• Aucun résultat trouvé

0.2 État des connaissances

0.2.3 Les espèces structurantes

La composition en espèces peut avoir d’énormes impacts sur un écosystème : par exemple la présence de certaines espèces peut changer la disponibilité en ressources, créer un habitat ou encore contrôler la productivité (Chapin et al., 2000; Jones et al., 1994). De telles espèces sont dites structurantes ou ingénieures (sensu Jones et al., 1994) et augmentent la stabilité des communautés (Bulleri et al., 2012a; Maggi et al., 2009). La perte d’espèces structurantes affecte négativement les communautés en causant une perte en richesse et en abondances, ainsi que par des changements dans la

structure et composition des communautés (Herkul et Kotta, 2009; Rueda et al., 2009; Watt et Scrosati, 2013).

En milieu médiolittoral, les macrophytes telles que les macroalgues et les herbes marines sont souvent considérés des espèces structurantes. Aussi, des groupes fonctionnels tels que les brouteurs peuvent jouer un rôle capital (espèce clé) dans la composition en espèces et l’apparence physique d’une communauté tel que mentionné dans la section suivante (Duffy et al., 2003).

0.2.3.1 Les macroalgues structurantes

Les macroalgues en milieux rocheux et les herbiers marins en milieux meubles subissent des déclins prononcés depuis une centaine d’années (Airoldi et Beck, 2007; Burkholder et al., 2007; Waycott et al., 2009). Les macroalgues capables de former une canopée protectrice remplissent plusieurs rôles : elles diminuent le stress dû aux variations de la température et de la dessiccation (en milieu médiolittoral), elles offrent un habitat complexe, elles jouent un rôle de pouponnière pour les poissons, elles jouent un rôle important dans la structure de diversité des communautés qu’elles abritent, et enfin, elles contrôlent la production nette de biomasse (Benedetti-Cecchi et al., 2001; Bertness et al., 1999; Eriksson et al., 2006; Heck et al., 2003; Jenkins et al., 1999; Lemieux et Cusson, 2014). Les macroalgues sont d’autant plus importantes dans les milieux intertidaux situés plus haut dans l’estran à cause de l’importance qu’y jouent les facteurs physiques (Bertness et al., 1999; Watt et Scrosati, 2013); par exemple, la dessiccation et les fortes températures y sont plus prononcées et les macroalgues contribuent à la conservation de l’humidité et à tamponner les extrêmes de température (Bertness et al., 1999). Leur disparition peut, entre autres, augmenter le recrutement d’algues éphémères qui sont des algues moins complexes (Joseph et Cusson, 2015; Schiel et Lilley, 2007). La disparition ou des modifications dans la composition d’espèces macroalgales ont des effets négatifs directs sur les communautés :

changement en composition, réduction d’abondances et de richesse et altération de la structure (Benedetti-Cecchi et al., 2001; Lemieux et Cusson, 2014; Watt et Scrosati, 2013).

0.2.3.2 Les herbiers marins

Les herbiers marins sont écologiquement importants notamment puisqu’ils offrent un habitat complexe qui peut protéger certaines espèces de la prédation (Orth et al., 1984), jouer un rôle de pouponnière à poisson (Heck et al., 2003) et jouer un rôle important dans la structure des communautés (Connolly, 1995; Herkul et Kotta, 2009; Reed et Hovel, 2006). Ils stabilisent les sédiments (Bostrom et Bonsdorff, 2000; Gustafsson et Bostrom, 2011) et affectent la sédimentation (Herkul et Kotta, 2009; van Katwijk et

al., 2010), affectent la dynamique des nutriments et du carbone, modifient les courants

et les vagues, et sont d’importants producteurs primaires (Hemminga et Duarte, 2000).

Le déclin des herbiers de zostères peut être dû à plusieurs causes p. ex. : le développement côtier, l’eutrophisation, les espèces invasives, la croissance de macroalgues éphémères, et l’augmentation de la turbidité et du niveau de l’eau (Airoldi et Beck, 2007; Duarte, 2002; Orth et al., 2006). Les herbiers sont particulièrement touchés par les stress reliés à la qualité de l’eau et des sédiments (Duarte, 2002). Ces stress peuvent provoquer une diminution de la densité des plants, une fragmentation ou la disparition d’un herbier, et peuvent causer des modifications au niveau de la structure et de la productivité des communautés (Connolly, 1995; Duarte, 2002; Herkul et Kotta, 2009; Reed et Hovel, 2006).

