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Chapitre IV -Résultats et discussion

II. Identification moléculaire d’enzymes du stress oxydatif et de la défense chez

II.6 Bilan de l’identification moléculaire de gènes de défense chez C. crispus

L’analyse des banques EST de C. crispus a permis de mettre en évidence un certain nombre de gènes sur-exprimés chez le protoplaste, et potentiellement impliqués dans des réponses liées au stress et à la défense chez l’algue rouge. La Figure 44 replace dans son contexte cellulaire l’ensemble des gènes étudiés au cours de ce manuscrit : enzymes du stress oxydatif et impliquées dans la production de composés toxiques (NADPH oxydase Ccrboh ; bromoperoxydases CcBPO1, CcBPO2 ; myéloperoxydases CcMPO1, CcMPO2, CcMPO3), enzymes à activité antioxydantes (peroxiredoxines CcPrx1, CcPrx2), enzymes impliquées dans la biotransformation de composés toxiques et dans des métabolismes endogènes potentiels (cytochromes P450 CcCYPt1, CcCYPt2, CcCYPp1 ; glutathion S-transférases CcGST1, CcGST2, CcGST7).

Parmi ces gènes plusieurs d’entre eux codent des enzymes liées à la production de FAO ou de molécules toxiques pour un pathogène potentiel. La NADPH oxydase (Ccrboh) a ainsi été retrouvée dans les banques, mais très faiblement exprimée puisque représentée par un unique transcrit. Deux gènes de bromoperoxydases dépendantes du vanadate (CcBPO1, CcBPO2) et typiques des organismes marins ont également été isolés. De façon plus remarquable, plusieurs transcrits de myéloperoxydases ont été retrouvés chez l’algue, dont trois d’entre eux (CcMPO1, CcMPO2, CcMPO3) sont fortement représentés dans les deux banques d’EST. Ces enzymes sont habituellement rencontrées chez les neutrophiles de mammifères et elles pourraient également être impliquées dans la production de composés halogénés toxiques, au même titre que les haloperoxydases dépendantes du vanadate (vHPO). Les transcrits des MPO sont par ailleurs mieux représentés dans les banques par rapport aux vHPO, il n’est donc pas exclu qu’elles jouent un rôle prépondérant dans cette production.

L’expression d’un gène de peroxiredoxine (CcPrx1), enzyme à activité anti-oxydante, a été étudiée au cours d’un traitement par le méthyle jasmonate. Si son expression semble légèrement plus importante au cours de l’élicitation, elle est déjà conséquente dans l’algue témoin, et l’induction du gène est sans doute davantage le produit d’une réaction à un stress oxydatif global plutôt qu’au traitement lui-même.

Plusieurs gènes potentiellement impliqués dans la détoxication de produits xénobiotiques et/ou dans un métabolisme endogène de dérivés lipidiques ont également été isolés. L’expression de deux cytochromes P450 a été étudiée au cours du traitement par le méthyle jasmonate. Si la première isoforme présente dans la banque EST de thalles (CcCYPt1) est globalement plus fortement exprimée que celle retrouvée dans la banque EST de protoplastes (CcCYPp1), l’analyse par Northern blotting ne permet pas de faire ressortir un profil particulier de ces deux gènes suite au traitement. En revanche les trois transcrits de glutathion S-transférases (CcGST1, CcGST2, CcGST7), qui font partie des gènes les plus moyennement a fortement exprimés chez le protoplaste, voient leur expression augmentée au cours du traitement par le méthyle jasmonate. Ces enzymes qui sont classiquement impliquées dans la détoxication de composés xénobiotiques électrophiles, peuvent posséder dans certains cas des rôles dans le métabolisme endogène de dérivés d’acides gras (activité peroxydase, activité d’isomérisation de prostaglandines). Les deux premiers clusters sont déjà assez fortement exprimés dans l’algue à l’état constitutif (respectivement CcGST2 puis CcGST1) mais le traitement par le méthyle jasmonate à un effet très marqué sur leur expression. L’activation de ces gènes par le méthyle jasmonate pourrait avoir un effet protecteur soit directement en induisant l’expression de ces enzymes, soit par la génération de molécules actives par les enzymes nouvellement traduites.

