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PARTIE 2 . LA FONCTION SYMBOLIQUE

III. L’acquisition de la fonction symbolique

1) Les différentes formes du dessin enfantin

L’activité graphique suit une évolution particulière. Au départ, l’enfant dessine par jeu,

simplement par plaisir fonctionnel du geste de dessiner. Puis, l’activité graphique va être

marquée par le passage vers l’exécution d’un dessin déterminé. Nous pouvons faire ici le

lien entre le dessin et les images mentales, car d’un simple geste le dessin devient un projet

mental avec la représentation intériorisée de l’objet à dessiner. Luquet a montré que le

dessin jusqu’à 8-9 ans a surtout une intention réaliste. Néanmoins, le jeune enfant

commence par dessiner ce qu’il connaît avant de dessiner ce qu’il perçoit réellement. C’est

pourquoi Luquet évoque le « réalisme » des productions graphiques des enfants. Un dessin,

même s’il ne représente rien de particulier pour autrui, signifie quelque chose pour l’enfant.

Ce qui est important finalement, c’est l’intention de dessiner une chose réaliste. L’enfant a

conscience de rechercher la ressemblance dans son dessin. Cette évolution réaliste du

dessin a donné lieu à la distinction par Luquet de plusieurs étapes.

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Annexe 4

Le stade du gribouillage (vers 2 ans)

Les premiers tracés apparaissent vers la fin de la première année, lorsque l’évolution de

l’enfant est marquée par ses progrès psychomoteurs. D’après Tourrette et Guidetti (2008),

« le premier dessin n’est en fait que la trace graphique laissée par la main, et correspond à

une décharge motrice »

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. Les premières traces graphiques n’ont pas encore de signification

pour l’enfant. Elles ne sont que l’expression du plaisir de cette décharge motrice. A ce stade,

« le geste graphique produit des tracés d’aspect global circulaire ou d’aspect global

linéaire »

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. Puis, l’entourage de l’enfant ou l’enfant lui-même va trouver une signification à

son dessin. C’est alors qu’il entre dans le stade suivant du « réalisme fortuit ».

Le « réalisme fortuit » (vers 2-3 ans)

Il s’agit de gribouillages dans lesquels l’enfant découvre une signification. D’ailleurs,

« l’apparition d’une signification est due à l’apparition de la fonction sémiotique qui lui permet

d’évoquer des objets ou événements qu’il ne perçoit pas forcément à ce moment, il se réfère

donc à des représentations mentales, si élémentaires soient-elles à leur début »

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. Au départ

réalisé sans but, l’enfant va reconnaître dans son gribouillage des formes et leur attribuer

une signification. C’est alors qu’il va tenter de copier le réel, de se saisir de modèles grâce à

sa mémoire. Même si son dessin n’est encore que peu ressemblant au modèle de façon

objective, il a dès lors une intention représentative dans son dessin (Lehalle & Mellier, 2013).

On peut dire dès cette étape d’intentionnalité que le dessin est lié à l’imitation et à l’image.

Le « réalisme manqué » (vers 3-4 ans)

A ce stade, l’enfant entre dans « l’âge d’or » du dessin. L’enfant effectue une copie du réel,

car il en a désormais l’intention. Toutefois, ses dessins ne comportent pas encore d’éléments

correctement coordonnés. Il ne dessine que des juxtapositions. Par exemple, il va dessiner

un chapeau beaucoup plus haut que la tête du bonhomme, ou les boutons d’une chemise

juste à côté du corps. Dans le dessin du bonhomme, l’enfant passe par le stade du

« bonhomme-têtard » vers 3 ans : les membres filiformes sont ajoutés directement à la tête,

sans tronc. Comme le soulignent Tourrette et Guidetti (2008), l’enfant n’a pas encore les

capacités graphiques suffisantes pour représenter les choses de façon aussi réaliste qu’il le

souhaiterait. Puis, l’enfant va progressivement atteindre la copie réaliste, notamment par un

phénomène d’apprentissage.

40

« Introduction à la psychologie du développement », C. TOURRETTE & M. GUIDETTI (2008), p. 146

41

« Psychologie du développement », A. LEHALLE & D. MELLIER (2013), p. 133

Le « réalisme intellectuel » (de 4 et 8 ans environ)

Cette période est importante, car l’enfant représente chaque chose qu’il dessine de façon

distincte. Même si sa production graphique est encore imparfaite, le réalisme est très

marqué. L’enfant a dépassé le stade de la copie primitive. Cependant, il ne représente pas

un objet selon ce qu’il en voit, mais selon ce qu’il sait de lui. Il ne peut que reproduire des

attributs conceptuels et n’a pas encore de réelle perspective visuelle. Ce n’est que plus tard

qu’il soumettra davantage son dessin à ce qu’il voit. Par exemple, il va dessiner un visage de

profil avec les deux yeux du personnage ou encore dessiner les aliments dans le ventre d’un

bonhomme, même si, dans ces deux cas, certains éléments ne devraient pas être visibles.

La pensée de l’enfant est encore marquée par l’égocentrisme, il ne parvient pas à envisager

un autre point de vue que le sien. C’est pourquoi la coordination des éléments de son dessin

est encore difficile à appliquer pour lui. C’est au stade suivant que les progrès concernant la

coordination des points de vue vont être les plus nets.

Le « réalisme visuel » (de 9 à 11-12 ans environ)

L’enfant est capable d’ajuster ses réalisations graphiques en fonction du réel. Les éléments

sont coordonnés les uns par rapport aux autres. Il ne dessine plus les parties qui doivent être

cachées, comme l’œil supplémentaire dans la vue de profil d’un personnage. Il est capable

de ne dessiner que la cime d’un arbre caché derrière une maison et il va dessiner les

éléments proportionnellement à la distance (de grands éléments en premier plan et des

petits en arrière-plan). L’enfant soumet son dessin aux perspectives et même aux ombres.

De plus, il va pouvoir disposer chaque élément de son dessin dans l’espace de sa feuille et

choisir leurs bonnes proportions : il a une vue d’ensemble. Ce stade ultime correspond donc

au dessin de l’adulte. Ce n’est qu’au cours d’un apprentissage spécifique que les capacités

graphiques vont pouvoir évoluer, ce qui établira des différences entre les individus.

La « régression » (vers 11-12 ans)

La majorité des enfants perd le goût de dessiner vers 11 ans. Le dessin n’a plus la même

valeur expressive qu’elle avait lorsqu’il était plus jeune. L’enfant préfère recourir à la modalité

verbale, qui offre plus de possibilités pour lui de transmission de sa pensée. De plus, les

enfants de cet âge prennent conscience que reproduire la réalité par le biais du dessin n’est

pas chose aisée. Les difficultés techniques ont alors raison de ce mode d’expression, leur

réalisation graphique va alors s’appauvrir progressivement. A l’inverse, ceux qui continuent à

s’y intéresser vont encore progresser et appréhender de nouveaux aspects du dessin,

comme la stylisation ou la caricature.