• Aucun résultat trouvé

Résumé du chapitre 1

CHAPITRE 2. L’ AGRICULTURE URBAINE ET PERIURBAINE EN

2.2. Les formes d’agriculture urbaine et périurbaine en Afrique

L’agriculture urbaine et périurbaine prend des formes très variées, tant du point de vue des cultures, des techniques, du professionnalisme des producteurs, que des droits fonciers,… Cependant, on retrouve quelques systèmes dominants (on peut supposer qu’ils sont particulièrement efficaces puisqu’on les retrouve fréquemment). Dans cette partie nous allons décrire ces quelques systèmes de production observés à travers le monde et particulièrement dans le Sud et caractéristiques des agricultures périurbaines et urbaines.

2.2.1. Les systèmes maraîchers : l’exemple de Dakar

Le maraîchage est l’activité la plus innovante de l’agriculture urbaine et périurbaine. Il permet d’obtenir un revenu élevé sur de très petites surfaces et répond bien à la demande alimentaire des urbains. Cependant, il se heurte généralement à un problème sanitaire : les produits ne sont pas consommables sans risques à cause de l’utilisation d’eaux contaminées pour l’irrigation. Dans beaucoup de cas, une production vivrière de subsistance est associée au maraîchage, soit que l’espace soit divisé entre ces deux activités, soit qu’une même parcelle soit utilisée différemment en fonction de la saison, les cultures sont alors en rotation.

Ainsi, à Dakar, la production maraîchère est regroupée dans les “niayes”, des dépressions situées entre les dunes de sable et plus ou moins inondées lors de la saison des pluies. Les productions sont diversifiées (fruits, fleurs, élevage…) mais les productions maraîchères constituent une filière importante et placent la région de Dakar parmi les premières régions de production de légumes au Sénégal [Mbaye 1999]. La production est presque entièrement destinée au marché local. Le maraîchage est pratiqué principalement en saison sèche, lorsque les prix sont élevés et qu’il est possible de contrôler l’humidité par l’irrigation [De Bon 2006]. L’irrigation occupe une grande part du temps de travail. Les

problèmes de parasites, de nématodes, et de champignons sont nombreux, particulièrement en saison humide. Un autre problème est la rareté de l’eau et les producteurs utilisent souvent les eaux usées. Des systèmes existent pour utiliser le moins d’eau possible (système de goutte à goutte, culture hydroponique avec recyclage de l’eau, irrigation par capillarité), mais les producteurs ne s’approprient pas ces nouvelles techniques, trop coûteuses dans un contexte de forte précarité foncière [De Bon 2006]. D’autres solutions sont envisageables : le traitement des eaux usées ou la non-application directe sur les produits. Enfin, l’eau tend à se saliniser avec la surexploitation des nappes [Mbaye 1999].Les terres cultivées n’appartiennent pas aux producteurs, qui les louent à des communautés rurales ou à des privés. Les contrats de location sont de courtes durées et les surfaces agricoles varient énormément d’une année sur l’autre, en fonction des possibilités de location [Mbaye 1999].

La concurrence entre l’usage agricole des terres et la construction d’un bâti est très forte, elle met en péril l’avenir de cette agriculture. Le principal facteur limitant actuellement est la qualité de l’eau [De Bon 2006]. Malgré les fonctions d’aménagement urbain et d’approvisionnement alimentaire, les surfaces agricoles diminuent de manière irréversible. Les changements démographiques sont très rapides et provoquent des ruptures dans l’évolution des systèmes agricoles [Mbaye 1999].

2.2.2. Les systèmes d’élevage : l’exemple de Korhogo

L’avantage de l’élevage de volailles et de petit bétail est qu’il peut se pratiquer sur des très petites surfaces, surtout dans les productions hors-sol et qu’il permet d’obtenir une haute valeur ajoutée. Il nécessite en revanche beaucoup de travail. C’est donc une production particulièrement adaptée au contexte périurbain. Le problème est que les restrictions sur l’élevage intra-urbain sont assez strictes, à cause des nuisances (bruits, odeurs) qu’il occasionne.

La Côte d’Ivoire est traditionnellement un importateur de viande et l’élevage commercial est une activité marginale et peu développée. Dans la plupart des cas, les animaux sont gérés au niveau du village et sont gardés par des pasteurs qui récupèrent les produits (le lait). Les animaux servent d’épargne, ils ne sont pas intégrés aux systèmes de culture, par exemple par l’utilisation du fumier [Barry 2005]. L’urbanisation a provoqué une augmentation de la demande en viande a augmenté et l’élevage est un des éléments les plus importants de l’agriculture urbaine et périurbaine [Barry 2005].

A Korhogo, une des plus grandes villes de Côte d’Ivoire, située dans le nord du pays, les agriculteurs adoptent peu à peu l’élevage de petits ruminants dans un but économique et l’intègrent dans leurs systèmes de culture. Les plus prompts à adopter cette innovation sont les personnes qui ont déjà une expérience dans l’élevage, souvent des étrangers qui pratiquaient déjà l’élevage avant leur migration. Les femmes également ont plus d’inclination pour l’élevage, peut-être parce que c’est une activité qui peut se pratiquer en dépit des restrictions foncières qui leur sont imposées [Barry 2005].

