al., 2001). L’état dit de « transe » hypnotique est en fait un état
présent dès que l’attention n’est pas portée sur « l’ici et le maintenant »
(Ruedin, 2012), il est vécu spontanément par l’enfant jusqu’à ses 6 ans environ
et tout adulte peu l’atteindre (Pank, 2013). Cet état permet la modification de
certaines perceptions et est un moyen de diminuer de l’angoisse et de la
douleur (Bourgeois et al., 2001).
Selon Pank (2013), l’hypnose est de plus en plus utilisée ces dernières
années chez les enfants car il y a nombreuses demandes. Dans son ouvrage,
l’auteur définit des catégories de population d’enfants : 4 à 7 ans (l’enfant est
dans une logique de « bébé ») ; 7 à 12 ans (l’enfant est dans la recherche de
l’expansion de même) ; 13 à 17 ans (l’enfant est dans l’affirmation de
lui-même, il contredit plus souvent les choix de ses parents et valorise son
libre-arbitre). La dernière catégorie est plus rarement cliente pour l’hypnose, car la
méthode est souvent proposée par les parents et souvent les adolescents sont
réticents à leurs propositions. L’auteur décrit que « Jusqu’à ses 6 ans, l’enfant
est en transe hypnotique, il est en connexion perpétuelle avec son
subconscient. Il n’est pas dans une logique de rationnaliser ce qu’il vit ou
perçoit » (Pank, 2013, p.16). La douleur ressentie par son entourage dans
certaines situations peut devenir la souffrance de l’enfant. En effet, comme il
n’est pas rationnel, il ne dissocie pas les douleurs de ses parents des siennes.
Pank (2013) propose une certaine démarche à suivre avant de pratiquer
l’hypnose chez l’enfant. Tout d’abord, une entrevue avec les parents, puis avec
l’enfant seul permet d’effectuer une anamnèse sur ce que le praticien va
chercher à améliorer (parents, fratrie, scolarité, relations amicales, désirs,
vision de son futur, passions et héros). L’enfant est vu seul, car il a lui aussi
une perception de sa situation qui lui est propre.
Ensuite, quelques prétests sont effectués, dans le but de déterminer
la sensibilité à l’hypnose de l’enfant. Ces tests doivent être le plus ludiques
possible, car un enfant se lasse vite. L’un des tests effectués peut être le
suivant : L’enfant va tendre les deux bras devant lui, il imagine un poids très
lourd dans une main (dictionnaire) et un ballon d’hélium dans l’autre. La main
qui tient le poids va devenir lourde et descendre et la seconde va devenir très
légère et s’élever gentiment.
Après cette première étape, il faut trouver un héros pour l’enfant. Il
peut par exemple être issu de dessins animés, et il va devenir une ressource
pour l’enfant, il va l’aider durant sa vie. Ce héros va aussi être une protection
de l’abandon. Le héros sera le personnage principal des contes utilisés par le
thérapeute dans lequel l’enfant se projette et vit l’histoire contée.
La durée des séances doit être adaptée à l’enfant et le nombre ou la
fréquence de consultations dépendra de son besoin. Les résultats sont souvent
immédiats, mais il faut retourner consulter un praticien pour que l’effet
perdure, sauf lors de Troubles Obsessionnels Compulsifs où l’enfant risque
d’adopter des stratégies compensatoires aux TOCs.
Dans le document
Présentation d'une méthode innovante dans la gestion de la douleur en pédiatrie
(Page 34-41)