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Les jeunes sont-ils écologiquement responsables ?

CHAPITRE 1 – ETRE JEUNE : UN TEMPS, UN MODE DE VIE PLEINEMENT ASSUMES

3. LA POLITIQUE AUTREMENT : LES NOUVEAUX RAPPORTS DES JEUNES A LA POLITIQUE ( JORG MULLER )

3.4. Les jeunes sont-ils écologiquement responsables ?

Nous avons analysé jusqu’à présent des domaines où le comportement des jeunes se distingue traditionnellement de celui du reste de la population par son caractère plus libéral. Or, qu’en est-il du domaine de l’environnement où ils sont historiquement en retrait par rapport aux 30 ans et plus ?

Interrogés sur les sujets qui les préoccupent le plus, le problème de la dégradation de

l’environnement est cité par 24% des 18-29 ans contre 18% des 30 ans et plus. La

sensibilité pour l’environnement semble donc plus marquée chez les jeunes que chez leurs aînés. Cependant, cette sensibilité plus élevée peine à se traduire en pratique. En ce qui concerne les comportements écologiques et responsables, les jeunes apparaissent « en retard ». A titre d’exemple : en juin 2010, 55% d’entre eux déclarent faire des économies d’eau (contre 69% chez les 30 ans et plus), 36% trient systématiquement les piles, le verre, les emballages et le papier (contre 60% chez leurs aînés) et 21% achètent régulièrement des produits issus de l’agriculture biologique (contre 23% chez les 30 ans et plus). Comment interpréter cette distorsion entre revendications et pratiques écologiques ?

Une recherche récente du CREDOC sur l’environnement montre que le positionnement vis- à-vis de l’environnement est multifactoriel83. Il dépend à la fois de la sensibilité, du degré de connaissance de l’interviewé dans le domaine, de sa propension à accepter de payer pour la protection de l’environnement (taxes, prix plus élevés des produits, etc.), des infrastructures disponibles, etc. C’est dans cette optique qu’il faut lire le comportement des jeunes. Les écarts entre la sensibilité écologique déclarée et les pratiques conduites laissent penser que les variables socio-économiques jouent un rôle décisif. Dans la mesure où les jeunes appartiennent en moyenne à des catégories de la population dont le pouvoir d’achat est moins grand, leur revendication de vouloir protéger l’environnement peine à se traduire en actes.

Au fil du temps, cependant, on note un resserrement des écarts entre les 18-29 ans et leurs aînés. Proportionnellement, les pratiques se nivellent et les jeunes semblent rattraper leur retard.

83Cf. Régis Bigot, Sandra Hoibian, Les Français avancent à grand pas sur la longue route écologique, Cahier de recherche, n° 272, décembre 2010.

EN GUISE DE CONCLUSION : UNE JEUNESSE INDIVIDUALISTE OU EGOISTE ?

En résumé, l’idée reçue selon laquelle les jeunes seraient davantage dépolitisés ne semble pas se confirmer. Ils entretiennent plutôt un rapport différent à la politique, fait notamment de pratiques culturelles nouvelles et d’un surinvestissement d’un certain nombre de valeurs telles que la libéralisation des mœurs, le renouvellement social et l’ouverture au monde. Ce changement de valeurs politiques chez les 18-29 ans s’explique notamment par leur socialisation dans une époque qui est bien différente de celles qu’ont vécues les générations précédentes. Les jeunes traduisent en partie par leur comportement ce qu’ils ont appris pendant leur enfance : une plus grande sensibilité vis- à-vis de l’environnement par exemple, mais aussi la valorisation de l’individualité aux dépens de l’esprit collectif de la famille de l’après-guerre ou une prise de distance vis-à-vis des institutions politiques et sociales traditionnelles. Les attitudes des jeunes indiquent le sens dans lequel la société est en train de se développer : les idéologies se dissipent, les pistes d’identification politique conventionnelles se dissimulent derrière des pratiques culturelles protéiformes. En somme, on est face à une génération libérale en matière de mœurs, mais attentive à la nécessité de la régulation sociale en termes d’injustice générée par les inégalités économiques. Il est vrai que l’extraction des jeunes de leur carcan familial les confronte à des exigences de compétitivité sociale qui ne sont pas toujours compatibles avec des valeurs telles que « la solidarité » ou « la cohésion sociale ». D’un autre côté, il n’est pas sûr que cette tendance se traduise forcément par la formation d’une société qui serait complètement indifférente à l’égard du sort d’autrui.

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