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Partie I: Cadre conceptuel

Chapitre 1. Les changements climatiques: cadre théorique – sens définitions

1.2. Les différents facteurs influant le changement climatique mondial

« …Par nature, le climat moyen n’existe pas. Il représente l’intégration dans le temps de fluctuations de plus ou moins grandes échelles spatiales et temporelles qui représentent sa variabilité... » (Bony et al., 2008, p: 11)

Si l’on ne peut parler de climat moyen, il est par contre admis qu’une variation du bilan énergétique de la Terre provoqué par une modification de la concentration des gaz à effet de serre a une influence directe sur la température moyenne. Le changement climatique est donc étroitement lié aux variations dans le temps de la température. Il est essentiel de comprendre quels sont les facteurs agissant sur le bilan énergétique pour mieux cerner la notion en elle-même du changement climatique. La Terre intercepte le rayonnement solaire, soit l'énergie qui détermine le temps et le climat. Le tiers environ de ce rayonnement retourne dans l'espace (Musy, Higy, 2004: 139). Le reste est absorbé par les différentes composantes du système climatique : l'atmosphère, les océans, la glace, le sol et les diverses formes de vie.

Le climat est généralement défini à partir des caractéristiques statistiques (moyennes, valeurs extrêmes, etc.) relatives aux paramètres météorologiques tels la température, les précipitations ou encore l’ensoleillement, et ce, pour une période couvrant une trentaine d’années. Le climat présente toutefois une très forte variabilité qui peut aller aussi bien de plusieurs semaines jusqu’à des milliers d’années (Planton, 2007)18. Deux types de processus expliquent cette variabilité. Il y a d’une part, les interactions entre les diverses composantes du système

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climatique : l’atmosphère, l’hydrosphère (océans, lacs, rivières), la cryosphère (banquise, surfaces enneigées, calottes polaires), la biosphère (continentale et marine) et la partie supérieure de la lithosphère, concernée par le cycle de l’eau. D’autre part, la variabilité du climat est également la résultante de ce que l’on appelle les forçages externes au système, qu’ils soient naturels (comme la variabilité solaire ou l’activité volcanique) ou anthropiques (liés à l'activité humaine).

1.2.1. Le forçage radiatif

Les planètes de notre système solaire sont en équilibre énergétique, c'est-à-dire qu'elles reçoivent de l'énergie du soleil sous la forme de rayonnement UV et en émettent vers l'espace sous la forme de rayonnement infrarouge. Cet échange radiatif permet de maintenir l'équilibre énergétique de la planète. On appelle « forçage radiatif » tout phénomène qui agit sur le comportement du rayonnement émis ou reçu par la Terre (ou toute autre planète du système solaire).Conformément au GIEC (2007), « le forçage radiatif est la mesure de l’influence d’un facteur sur l’altération de l’équilibre des énergies entrantes et sortantes du système terre-atmosphère. Il donne une indication de l’ampleur de ce facteur en tant que moyen de changement climatique potentiel ». Le forçage radiatif du système climatique est essentiellement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la longue durée, tels que le CO2, le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O) et les hydrocarbures halogénés (un groupe de gaz contenant du fluor, du chlore ou du brome). Il est exprimé en watts par mètre carré (W/m2) alors que « ses variations sont calculées par rapport au niveau préindustriel établi en 1750 » (INERIS, 2009). Les concentrations atmosphériques de GES augmentent lorsque les émissions l’emportent sur les processus d’absorption, provoquant ainsi une variation de la température moyenne.

Il faut distinguer deux types forçages radiatifs (Planton, 2007):

· Le forçage radiatif positif qui correspond à une augmentation de la chaleur au niveau de la surface terrestre et de la basse atmosphère. Cela se produit lorsque l'énergie émise par la Terre, sous forme d'infrarouge, est interceptée pour être renvoyée vers les couches basses de l'atmosphère au lieu d'être renvoyée vers l'espace.

· Le forçage radiatif négatif provoque quant à lui, un refroidissement au niveau de la surface terrestre et de la basse atmosphère. Cela se produit lorsque l'énergie envoyée par le soleil, sous forme d'UV, est renvoyée vers l'espace avant d'avoir réchauffé les couches basses de l'atmosphère.

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Si les gaz à effet de serre ont un forçage radiatif positif, les aérosols ont un rôle plus complexe car ils provoquent un forçage qui varie selon leur type et leur couleur et leurs effets sont aussi bien directs que semi-directs ou encore indirects (INERIS, 2009). Cependant, on admet que dans leur majorité, ils produisent un forçage radiatif légèrement négatif. La Terre répand ensuite son énergie dans l'espace ou la réfléchit de nouveau, sous la forme de rayonnement de grandes longueurs d'onde. Une partie de cette énergie est de nouveau absorbée et réémise selon un processus appelé «effet de serre». Le reste de l'énergie se perd dans l'espace19.

