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Chapitre 2 Recension des écrits

2.5 Les fonctions infirmières

Malgré les nombreuses conséquences de l’expérience du bullying rapportées dans cette recension des écrits, les études qui explicitent les effets du phénomène sur une pratique étroitement liée aux patients sont toutefois limitées, particulièrement en ce qui a trait à la violence verticale. D’ailleurs, comme l’énoncent Einarsen et al. (2011), l’une des raisons du manque d’études sur le sujet s’explique par la difficulté à évaluer la performance et le travail proprement dit des travailleurs. Puisque cette étude s’intéresse à cet élément précis du phénomène de violence verticale chez des infirmières victimes, la recension se doit par conséquent de délimiter les éléments qui renvoient aux fonctions de la population à l’étude.

Des descriptions législatives du rôle et des tâches des infirmières sont fournies par l’OIIQ. L’article 36 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers stipule que l’exercice infirmier « consiste à évaluer l’état de santé, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs » (OIIQ, 2016, p. 3). Dans le cadre de cet exercice, dix-sept activités réservées à la profession infirmière sont décrites par l’OIIQ. Bien que cette description apporte des

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détails sur le travail des infirmières, elle reste fortement restrictive quant à la réalité du terrain de ces professionnelles de la santé, et serait de plus trop prescriptive quant au but de la présente étude.

Dallaire et Dallaire (2008) apportent une perspective plus complète de l’ensemble des activités de l’infirmière. Elles décrivent les fonctions comme « l'ensemble des activités accomplies par les infirmières afin de jouer leur rôle dans le système de santé » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 267). Ces auteures affirment présenter une vision modérée et réaliste des fonctions infirmières qui tient compte des enjeux organisationnels du système de santé.

Dallaire et Dallaire (2008) axent principalement leurs travaux autour de la fonction première des infirmières, c’est-à-dire à la fonction du soin. D’une part, les soins infirmiers généraux regroupent ce qui « permet la vie » (p. 267), ce que les auteures réfèrent au soutien et à la stimulation des besoins fondamentaux de Virginia Henderson. D’après elles, l’évaluation des besoins tels que respirer, manger ou communiquer avec autrui permet d’établir les soins de stimulation et d’entretien de la vie, les soins de confortation, les soins du paraître, de compensation et d’apaisement que nécessite la personne. En prenant pour exemple les soins d’hygiène, Dallaire et Dallaire (2008) définissent un rapport au corps caractérisé par une approche « somologique » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 267), c’est-à-dire une relation qui tient compte de la situation vécue par la personne soignée, et qui suppose une adaptation de l’infirmière à la réalité de celle-ci. Par exemple, l’approche de l’infirmière variera selon la condition physique et mentale de la personne, ses croyances et ses expériences, ou encore l’environnement de soins.

D’autre part, les soins techniques généraux et spécialisés sont synonymes de soins de réparation, et s’effectuent par l’intermédiaire d’instruments, de techniques ou de protocoles (Dallaire & Dallaire, 2008). L’administration de médicaments, l’installation d’une sonde ou la surveillance de la condition du patient sont des exemples de soins techniques. Les auteurs rapportent que ces soins sont prodigués simultanément avec les soins infirmiers généraux.

De plus, soigner exige certaines conditions essentielles. En premier lieu, une vision globale de la personne et écologique de la santé – soit une perspective qui tient compte de l’interaction entre la personne et son environnement – est nécessaire afin de permettre à l’infirmière de porter son attention sur la situation de soin plutôt que de se concentrer sur la tâche à accomplir. En second lieu, du temps est nécessaire pour cette fonction. Ce dernier prend tout son sens par la continuité des soins, comme

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il en est de la surveillance des effets d’un traitement et du processus de guérison. Enfin, le jugement clinique est tout aussi essentiel afin d’établir la nature des soins à prodiguer à travers un processus de réflexion critique, car celui-ci combine le savoir général de l’infirmière et les connaissances acquises auprès de la personne soignée.

La fonction éducative, pour sa part, « consiste à éduquer et à renseigner sur la santé et la maladie » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 283). De façon libre et éclairée, les infirmières aident la personne soignée à faire des choix sains dans un objectif de développement global cette dernière. L’éducation peut par exemple prendre la forme de séances d’apprentissages. Tout comme la fonction du soin, la fonction éducative tient compte de l’environnement et planifie des interventions en vue de modifier cet environnement. En ce sens, les auteurs encouragent les infirmières à intervenir sur le plan sociopolitique pour « remettre en question l’environnement et les choix politiques en matière de santé » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 283), ceci dans le but de favoriser les changements de comportements.

La fonction de coordination fait appel à une capacité des infirmières à recueillir et analyser des renseignements, dans une optique de répartition des différentes facettes de leur travail. D’après Dallaire et Dallaire (2008), les infirmières occupent une place privilégiée dans la coordination clinique, car ce sont elles qui détiennent le plus d’informations sur les besoins des personnes soignées, et ce en plus de leur connaissance des services disponibles dans l’établissement. Ainsi, les infirmières partagent les informations nécessaires aux professionnels qu’elles choisissent selon leur jugement clinique. Autrement, la coordination clinique s’inscrit aussi dans l’organisation des soins et la façon dont ces derniers sont répartis par les infirmières, ou encore la façon dont elles favorisent la circulation des bénéficiaires dans le système de santé.

La coordination clinique se fait simultanément à la coordination fonctionnelle, qui consiste à assurer le bon fonctionnement du système. En effet, les infirmières assurent aussi une utilisation maximale des ressources et des professionnels impliqués dans les soins. Cette fonction suppose également le règlement d’un événement imprévu, tel qu’un médicament absent ou le bris de matériel.

La fonction de collaboration rejoint celle de la coordination, dans le sens où Dallaire et Dallaire (2008) la définissent par une négociation entre l’infirmière et les différents partenaires du milieu de santé afin d’augmenter l’efficacité des services offerts. Cette collaboration est essentielle au bon

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fonctionnement du système de santé et c’est l’infirmière qui y accorde le plus de temps en comparaison avec les autres professionnels.

Enfin, la fonction de supervision est semblable à la collaboration, mais est toutefois teintée d’une disposition légale. Cette fonction est devenue nécessaire devant la structure hiérarchisée du système de santé (Dallaire & Dallaire, 2008). L’infirmière est ainsi responsable des actions posées par certains collègues, c’est-à-dire par les infirmières auxiliaires et des préposés aux bénéficiaires. Cette fonction varie aussi selon les établissements et se définit selon des normes administratives ou financières, plutôt qu’en termes d’exigences de soins.

Le survol des fonctions infirmières nous renseigne sur ce que devrait être le rapport entre les infirmières et la personne soignée. Nous avons également rapporté ce que devrait être un environnement propice à des retombées positives chez les personnes soignées au sein d’une pratique centrée sur la personne. Dans les faits rapportés, c’est plutôt un environnement adhérant aux préceptes de la gouvernance entrepreneuriale qui transparait dans le phénomène de violence verticale, phénomène perçu comme une dérive de mécanismes du pouvoir disciplinaire, ajouté au contexte d’oppression professionnelle des infirmières et des nombreux autres obstacles relatifs à l’environnement de soins soulevés par McCormack et McCance (2010).

Puisque les conséquences inhérentes au bullying sont des présages d’une précarité de la sécurité des soins et du rapport humain des soins, explorer les effets de la violence verticale de façon objective relève de plusieurs considérations méthodologiques. Afin de ne pas biaiser l’analyse, des facteurs tant éthiques que techniques sont à prévoir par le chercheur, particulièrement en raison de la nature de l’objet à l’étude.

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