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0.2 État des connaissances

0.2.4 Contrôles descendant et ascendant

Le contrôle descendant (« top-down ») de la structure des communautés se fait par les niveaux trophiques plus élevés, soit des prédateurs et des consommateurs primaires vers les producteurs primaires. Des changements au niveau des contrôles descendants peuvent être perçus comme des perturbations puisqu’ils vont venir influencer les biomasses. Les études effectuées jusqu’à maintenant suggèrent que la complexité d’habitat peut avoir un fort impact sur le contrôle top-down des communautés (p. ex. Hovel et Fonseca, 2005; Moore et Hovel, 2010). Aussi, les consommateurs (espèces clés) peuvent avoir un effet important sur la structure et la composition des communautés (Anderson et Underwood, 1997; Atalah et Crowe, 2010; Blake et Duffy,

2012; Navarrete, 1996). L’intensité (densité des consommateurs), la fréquence ainsi que la variabilité temporelle et spatiale de consommation peuvent être importantes au niveau de la composition des communautés et des abondances de certaines espèces (Atalah et al., 2007a; Butler, 1989; Navarrete, 1996). Par exemple, une densité de prédateurs variable peut changer la composition d’une communauté d’invertébrés (Butler, 1989; Navarrete, 1996); elle peut aussi aider certains individus à trouver refuge lorsque la densité de prédateurs est faible, permettant ainsi de diversifier les tailles de proies (Butler, 1989) ou encore de devenir assez gros pour échapper à la prédation (Navarrete, 1996). Finalement, il est possible d’avoir des effets interactifs entre l’intensité et la variabilité temporelle de consommation. Par exemple, Navarrete (1996) a remarqué que la variabilité temporelle de prédation par Nucella sp. (fréquences faible et modérée) modulait la composition en espèces en comparaison avec un régime de prédation constant ou l’absence de prédateurs.

Les effets du broutage sur les assemblages sont particulièrement importants lors des premiers stades de la colonisation d’un milieu par les algues (Guerry, 2008; Korpinen

et al., 2007) et sont variables en fonction du milieu (Burkepile et Hay, 2006;

Freidenburg et al., 2007), du niveau des nutriments et de la saison (Lotze et al., 2001). La succession des algues sur un substrat rocheux mis à nu peut être accélérée par le broutage via une consommation préférentielle de certaines espèces (facilitation par les brouteurs) (Lubchenco, 1983). Le broutage a un effet considérable sur la densité et la diversité des macroalgues (Aquilino et Stachowicz, 2012; Bertness et al., 1999; Jenkins

et al., 1999; Korpinen et al., 2007). Par exemple, la présence de brouteurs peut prévenir

l’établissement d’une espèce d’algue susceptible au broutage (algues éphémères) et favoriser des espèces plus résistantes (algues pérennes) (Boaventura et al., 2002; Jenkins et al., 1999; Lotze et al., 2000, 2001). La présence de prédateurs peut aussi influencer l’abondance et la diversité des algues via une cascade trophique en

changeant la structure de tailles des brouteurs (Eriksson et al., 2009; Jochum et al., 2012).

Les brouteurs peuvent également jouer un rôle crucial dans les herbiers marins notamment en contrôlant l’abondance des algues épiphytes sur les feuilles des herbes marines (Hughes et al., 2004; Valentine et Duffy, 2006). La quantité d’algues épiphytes sur les feuilles des herbes marines est corrélée avec la diminution du pourcentage de PAR (rayonnement photosynthétique actif) reçu au niveau des herbes et est inversement corrélé à leur activité photosynthétique (Drake et al., 2003). Ainsi, les brouteurs d’algues épiphytes contribuent au maintien des populations d’herbes marines.