Il est désormais admis que les activités humaines ont conduit à un fort accroissement des concentrations atmosphériques de CO2, de CH4 et de N2O depuis 1750, provoquant un forçage radiatif de +1,6 W/m2 contre seulement +0,12 W/m2 du aux variations de l’éclairement énergétique solaire (INERIS 2009). Les concentrations atmosphériques sont donc aujourd’hui bien supérieures aux valeurs historiques déterminées par l’analyse des carottes de glace couvrant de nombreux millénaires. En 2005, les concentrations atmosphériques de CO2 (379 ppm) et de CH4 (1.774 ppb) ont largement excédé l’intervalle de variation naturelle des 650 000 dernières années (GIEC, 200720). La cause première de la hausse de la concentration de CO2 est l’utilisation de combustibles fossiles. Le changement d’affectation des terres y contribue aussi, mais dans une moindre mesure. Il est très probable que l’augmentation observée de la concentration de CH4 provienne surtout de l’agriculture et de l’utilisation de combustibles fossiles21. Quant à la hausse de la concentration de N2O, elle est essentiellement due à l’agriculture.

Il existe donc un équilibre délicat, à long terme, entre le rayonnement émis par le soleil et l'énergie que celui-ci reçoit. Toute variation des facteurs naturels et humains, qui influent sur ce processus de réception et d'émission d'énergie ou qui modifient la répartition de l'énergie, ne peut alors qu’engendrer des répercussions sur notre climat, comme nous allons le montrer ci-dessous.

1.2.2. Le rôle des Facteurs naturels

Le climat a changé au cours de l'histoire de la Terre. Les périodes glaciaires alternant avec des périodes chaudes en fournissent un exemple. Certains changements ont eu une portée mondiale, tandis que d'autres ont touché simplement une région ou un hémisphère. Un certain nombre de facteurs naturels contribuent par ailleurs à modifier le climat de la Terre au cours

19http://www.ec.gc.ca/climate/overview_factors-f.html.

20www.notre-planete.info/actualites.

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de périodes variables. Il importe de comprendre ces facteurs lorsqu'on cherche, dans un deuxième temps, à déceler l'influence de l'homme sur le climat :

· Modifications de l'énergie émise par le soleil :

La quantité d'énergie émise par le soleil n'est pas constante. Si la température de la Terre correspond à un cycle solaire de variation de l'émission d'énergie, des changements à plus long terme peuvent également se produire.

· Modifications de l'orbite de la Terre :

L'orbite de la Terre autour du Soleil varie lentement à l'endroit et au moment où elle reçoit son énergie. Cela a des influences sur la quantité d'énergie qui est réfléchie et absorbée. Ces variations de l'orbite de la Terre sont, selon les spécialistes, un des facteurs qui déclenchent les périodes glaciaires. Le mouvement de la terre a donc une influence sur le climat, la terre étant soumise à trois variations (la précession des équinoxes et du périhélie, l’obliquité et la variation de l’orbite terrestre) qui sont à l’origine des glaciations et périodes chaudes (Milankovitch, 1941).

· L'effet de serre :

Comme il a déjà été mentionné, lorsque l'énergie émise par le soleil pénètre l'atmosphère terrestre, environ un tiers de cette énergie retourne dans l'espace (Musy, Higy, 2004). Pour le reste, une fraction est absorbée par l'atmosphère, mais la majeure partie est absorbée par la surface de la Terre. Celle-ci renvoie l'énergie suivant des ondes plus longues. Une partie de cette énergie se perd dans l'espace, mais une autre partie est absorbée de nouveau et réémise par les nuages. Ainsi, les gaz à effet de serre (la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone, le méthane et l'oxyde nitreux), absorbent cette énergie et en renvoient la majeure partie à la surface de la Terre, à la manière d'une couverture isolante. Cela contribue à réchauffer la surface de la Terre et la troposphère (couche inférieure de l'atmosphère), dont la température se maintient à 33°C au-dessus de ce qu'elle serait autrement. Il s'agit là de l'effet de serre naturel, qui est essentiel à la vie telle que nous la connaissons.

· Les aérosols :

Il s'agit de particules très fines et de gouttelettes suffisamment petites pour rester en suspension dans l'atmosphère pendant très longtemps. Elles réfléchissent le rayonnement solaire, la diffusent comme elles peuvent l’absorber. En modifiant le genre et la quantité des aérosols dans l'atmosphère, on modifie ainsi la quantité d'énergie solaire réfléchie ou absorbée.

53 1.2.3. Le rôle des Facteurs humains

Si le climat évolue naturellement - les causes naturelles existent de tout temps et perdureront-il est désormais largement admis qu’à ces premières causes, doivent s’ajouter de nouvelles causes liées aux activités humaines22, et ce spécialement depuis le début de l’ère industrielle (Petit, 2010). Il est donc stipulé que l’activité humaine (production et modes de vie) engendre des modifications dans la composition de l’atmosphère, les experts du GIEC estimant à plus de 80% les probabilités que le facteur humain soit responsable du réchauffement du climat depuis un siècle, ce facteur agissant essentiellement au travers de trois processus.

