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Résumé du chapitre 5

MINDAF MINDUH

6.2. L’agriculture dans la métropole d’Accra

6.2.1. Evolution des systèmes agricoles dans Accra et sa périphérie

Au XIXème siècle, les paysans de l’arrière-pays d’Accra pratiquaient une agriculture de subsistance en abattis-brûlis. Les friches duraient au moins 10 ans. Les hommes abattaient les arbres en conservant les plus gros ou ceux à valeur économique tandis que les femmes se chargeaient des cultures vivrières. La principale source de revenus était alors l’huile de palme vendue pour l’exportation et cultivée par les hommes. La terre appartenait alors à la

20 Awono Bessa 2008; Bopda 2003; Bopda 2008; David 2008; Dongmo 2008; Efanden 2008; Elong 2008; Endamana 2003; IRAD 2005; Kahane 2005; Kana 2008; Kouemo 2002; Kuate 2008; Lemeilleur 2003; Marquis 2005; Nguegang 2008a; Nguegang 2008b; Parrot 2008a; Parrot 2008b; Parrot 2005; Parrot 2009; Simon 2007; Sotamenou 2005; Sotamenou 2008; Soua 2004; Temple 2008; Temple 2004.

collectivité (village ou lignage) représentée par le chef et les individus n’avaient qu’un droit d’usufruit qui durait le temps d’une saison de production. Tout individuel d’une communauté gagnait le droit d’usufruit sur une parcelle de terres en étant le premier à la mettre en culture. Ce droit reconnaissait le dur travail d’abattage des arbres. Personne ne pouvait s’établir sur cette parcelle tant que le premier individu l’occupait ou tant qu’il pouvait montrer des traces d’occupation. Le droit d’un individu diminuait donc avec le temps de friche et la parcelle tendait alors à revenir au lot commun [Brézillon-Millet 2010].

Le cacao fut introduit dans la région en 1879. La chute des prix à l’export des huiles de palme et de palmistes poussa les agriculteurs à investir dans cette nouvelle culture de rente. Les investissements furent permis par le revenu du caoutchouc dont les prix étaient en hausse à cette époque. De plus, la grande saison de récolte du cacao (de août à décembre) ne se juxtapose pas avec la grande saison de cultures (de mars à juillet). Le cacao fut ainsi introduit comme une cinquième composante au système de cultures qui comprenait déjà manioc, maïs, plantain et taro. Il était planté au début de la saison des pluies en même temps que les cultures vivrières. Celles-ci étaient cultivées pendant les quatre premières années, avant que l’ombre dégagée par les cacaoyers n’empêche leurs productions. Enfin, il fut encouragé par la politique agricole de l’administration coloniale largement tournée vers la promotion des principales cultures d’exportation en demande en Grande-Bretagne, à savoir le cacao et l’huile de palmiste. Pendant la colonisation, les colons produisent des légumes européens et des plantes ornementales en ville mais ils interdisent aussi les productions locales vivrières et maraîchères dans la ville. Les populations locales n'ont pas accès au centre-ville et sont reléguées dans des zones périphériques.

La loi de capitation passée au début du XXème siècle par l’administration britannique obligea une grande partie des petits paysans à se tourner vers les cultures de rente, particulièrement vers celle du cacao, ou à trouver un emploi salarié. L’adoption massive de cette culture entraîna des modifications dans le rapport au foncier. D’une part, la rentabilité de la production cacaoyère donna à la terre une valeur économique. D’autre part, du fait de leurs caractères de plantes pérennes, les cacaoyers vont marquer l’occupation de la terre pour une durée beaucoup plus grande qu’auparavant. Les terres lignagères devinrent ainsi des terres familiales. À cette époque ont eu lieu des migrations de paysans à la recherche de nouvelles terres pour installer des plantations [Brézillon-Millet 2010].

Les années 1930 sont marquées par le déclin de la production cacaoyère dans la région. Les cours du cacao ont commencé à baisser à partir de 1920 du fait de la concurrence

avec d’autres pays producteurs. De plus, le vieillissement des plantations impliqua une diminution des rendements. A la fin des années 1950, le système de production vivrier a fait son retour.

Pendant la deuxième guerre mondiale, le gouvernement colonial encourage le maraîchage car les forces alliées sont stationnées sur la côte et la demande est importante. A la fin de la guerre, le maraîchage persiste comme une activité marginale. La politique concernant l'agriculture urbaine à Accra reste la même après l'Indépendance en 1957 : le maraîchage est admis mais les cultures vivrières et l'élevage sont strictement interdits et les législations dans ce domaine sont durement appliquées. En effet, les cultures sont détruites et les producteurs poursuivis [Asomani-Boateng 2002].