Le contrôle ascendant (« bottom-up ») de la structure des communautés se fait par les ressources p. ex. les nutriments et la lumière (végétaux), et la nourriture (animaux). Les effets de l’enrichissement sur la diversité dépendraient du contexte; par exemple, en milieu limité par les nutriments, un enrichissement peut augmenter la diversité des macroalgues en permettant l’établissement d’espèces limitées par le taux d’azote (Bracken et Nielsen, 2004), tandis qu’un fort taux de nutriments changerait la dominance algale (p. ex. Cystoseira mediterranea à taux modérés vers Ulva rigida à taux très élevés) et diminuerait la diversité des macroalgues (Arevalo et al., 2007). Les macrophytes structurants jouent un rôle protecteur en augmentant la résistance de la communauté à l’eutrophisation (Eriksson et al., 2006) possiblement via une absorption des nutriments en excès. L’eutrophisation pourrait permettre le recrutement d’algues éphémères ou améliorer la qualité nutritionnelle des algues attirant ainsi plus de brouteurs (p. ex. Korpinen et Jormalainen, 2008; Kraufvelin, 2007). La recolonisation des milieux enrichis exempts d’algues peut se faire par des espèces d’algues opportunistes (Kraufvelin, 2007) et l’identité des espèces peut varier selon le niveau d’enrichissement (Korpinen et al., 2007).

Dans les herbiers marins, l’enrichissement en nutriments peut augmenter la quantité d’algues épiphytes (Jaschinski et Sommer, 2008) et la quantité de macroalgues (Hauxwell et al., 2003). L’enrichissement en nutriments peut augmenter la quantité d’algues épiphytes (p. ex. Sand-Jensen, 1977) ou celle des macroalgues (p. ex. Hauxwell et al., 2003) et ainsi avoir des effets négatifs sur les herbiers marins en diminuant la biomasse des plants par une diminution de l’accès à la lumière (Hughes

et al., 2004). L’enrichissement peut aussi avoir des effets positifs p. ex. l’addition de

nutriments au niveau des sédiments peut augmenter la biomasse des herbes marines lorsque les nutriments sont limités (Hughes et al., 2004).

La diminution de la lumière par l’augmentation de la turbidité de l’eau, l’augmentation des apports en sédiments et de leur suspension dans l’eau ou l’augmentation des algues (phytoplancton, macrophytes et épiphytes) peut avoir des impacts négatifs sur les herbes marines notamment par une diminution de la biomasse, du taux croissance, du taux de sucres solubles dans les tissus, de la densité des plants et du taux de reproduction (p. ex. Burke et al., 1996; Collier et al., 2009; Gustafsson et Bostrom, 2013; Leoni et al., 2008; Ralph et al., 2007; Salo et al., 2015; Short et al., 1995; Silva

et al., 2013; van Lent et al., 1995). Parfois, les effets peuvent entrainer la mort des

plants dans le cas d’un sévère manque de lumière (Lee et Dunton, 1997; Ruiz et Romero, 2001). En revanche, la diminution de lumière peut aussi réduire la biomasse des algues épiphytes (Collier et al., 2009; Ruiz et Romero, 2001) et augmenter la concentration de chlorophylle dans les herbes ainsi que leur longueur (Fokeera- Wahedally et Bhikajee, 2005).

Les contrôles « bottom-up » et « top-down » ne sont pas exclusivement indépendants; ils peuvent interagir et jouer un rôle plus ou moins important sur la diversité à différents stades d’une colonisation (Lotze et al., 2000; Vaz-Pinto et al., 2013) et ce rôle peut varier en fonction de la productivité (Worm et al., 2002), des régions, des habitats

(Bulleri et al., 2012b) et des saisons (Jaschinski et Sommer, 2008). Par exemple, la présence de brouteurs pourrait pallier jusqu’à un certain point un enrichissement en nutriments en milieu rocheux par une consommation préférentielle de certaines algues (Bulleri et al., 2012b); les algues épiphytes poussant sur les herbes marines sont avantagées en situation d’enrichissement, mais leur développement est contrôlé par les brouteurs (Jaschinski et Sommer, 2008). Il est donc nécessaire d’étudier ces phénomènes conjointement (Worm et al., 2002).

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