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Les effets redistributifs des dispositifs de solidarité

L’ADÉQUATION DU SYSTÈME DE RETRAITE FRANÇAIS À SES OBJECTIFS

Chapitre 4 – La solidarité du système de retraite en regard des évolutions de la société

I. Les effets redistributifs des dispositifs de solidarité

1. Le poids des dispositifs de solidarité dans le système de retraite

Il convient de rappeler d’abord le poids très important des droits liés à la solidarité dans l’ensemble des prestations de retraite. Le septième rapport du COR estimait que ces droits (hors réversion) représentaient au total environ un cinquième de la masse des retraites de droit

propre, et environ 8 % pour les seuls droits familiaux159. Les pensions de réversion

représenteraient quant à elles environ 13 % du total des prestations. La part des prestations correspondant aux droits non contributifs est plus élevée pour les femmes que pour les

157 La distinction entre « assurance » et « redistribution » (ou « solidarité ») est délicate. Avant d’entrer sur le marché du travail, un individu ne sait pas ce que seront sa carrière et ses salaires futurs : les dispositifs de droits non contributifs peuvent être alors perçus comme une assurance, contre des risques qui ne sont encore que des probabilités. À l’inverse, au moment du calcul des droits à la retraite, la carrière est passée et entièrement observée : les droits non contributifs jouent alors un rôle de transferts entre catégories d’assurés définies selon leurs caractéristiques de carrière – c’est-à-dire une redistribution (voir Blanchet D. (1996), « La référence assurantielle en matière de protection sociale : apports et limites », Economie et statistique, n° 291-292, pp. 33-45).

158 Voir le chapitre 6 de la première partie.

159 Cette dernière estimation est réalisée sur les générations nées en 1934 et 1938 et observées dans l’échantillon interrégimes de retraités (voir COR (2008), Retraites : droits familiaux et conjugaux, sixième rapport).

hommes. Elle varie aussi selon les régimes, et est en général plus importante dans les régimes de base que dans les régimes complémentaires.

Ces chiffrages ne constituent que des ordres de grandeur, car il n’est pas possible, du fait des modes de calcul des pensions de retraite, d’isoler précisément la proportion des prestations qui procède de droits non contributifs de celle qui procède de la contrepartie des contributions. La difficulté vient plus spécifiquement du fait que les dispositifs de solidarité jouent par deux canaux : de manière directe – c’est-à-dire mécanique – par la prise en compte des droits non contributifs dans le calcul des pensions, mais aussi indirecte par leur effet causal sur l’âge de liquidation – et donc sur le montant de pension, puisque cette dernière est modulée selon l’âge160. La difficulté tient aussi à l’impossibilité de quantifier ex ante les « droits » acquis au titre d’un dispositif de solidarité – et donc de définir qui est « bénéficiaire » ou non de ces droits, puisque ceux-ci interagissent avec les autres règles de calcul des pensions. Par exemple, un trimestre validé au titre d’un dispositif de solidarité peut s’avérer « utile » ou « inutile », c’est-à-dire avec ou sans incidence sur le montant de pension, selon le profil de carrière et selon l’âge de liquidation effectif.

2. Un effet global confirmant le caractère redistributif du système de retraite

Pris dans leur ensemble, les dispositifs de solidarité jouent globalement dans le sens d’une nette réduction des inégalités et, au total, le système de retraite opère bien une redistribution qui contribue à réduire les inégalités entre retraités. Cela signifie que l’impact redistributif des dispositifs de solidarité est d’ampleur plus importante que l’impact antiredistributif du cœur du système, évoqué dans le chapitre précédent, et permet donc de le contrecarrer.

Pour les salariés nés entre 1955 et 1964, alors que le rapport interdécile pour les cumuls de salaires perçus au cours de la carrière atteint 5,85, et même 6,66 pour les pensions issues du seul cœur du système, il n’est plus que de 4,10 pour les pensions de retraite une fois pris en compte tous les dispositifs de solidarité161. Cette réduction des disparités se vérifie aussi pour les autres générations nées entre 1925 et 1974, est plus forte parmi les femmes que parmi les hommes, et se fait surtout dans la partie inférieure de la distribution des montants de pension (les écarts se réduisent davantage entre les faibles montants et les montants médians qu’entre ceux-ci et les montants élevés). Les taux d’annuité moyens (rapport du montant de pension à la liquidation sur la somme des salaires perçus au cours de la carrière) sont par ailleurs plus élevés pour les femmes que pour les hommes, ce qui caractérise une redistribution qui se fait globalement à leur bénéfice.

Les principaux mécanismes qui contribuent à cette réduction des inégalités de carrière sont la validation de périodes assimilées, la validation de trimestres au titre de l’AVPF et les minima de pension.

160 Quantifier la proportion des prestations correspondante aux droits non contributifs implique donc de modéliser les comportements de départ à la retraite et leurs paramètres, nécessaires pour mesurer la « réponse comportementale » de chaque individu à ces droits.

161 Aubert P. et M. Bachelet (2012), « Disparités de montant de pension et redistribution dans le système de retraite français », INSEE, L’Economie française, édition 2012, et document de travail n°G2012/06.

3. Peu de « trous » de carrière qui ne soient pas pris en compte

Une approche complémentaire pour mesurer l’effet global des dispositifs de solidarité et juger de l’adéquation à leur objectif consiste, par un raisonnement « en creux », à repérer les situations dans lesquelles la solidarité ne semble pas s’exercer, avec notamment des absences de validation de droits sur l’année. Ces absences de validation ne sont bien sûr pas nécessairement des défaillances du système de retraite en termes de solidarité car elles peuvent, dans certains cas, renvoyer à des situations volontaires d’interruption d’activité que l’on ne souhaite pas encourager. L’examen des validations de trimestres de retraite au titre de la solidarité repose sur de nombreux travaux de la DREES et de la CNAV162.

Au total, les trimestres acquis au titre des périodes assimilées et de l’AVPF dans le régime général et les régimes alignés semblent bien réaliser leur objectif de permettre de valider quatre trimestres dans les années où ils sont octroyés (et donc d’éviter des « trous » dans la durée validée) : en effet, au cours de ces années, entre 80 % à 90 % des personnes ayant entre 20 et 30 ans et plus de 90 % des personnes après 30 ans valident bien quatre trimestres. Par ailleurs, la fréquence des années en cours de carrière sans validation semble sensiblement baisser au fil des générations, avec des « trous de carrière » à la fois moins fréquents et plus courts. C’est le cas en particulier au régime général entre la génération 1944 et la génération 1950163 : l’AVPF, qui n’avait pas encore achevé sa montée en charge pour la génération 1944, a fait disparaître le pic de « trous de carrière » que l’on observait entre 20 et 30 ans pour la génération 1944 et le dispositif de retraite anticipée pour longue carrière, dont la génération 1944 n’a pas bénéficié, a transformé en années de retraite une partie des années sans validation après 56 ans.