2.2.3. Les systèmes vivriers : la riziculture dans la périphérie d’Antananarivo

Les cultures vivrières sont très peu évoquées dans la littérature sur l’agriculture urbaine et périurbaine en Afrique. Elles concernent la production de céréales (maïs), de tubercules (manioc, taro, igname) et de plantain. Nous nous intéresserons ici aux cultures vivrières destinées au marché, cultivées sur des surfaces importantes, ce qui les différencie du jardinage.

A Antananarivo, les systèmes de production sont diversifiés. On trouve du maraîchage, de la riziculture et de l’élevage. Le riz domine dans les plaines inondables et les bas-fonds. Une caractéristique de ces systèmes de production est le faible emploi d’intrants, particulièrement pour le riz. Environ 14 % du riz consommé dans la ville provient des zones urbaines, périurbaines et rurales proches. La production locale est la troisième source d’approvisionnement en riz [Aubry 2005] : le riz périurbain complète les autres sources d’approvisionnement, notamment en période de soudure et contribue à diminuer les importations de riz. Les rizières ancestrales sont aussi conservées pour leur valeur patrimoniale. Cette riziculture a donc des fonctions environnementales, économiques et sociales.

2.2.4. L’horticulture ornementale

L’horticulture intra-urbaine concerne en général des plantes ornementales et des pépinières d’arbres fruitiers à planter en jardin. Le système est très simple et mobile : les plantes sont en terre dans des sacs en plastique et le producteur se met à proximité d’une source d’eau (cours d’eau ou approvisionnement urbain). Ce type de culture est très intensif en intrants. Les producteurs s’installent généralement dans des quartiers aisés pour profiter du passage de la clientèle puisque la vente se fait sur le lieu même de la production. Le système est totalement hors-sol et on ne peut pas vraiment parler d’agriculture ici (la question de la

définition de l’activité agricole urbaine comme agriculture se pose souvent mais elle est ici flagrante).

2.2.5. Le jardinage

Le jardinage est une activité répandue dans certaines villes. A Yaoundé, on passe progressivement du jardin de case en périphérie urbaine (le jardin de case est une petite parcelle située à proximité de la maison et qui bénéficient d’un fort apport en intrants, grâce à l’utilisation des déchets domestiques) au jardin dans sa définition occidentale en ville. Cette activité n’est pas commerciale, les produits du jardinage servent à l’alimentation de la famille et le jardinage peut être perçu comme une activité d’agrément, voire honorable. On peut trouver toutes sortes de cultures associées sur ces minuscules parcelles : manioc, plantain, maïs, arbres fruitiers, légumes de toutes sortes. Les caractéristiques du jardinage par rapport au maraîchage ou aux cultures vivrières décrites précédemment sont la taille -le jardin est petit-, la localisation -le jardin est en général situé à côté de l’habitation- et la destination de la production qui est entièrement autoconsommée.

2.2.6. Agroforesterie et plantations fruitières

Dans les villages périurbains, on trouve des cultures vivrières, des cultures de rente traditionnelles comme le cacao, le palmier, le café, l’arachide, et des nouvelles cultures de rente valorisant la proximité de la ville, comme des productions fruitières. Ces cultures peuvent être intégrées dans un système agroforestier, ou cultivées seules de manière intensive. Dans les villages périurbains autour de Yaoundé au Cameroun, plusieurs études [Kuate 2008; Temple 2008] montrent une diversité des activités : cacao, vivriers, maraîchage, fruitiers (avec une prédominance du manguier et de l’avocatier). Presque toutes les parcelles de cacao contiennent des fruitiers divers [Kuate 2008]. Les fruitiers nécessitent beaucoup de travail (ils représentent le deuxième poste en temps de travail après le vivrier mais il s’agit surtout de travail saisonnier qui nécessite parfois une main d’œuvre salariée) et rapportent un bon revenu à la famille. De fait, les agriculteurs souhaitent augmenter leur surface en fruitiers. Cette tendance est plus forte dans les villages périurbains éloignés où la pression foncière est moins élevée. Un exemple d’intensification des systèmes par l’introduction de fruitiers est la clémentine d’Obala [Temple 2008]. Le plantain est également fréquemment inséré dans les cacaoyères, cultivé en culture pure, ou présent dans les parcelles de vivriers [Temple 2008]. Le marché des vivriers se développe avec la présence de la ville, les producteurs essayant de tirer un revenu de ce type de production, en même temps qu‘ils la diversifient.

L’agriculture urbaine et périurbaine est donc diversifiée et chaque situation agricole porte des enjeux différents. Ces agricultures ont des fonctions variées, elles répondent à des besoins différents, que ce soient des agriculteurs, des consommateurs, ou des urbains.