La perte et la fragmentation des habitats causent un déclin de la complexité d’habitat, une diminution de la grandeur des parcelles et une augmentation de la proportion des bordures (Fahrig, 2003) ce qui influencera la richesse spécifique et les autres

composantes de la diversité (Airoldi et al., 2008; Fahrig, 2003). Typiquement, la disparition d’herbes marines, ou une diminution en densité d’herbes marines, diminuera la stabilité de la communauté, la richesse spécifique et les abondances totales, influencera la composition et la structure des communautés, et diminuera la capacité de soutien de l’habitat (Calizza et al., 2017; Edgar et Robertson, 1992; Herkul et Kotta, 2009; Lundquist et al., 2018; Reed et Hovel, 2006). Les effets négatifs drastiques d’une perte d’habitat pourraient cependant être observés seulement à partir d’un seuil particulier de perte en complexité (Pittman et al., 2004; Reed et Hovel, 2006).

Généralement on associe la perte des herbiers comme étant négative. Toutefois, la réduction en densité d’herbes marines peut avoir l’effet inverse. En effet, une diminution de la densité peut diminuer l’auto-ombrage, ce qui augmente la surface des feuilles, la biomasse des plants, la croissance des plants et le nombre de feuilles (Rattanachot et al., 2016). De tels changements sur les plants pourraient avoir un effet positif sur les communautés associées. Effectivement, l’aire de surface des feuilles semble plus importante que la densité des plants pour expliquer la biomasse de l’épifaune (Sirota et Hovel, 2006). Finalement, la disparition complète d’herbes marines peut aussi favoriser les organismes habitant les sédiments puisque les rhizomes des plants sont parfois limitants pour ces derniers (Rueda et al., 2009).

Contrairement à la perte d’habitat, la fragmentation d’habitat peut avoir des effets autant positifs que négatifs sur la biodiversité (Bell et al., 2001; Fahrig, 2003). Des études mesurant les effets de la fragmentation sur la faune associée rapportent des effets positifs, neutres ou négatifs sur les densités fauniques, la diversité spécifique, la diversité fonctionnelle et la composition (p. ex. Arponen et Bostrom, 2012; Healey et Hovel, 2004; Lefcheck et al., 2016). De plus, les réponses semblent être dépendantes de la composition en espèces, du paysage environnant et à la qualité des habitats

adjacents (Ries et al., 2004; Tanner, 2005, 2006). Un effet accompagnant la fragmentation d’habitat est l’augmentation du ratio périmètre : aire. L’effet de bordure peut affecter les herbiers marins de multiples façons; la bordure peut par exemple diminuer la richesse spécifique parce que souvent les habitats de bordure sont moins complexes (Christie et al., 2009; Moore et Hovel, 2010), mais souvent, les bordures auront une plus grande richesse taxonomique et de plus grandes abondances fauniques (Bologna, 2006; Bologna et Heck, 2002; Pierri-Daunt et Tanaka, 2014; Warry et al., 2009). La densité faunique, la composition en espèces, la distribution des tailles et la production secondaire peuvent être différentes à la bordure ou à l’intérieur d’un herbier (Bologna, 2006), mais le sens de la relation dépend de plusieurs processus (Bell et al., 2001). Effectivement, la densité épifaunique et sa biomasse peuvent augmenter ou diminuer de la bordure jusqu’à l’intérieur (Bologna, 2006; Moore et Hovel, 2010), tandis que certains groupes peuvent ne pas être affectés du tout par l’effet de bordure (Bologna, 2006; Tanner, 2005). Enfin, l’établissement des larves est généralement plus élevé aux bordures, mais les bordures sont souvent plus hostiles à la survie de ces dernières étant donné une plus forte exposition, p. ex. vitesse du courant et resuspension des sédiments plus élevés, et une stabilité des sédiments réduite (Bostrom et al., 2010).

Documents relatifs