A l’indépendance, les migrations s’accélèrent : les Ghanéens peuvent désormais se déplacer librement dans leur pays. Les régions proches d’Accra sont concernées par des migrations agricoles. Après avoir reçu l’autorisation des autorités locales, les migrants pouvaient cultiver sur la terre de certaines familles, en contrepartie de quoi ils leur fournissaient une partie de la récolte. Le système « abunu » (division par 2) prévalait pour le maïs tandis que le système « abusa » (division par 3 avec 1/3 destiné au propriétaire) était de règle pour le manioc. Une différence importante entre ces deux contrats à part de fruits était la contribution du propriétaire en graines et en capital dans le système abunu alors que sa contribution était strictement limitée à la terre dans le système abusa.

Le gouvernement chercha à diversifier les revenus nationaux de la seule source des exportations cacaoyères par la promotion de cultures d’exportation « non-traditionnelles », comme l’ananas et la banane. Ainsi, les premières exploitations d’ananas à caractère commercial apparaissent les années 1960 et avec elles l’abattis total de la parcelle – plus aucun arbre n’est laissé debout. Parallèlement, l’augmentation de la population a conduit les agriculteurs à réduire le temps de friche à 6 ans. Cependant, l’instabilité politico-économique, couplée à de fréquentes pénuries de nourriture dans les magasins, empêchent ce système de se développer pleinement.

A partir de 1970, un changement d’attitude apparaît du fait de nouvelles conditions : la crise économique, la dévaluation de la monnaie qui fait monter le prix des importations, la crise de la dette et l'arrêt des crédits et des aides de la communauté internationale. Les sécheresses successives font monter les prix des produits agricoles, qui deviennent inabordables à la majorité des ménages urbains. L’agriculture urbaine devient tolérée.

A la fin des années 1970, le Ghana connaît la deuxième phase du déclin de sa production cacaoyère. Le gouvernement investit de grosses sommes d’argent pour renouveler le parc cacaoyer, les prix garantis aux producteurs et les subventions aux intrants sont augmentés. Mais en 1987, le Programme d’Ajustement Structurel met fin à toutes les subventions et prix garantis, sauf pour le cacao. L’élevage particulièrement pâtit de ces décisions. En outre, entre 1979 et 1992, les coups d’Etat s’enchainent, la production agricole diminue, les producteurs se rabattent sur le système vivrier qui leur permet d’assurer leur subsistance.

En 1992, la nouvelle constitution marque l’entrée dans une nouvelle République et dans une période de stabilité politique qui dure encore aujourd’hui. La production d’ananas est relancée et un nouveau système de production émerge : celui du maraîchage. Des agriculteurs viennent s’installer à proximité de la ville et louer des parcelles proches des routes pour profiter de ce nouveau marché.

A la périphérie d’Accra, les changements sont très rapides. Alors qu’il y a dix ans, la zone périphérique d'Accra était rurale, avec un habitat dispersé et une agriculture de subsistance, aujourd'hui des terrains résidentiels fleurissent. Sur les rares terres agricoles qui restent, la durée des friches est extrêmement réduite et aucune alternative n’a été adoptée pour pallier à la réduction de la fertilité des sols. Les producteurs n'ont pas les moyens financiers et techniques d'intensifier leur production tout en préservant la fertilité des sols : l'agriculture devient une activité très peu rentable et les terres agricoles sont abandonnées [Asomani-Boateng 2002 ; Yankson 1999].

L’urbanisation d’Accra, comme dans beaucoup d’autres villes africaines a au moins deux conséquences antagoniques : d’un côté, la présence d'un marché urbain insuffle un vent d'innovation sur les droits fonciers et les systèmes de production, menant à la création d'exploitations agricoles viables; de l’autre, l'agriculture de subsistance n'a pas été remplacée par d'autres formes alternatives d'activité économique [Maxwell 1998]. La ville est un marché avec une demande importante mais c’est également un débouché sur les marchés internationaux pour certains produits exportables (ananas par exemple), elle est donc doublement motrice.

En milieu périurbain, l'agriculture reste certes l'activité principale, mais la conversion des terres se fait à un rythme très rapide, et la population augmente vite. Certains villages ont

pris des mesures pour protéger leur agriculture, en préservant des espaces agricoles, mais cela reste rare.