· L'amplification de l'effet de serre :

Comme nous l’avons souligné ci-dessus, les gaz à effet de serre naturellement présents dans l'atmosphère maintiennent sur Terre une température suffisamment élevée pour que la vie y soit possible. Des études scientifiques23révèlent que diverses activités humaines, telle la combustion de combustibles fossiles en vue de la production d'énergie électrique, du chauffage et des transports, produisent des gaz à effet de serre. De ce fait l’amplification des activités humaines augmenterait les concentrations de gaz tels le dioxyde de carbone, le protoxyde d’azote, le méthane, dans l’atmosphère et rejetterait de nouveaux gaz à effet de serre comme les chlorofluorocarbures (CFC). De la sorte, les activités humaines, en engendrant un effet de serre « additionnel » soit un accroissement de la capacité de l’atmosphère à retenir les rayons infrarouges, contribueraient au processus d'augmentation des températures moyennes de la Terre. Pour ne prendre que l’exemple de la France, si la température moyenne a augmenté durant le dernier siècle de 0,1o C par décennie, la tendance s’est accentuée sur la période 1976-2004, atteignant un rythme de 0,6o C (Les synthèses, Ifen, édition 2006 : 299).

· Les changements liés à l'usage des sols :

Le sol en lui-même peut aussi bien jouer en faveur du changement climatique que le ralentir. Cela est largement lié aux types de sols et aux pratiques culturales car les sols sont à la fois source ou puits de gaz à effet de serre24. La façon dont la surface terrestre réfléchit la lumière solaire et libère de la chaleur est donc directement liée à l’usage des sols. Au fur et à mesure que la forêt est remplacée par des terres agricoles ou encore que la

22 Il faut néanmoins souligner que certains scientifiques réfutent totalement cette idée. Parmi ceux-ci, nous pouvons mentionner Douglass, David H.; Christy, John R.; Pearson, Benjamin D.; Singer, S. Fred (2008). Pour ces auteurs, la conclusion de leur travail est la suivante : « la contribution humaine par l'accroissement des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et des autres gaz à effet de serre est négligeable ».

23 Voir le dossier « Changement climatique – effet de serre », Documentation française, mise à jour le 11/12/2011:

www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/changement-climatique/effet-serre.shtml.

24Voir à ce sujet les travaux de la Conférence organisée par la Commission Européenne, intitulée : Changement climatique – les sols peuvent-ils jouer un rôle décisif, Bruxelles 12 Juin 2008. http://ec.europa.eu/environment/soil/conf_fr.htm.

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végétation naturelle laisse place à l’asphalte et au béton, la réflexion solaire est modifiée ce qui, à son tour, agit sur la chaleur. Tous ces changements peuvent modifier les configurations régionales de l'évaporation, du ruissellement et des pluies et engendrer des phénomènes complexes voir opposés quant à la variation de la température (Francour, 201125).

· Les aérosols atmosphériques :

Du fait de ses activités tant agricoles qu'industrielles, la population mondiale ajoute à l'atmosphère de grandes quantités d’aérosols. Si une grande partie des aérosols sont rapidement entraînés par la gravité et les précipitations, ils peuvent perturber le bilan radiatif de l'atmosphère. C'est donc la quantité et la nature des particules tout comme la nature de la surface terrestre et marine qui déterminent si cet effet ira ou non dans le sens de la tendance au réchauffement. On comprend aisément que les variations régionales peuvent être plus ou moins importantes.

En définitif, si les facteurs à l’origine du changement climatique sont multiples, il est clair qu’au-delà des facteurs naturels, l’activité humaine est considérée comme l’une des principales responsables. Ainsi, la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC, 1992) stipule que ces derniers « désignent des changements qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». Il faut cependant souligner que le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC, 2007) retient, à juste titre, dans son 4ème rapport une définition plus large et non exclusivement centrée sur le rôle de l’activité humaine. Le changement climatique « s’entend d’une variation de l’état du climat que l’on peut déceler (par exemple au moyen de tests statistiques) par des modifications de la moyenne et/ou de la variabilité de ses propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou plus. Il se rapporte à tout changement du climat dans le temps, qu’il soit dû à la variabilité naturelle ou à l’activité humaine ». Cela ne signifie pas que le rôle des facteurs humains soit sous-estimé, ils sont simplement replacés dans le système général d’interactions qui sous-tend les changements climatiques.

55 Figure 1.2.1 : Représentation schématique des facteurs humains sur l’évolution du climat, des effets sur le

changement climatique et des réponses apportées, ainsi que de leurs corrélations

Source : GIEC (2007), Changements climatiques, Rapport de Synthèse.

Enfin, si les activités humaines et les variabilités naturelles rentrent effectivement en jeu dans le système d’interactions, le schéma précédent met en relief une autre dimension tout aussi importante à savoir les réponses apportées par la société humaine ainsi que sa capacité à s’adapter. Ces réponses auront donc des incidences sur le climat en lui-même mais également sur le système d’organisation des activités humaines qui, à son tour, peut affecter le climat. On comprendra néanmoins que la difficulté est de pouvoir estimer de façon fiable, l’impact des réponses apportées, générant ainsi une source supplémentaire d’incertitude (Figure 1.2.1).