II. Rôle du burst oxydatif dans la réponse cellulaire
II.3 Les peroxydases
II.3.3 Les haloperoxydases chez les algues
D’autres organismes possèdent également des peroxydases impliquées dans la production de composés toxiques lors de la lutte contre l’agent infectieux. Les macroalgues marines ont ainsi mis à profit leur environnement et les teneurs élevées en halogènes du milieu marin (140 mM Cl-, 0,84 µM Br-, 0,47 nM I-) pour développer des activités haloperoxydases conduisant à la production de composés halogénés volatils toxiques. Dans le cas des algues se sont des haloperoxydases à vanadate (Figure 9).
Figure 9 : Structure dimérique de la bromoperoxydase de l’algue rouge Corallina
officilanis (CoBPO)
Les deux monomères sont représentés en rouge et vert. L’ion magnésium et le phosphate inorganique sont représentés en jaune et rouge respectivement (d’après Isupov et coll., 2000).
II.3.3.1 Les composés halogénés
Le fluor, le chlore, le brome, l’iode, forment le groupe des halogènes
communément rencontrés dans le milieu naturel. Ils entrent dans la composition des composés inorganiques ou organiques halogénés. Dans le cas des composés inorganiques, le fluor est l’élément le plus rencontré, essentiellement dans la croûte terrestre. Le chlore est majoritairement retrouvé dans les océans sous forme de chlorure NaCl. Le brome et l’iode sont présents à de plus faibles quantités, essentiellement dans l’océan sous forme d’ions. La plupart des composés organiques halogénés contiennent du chlore. Ils sont formés à partir des halogènes inorganiques, soit par des processus abiotiques (feux de forêts, éruptions volcaniques), soit par divers organismes vivants (bactéries, champignons, algues, etc.), d’autres composés ont une origine anthropique (la majorité des métabolites chlorés et fluorés). Les métabolites bromés et iodés qui prédominent dans l’environnement
marin ont majoritairement des sources naturelles de production. Enfin les composés halogénés constitués d’un à trois carbones peuvent être volatils : ce sont les composés halogénés volatils ou VOHC (Volatile Halogenated Organic Compounds). Dans le cycle biogéochimique de production des halogènes, les algues constituent un compartiment d’importance pour la production naturelle de VOHC, réémis ensuite vers l’atmosphère
(Colin, 2004).
II.3.3.2 Les haloperoxydases
Les haloperoxydases (HPO) présentes chez la plupart des règnes du vivant, sont
impliquées dans l’halogénation d’un nombre important de composés organiques. Elles
sont capables, en présence de peroxyde d’hydrogène, d’oxyder les halogénures (X
-pour Cl-, Br- ou I-), et éventuellement de produire des composés organiques halogénés. H2O2 + X- + H+ Æ HOX + H2O
RH + HOX Æ RX + H2O
H2O2 + RH + X- + H+ Æ RX + 2H2O
L’acide hypohalogéneux HOX peut également être réduit par un second peroxyde d’hydrogène pour conduire à la formation de l’halogénure :
HOX + H2O2 Æ X- + O2 + H2O + H+
Les haloperoxydases sont nommées suivant l’halogénure le plus électronégatif qu’elles sont capables d’oxyder : une chloroperoxydase (CPO) oxyde le chlorure, le
bromure et l’iodure, une bromoperoxydase (BPO) oxyde le bromure et l’iodure, tandis
qu’une iodoperoxydase (IPO) oxyde spécifiquement l’iodure. Un très grand nombre
d’activités CPO, BPO et IPO ont pu être mises en évidence chez des bactéries, des lichens, des champignons, des algues marines, des invertébrés marins, et des animaux terrestres
(Colin, 2004). Les haloperoxydases ne présentant aucun groupement prosthétique sont présentes chez de nombreuses bactéries. Les organismes terrestres possèdent essentiellement des haloperoxydases à hème (cas des myéloperoxydases chez les mammifères). Les activités haloperoxydases utilisant le vanadate VO43- comme
HPO HPO
soient des bromoperoxydases, soient des iodoperoxydases. La première activité vBPO a été caractérisée chez l’algue brune Ascophyllum nodosum, depuis de nombreuses activités vBPO ont été identifiées chez les algues vertes, les algues brunes et les algues rouges. Les haloperoxydases de l’algue brune Laminaria digitata et de l’algue rouge Chondrus crispus, font l’objet d’études plus approfondies au niveau moléculaire et biochimique, au sein du laboratoire, par l’équipe « Biochimie des défense des algues » dirigée par Philippe Potin.
II.3.3.3 Rôles biologiques des vHPO Absorption d’halogénures
La majorité des macroalgues a la capacité de concentrer soit le brome soit l’iode. En particulier les algues brunes appartenant à l’ordre des Laminariales représentent
le plus grand réservoir d’iode parmi les organismes vivants. Ces algues ont d’ailleurs été longtemps exploitées comme source d’iode. L’absorption des halogénures ferait intervenir des processus de diffusion facilitée, mettant en jeu des enzymes extracellulaires de type haloperoxydases (Colin, 2004).
Détoxication du peroxyde d’hydrogène
De la même façon que chez les mammifères ou les plantes supérieures, lorsque les algues marines sont soumises à des stress biotiques ou abiotiques, elles génèrent des quantités massives de formes actives de l’oxygène. Si elles possèdent des systèmes anti-oxydants similaires à ceux rencontrés chez les mammifères ou les plantes supérieures (molécules anti-oxydantes telles que le glutathion, l’acide ascorbique, ou enzymes à activité anti-oxydante telles que les superoxyde dismutases, les catalases), les haloperoxydases pourraient également avoir un rôle dans la détoxification du peroxyde d’hydrogène, tout en produisant des VHOC.
Production de composés halogénés toxiques
Chez les algues marines la production de composés halogénés, et en particulier de composés halogénés volatils (bromoforme, chloroforme, bromométhane, etc.) semblent faire partie des stratégies mises en place par l’algue pour se protéger contre les épiphytes, ou faire face à l’attaque de pathogènes. Ces composés ont des propriétés antimicrobiennes et agissent également contre les herbivores. Chez l’algue brune Laminaria digitata, l’application de fragments de sa propre paroi, les oligoalginates, mime l’attaque d’un pathogène et provoque l’émission d’un burst oxydatif. Un efflux d’iodures est simultané au burst oxydatif et est suivi par une augmentation de l’émission de composés organiques volatils iodés (Kupper et coll., 2001). L’élicitation par des oligoagars de l’algue rouge
Gracilaria conferta provoque une émission massive de peroxyde d’hydrogène, précédant
la stimulation immédiate d’une activité haloperoxydase. Chez l’algue rouge Chondrus
crispus des extraits acellulaires de son algue verte endophyte A. operculata induit la
génération d’un burst oxydatif suivi par l’émission de VOHC potentiellement toxiques pour l’endophyte (Bouarab, 2000).