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Résumé du chapitre 5

CHAPITRE 6. L’ AGRICULTURE URBAINE ET PERIURBAINE DANS LA VILLELA VILLE

6.1. Yaoundé ou la ville dans la forêt

6.1.7. Le rôle des acteurs institutionnels à Yaoundé

6.1.7.1. Le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain de Yaoundé et l’agriculture urbaine et périurbaine

Le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU) de Yaoundé concerne le développement de la ville de Yaoundé. Un premier avait été effectué en 1982, à l’horizon 2002, et l’actuel date de 2000 à l’horizon 202013.

En 1982, le plan de développement de la ville montre que les reliefs du nord-ouest de la ville sont protégés ainsi qu’un parc dans le nord, aux alentours du palais présidentiel. En effet, il est interdit de construire à ses abords. Le même plan prévoit pour 2000 de préserver le parc et les hauts reliefs. S’y ajoute une « barrière verte » de limite de l’urbanisation qui coïncide quasiment partout avec une zone maraîchère et rurale. La création d’un parc zoologique dans les zones de relief à l’ouest de la ville est prévue, ainsi que des jardins publics et des espaces verts de quartier. Ce texte prévoit l'aménagement des bas-fonds et le déguerpissement de l'habitat spontané avec la délivrance de titres fonciers censés se substituer au droit traditionnel partout où c’est faisable. Dans les faits, les textes ne sont pas appliqués, les bas-fonds ne sont pas clairement délimités et la population est déjà installée. Les diverses actions de déguerpissement ont visé plutôt à une répression absurde pour «montrer l'exemple» [Marquis 2005].

En 2002, un nouveau plan est mis en place pour 2020. Il se découpe en plusieurs projets de ville pour chaque quinquennat : 2010, 2015 et 202014. Le SDAU de 2020 prend en compte l’expansion urbaine en laissant de larges espaces de réserves foncières à l’intérieur de la ville. Deux zones agricoles sont prévues : la pointe sud de Yaoundé qui est assez éloignée des frontières fonctionnelles de l’urbanisation et le village de Nkolondom, situé dans les collines du Nord-Ouest. Ce village est un village-modèle pour le développement du maraîchage urbain. Outre son succès en termes d’innovations techniques et de revenus agricoles, le village a été maintes fois étudié par les chercheurs et utilisé comme champ d’expérimentation [Elong 2008; Kuate 2008; Marquis 2005; Nguegang 2008a; Nguegang 2008b; Sotamenou 2005].

Le SDAU ne fait qu’une mention très succincte de l’agriculture urbaine. Il évoque des franges rurales et la préservation de l’activité agricole au sein de la réserve forestière, ainsi

13 Le SDAU a été réalisé par AUGEA International, IRIS Conseil et ARCAUPLAN pour la CUY et financé par le MINDUH.

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qu’à l’ouest de la ville un renforcement des activités du centre agronomique. Il s’étend par contre sur des promenades, espaces verts, coulées vertes, parcs urbains, qui ont de fortes chances d’être cultivés à moins qu’une dépense importante ne soit faite pour entretenir la végétation et faire la chasse au squat. Lors de la consultation pour l’attribution d’une concession sur un terrain, la commission vérifie que l’utilisation de la parcelle est conforme au SDAU15, c’est donc un outil pour orienter l’utilisation du sol comme prévu dans le Plan.

Photo 13: Un espace vert à Yaoundé

Dauvergne, 2011

6.1.7.2. L’attitude des pouvoirs publics quant à l’agriculture urbaine et périurbaine à Yaoundé

Deux zones à l’intérieur du territoire de Yaoundé sont prévues pour l’agriculture : le nord-ouest qui présente de hauts reliefs et le sud de la ville où il y a encore de la place. Les acteurs rencontrés à la CUY reconnaissent une certaine légitimité à l’agriculture urbaine et périurbaine mais elle n’est pas prise en compte dans les politiques publiques16. Si on met souvent en avant le manque d’enthousiasme des administrations vis-à-vis de l’agriculture, celui qui met en culture une terre a encore certains droits dessus. Une tolérance relative (et

15 Entretien avec J.P. Panga, service technique du cadastre

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peut-être aussi le manque de moyens de la CUY pour assurer tous les déguerpissements) permet à l’agriculture urbaine d’exister.

Le délégué du gouvernement à la CUY M. Tsimi Evouna, nommé en 2005, réputé pour sa rigueur, est connu pour les nombreux déguerpissements qui ont eu lieu au niveau des bas-fonds. Au début de son mandat, il était opposé à la présence de l’agriculture en ville, justement dans les bas-fonds. Mais son attitude est aujourd’hui plus tolérante : sa principale préoccupation consiste dans les constructions spontanées qui fleurissent dans les bas-fonds et l’agriculture est une alternative à ces constructions. La mission première du délégué est de transformer Yaoundé en véritable métropole.