Les glutathion S-transférases semblent être une cible de choix pour appréhender au niveau moléculaire les réponses au stress et à la défense chez C. crispus. En effet elles font partie des enzymes dont les gènes sont les plus moyennement à fortement exprimés chez le protoplaste, qui doit faire face à une situation extrême de stress. Ils sont également fortement induits au cours d’un traitement par le méthyle jasmonate, connu pour stimuler des réactions de défense chez l’algue et la mise en place chez le sporophyte d’une résistance à l’infection par le pathogène A. operculata. D’autres oxylipines en C18 (13-HpODE) et C20 (12-HpETE) sont capables d’induire cette protection (Bouarab, 2000). Le méthyle jasmonate stimule également chez l’algue la synthèse d’oxylipines variées, majoritairement en C18 via une voie de type 13-lipoxygénase. Par ailleurs il a été montré

in vitro que C. crispus était capable de synthétiser du méthyle jasmonate, démontrant que cette molécule à certainement un rôle endogène dans des processus métaboliques qui restent à déterminer (Gaquerel, 2005). Les glutathion S-transférases pourraient avoir

un rôle dans le catabolisme ou la biosynthèse des oxylipines chez C. crispus, avec un rôle plus général dans les réponses de défense et de protection.

Outre leur rôle potentiel dans la défense chez C. crispus, les séquences de GST isolées présentent des traits remarquables qui ne permettent pas de les affilier de façon certaine à une seule des nombreuses classes déjà identifiées. Elles pourraient être les

premiers représentants isolés de nouvelles classes de GST qui restent à caractériser.

Parmi les trois gènes identifiés, deux d’entre eux partagent des similitudes plus fortes avec des GST de la classe sigma rencontrée chez les mammifères. Les membres de cette classe possèdent une activité prostaglandine synthase caractéristique. Certaines isoformes sont ainsi capables de catalyser la réaction d’isomérisation de la prostaglandine H2 en prostaglandine D2 (Shimizu et coll., 1979 ; Thomson et coll., 1998 ; Jowsey et coll., 2001). Un rôle des glutathion S-transférases dans le métabolisme de ces molécules n’est pas exclu chez C. crispus, d’autant plus que divers types de prostaglandines ont été isolés chez cet organisme. Des prostaglandines B1 et B2 sont synthétisées par l’algue élicitée par des extraits du pathogène A. operculata (Bouarab et coll., 2004). Des prostaglandines de type

A2 et E2 sont synthétisées par l’algue au cours d’un traitement par le méthyle jasmonate. Les GST dont la transcription est induite par ce traitement pourraient avoir un rôle à jouer dans la synthèse de ces métabolites, d’autant plus que des

inhibiteurs des voies classiques des prostaglandines par les cyclooxygénases chez les mammifères ne bloquent pas la synthèse de ces composés chez l’algue (Emmanuel Gaquerel, communication personnelle). Un tel résultat, même s’il reste à confirmer, suggère l’implication d’enzymes en marge des voies habituellement rencontrées dans la biosynthèse des prostaglandines chez C. crispus. Le rôle des GST dans le métabolisme des prostaglandines chez l’algue rouge est à explorer.

Au-delà d’un rôle potentiel dans le métabolisme endogène d’acides gras, il est très probable que les GST de C. crispus, tout comme l’ensemble des enzymes de cette famille, soient également impliquées dans la détoxication de produits xénobiotiques. Elles

constituent pour cela des marqueurs moléculaires potentiels de choix dans la réponse à des stress abiotiques. Le comportement de ces gènes au cours de tels stress devra être

Je me suis plus particulièrement attachée dans la suite de mon travail à l’analyse des gènes de GST chez C. crispus, de leur comportement au cours de divers stress abiotiques incluant des traitements par des dérivés lipidiques, des métaux lourds et des pesticides, ainsi qu’a la caractérisation de leurs enzymes associées, et plus particulièrement CcGST2. Il s’agissait d’une part d’avoir une meilleure connaissance de ces enzymes au niveau du génome, d’analyser leurs positions phylogénétiques au sein de la famille des GST afin d’étayer notre hypothèse d’appartenance à de nouvelles classes d’isoformes. D’autre part il s’agissait également d’appréhender le rôle global de ces enzymes dans la défense chez l’algue, en élucidant, à partir du comportement des gènes et des caractéristiques propres à l’enzyme, à la fois leur rôle dans le métabolisme endogène de composés actifs, ainsi que dans celui de la détoxication de composés xénobiotiques potentiellement toxiques.