En somme, tant que l’agriculture ne gêne pas d’autres activités, elle est tolérée par les autorités17, car elle offre de multiples avantages : entretien de terres en friche, assainissement de zones humides, alternative aux constructions illégales… La marge de manœuvre est suffisante pour des cultures à cycle court comme le maraîchage. La population accepte complètement ces pratiques agricoles car elles répondent à une nécessité économique18. En revanche, le problème sanitaire (utilisation d’eaux non traitées, pollution du milieu) grève l’avenir du maraîchage urbain, une alternative pouvant éventuellement être des cultures non alimentaires telles que le rafia ou le bambou16 mais ces cultures sont pour l’instant absentes. Dans les zones périurbaines, l’agriculture reste l’activité économique principale mais est menacée par l’expansion urbaine. La pression foncière a un double effet, celui de détruire les systèmes de production et de favoriser l’émergence de nouveaux systèmes tournés vers le marché urbain. La politique de la ville prévoit de garder Yaoundé à l’intérieur de limites déjà définies (assez réalistes), ce qui devrait permettre de préserver l’agriculture périurbaine.

6.1.7.3. Les acteurs de l’agriculture urbaine et périurbaine à Yaoundé

Nous avons divisé les acteurs qui influent sur l’agriculture urbaine et périurbaine en trois catégories : les acteurs directs, les acteurs institutionnels, et les autres (Figure 21). Les acteurs directs sont d’abord les producteurs agricoles, qui ont des statuts très variables par l’âge, le genre, l’appartenance ethnique, l’origine, l’histoire, la formation et leur place hiérarchique dans leur groupe d’appartenance (famille, clan, ethnie). Il existe très peu d'organisations de producteurs et lorsqu'elles existent elles ont peu de pouvoirs.

17 Entretien à la CUY avec le directeur chargé de l’application du SDAU

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Autour des producteurs, on trouve ceux qui ont des droits sur la terre, il s’agit des autochtones ayant des droits coutumiers (qui peuvent également être producteurs) et qui louent leur terres pour l’activité agricole, et des propriétaires légaux, c’est-à-dire qui ont immatriculé leur terre en fonction de la loi en vigueur, et qui peuvent également cultiver ou faire cultiver par des systèmes de location en attendant de construire. Une fois que la terre est immatriculée et ainsi dotée d’un propriétaire unique et incontestable, il est sûr qu’elle sera ensuite construite, l’activité agricole n’étant qu’une activité de transition permettant de garder l’emprise foncière. Enfin, les commerçants sont des acteurs directs au contact des agriculteurs, ils viennent souvent sur les parcelles urbaines pour acheter des produits, et ils sont le relai d’une information primordiale dans le choix des cultures : leur prix.

Ensuite, on trouve les acteurs institutionnels qui ont une influence sur l’agriculture urbaine et périurbaine : le Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat qui a participé activement au Schéma d’Aménagement Urbain de Yaoundé [Communauté Urbaine de Yaoundé 2008a], et la Communauté Urbaine, qui est chargée de l’appliquer. La CUY est dirigé par le délégué du gouvernement (le pouvoir reste donc centralisé) qui mène une politique d’assainissement de la ville, notamment en déguerpissant les habitations illégales, dans les bas-fonds, sur les bords de route. L’agriculture urbaine a été réprimée par la CUY mais depuis peu, elle est davantage tolérée : elle est davantage reconnue et surtout l’activité agricole dans les bas-fonds est moins dangereuse et est plus facile à déguerpir que les constructions. Le délégué se concentre donc sur les constructions spontanées19.

Le Ministère de l’Agriculture est un organisme qui intervient peu, un délégué du Ministère est présent dans chaque département, ils existent à Yaoundé mais ont peu d’influence. Le Ministère des Affaires foncières, enfin, possèdent également des services départementaux et régionaux qui interviennent dans la gestion foncière comme nous le verrons plus tard. Aucune autorité n'est véritablement chargée de l'agriculture urbaine qui dépend d'un grand nombre de services étatiques ou municipaux. Le manque de concertation entre les acteurs et les services censés les aider, et entre les collectivités locales [Hatcheu 2008] ralentit tout processus de reconnaissance ou d’assistance à l’agriculture urbaine et périurbaine.

Enfin, nous avons identifié deux autres types d’acteurs : la recherche et la société civile. Pour la recherche, de nombreux chercheurs du CIRAD, de l’IRAD, ou d’autres

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instituts travaillent dans diverses disciplines sur cette agriculture de Yaoundé20. Nous citerons également deux organes de la société civile : le COSADER (Collectif pour la Sécurité Alimentaire et de Développement Rural) est un collectif d’associations qui encourage le développement agricole et la formation des acteurs ; le GADEL (Groupe consultatif pour l'agriculture, l'élevage, l'assainissement et le développement local durable) est une association qui aide des jeunes à se former dans l’horticulture et le maraîchage. La société civile est donc un élément moteur de l’agriculture urbaine et périurbaine.

Figure 21: Les acteurs de l'AUP à Yaoundé

Les habitants et les chefs de quartier/village Services décentralisés Niveau étatique Village ou quartier Département MINDAF