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Les défis de parler aux jeunes universitaires

Bref historique du développement des publics de la musique classique à Montréal de 2004-

2. Un portrait des défis pour attirer le public d’étudiants universitaires montréalais à l’heure actuelle

2.1. Remarques préliminaires

2.2.2. Les défis de parler aux jeunes universitaires

Pour l’OSM, les portes d’entrée dans les universités sont évidemment les facultés de musique, milieu avec lequel la responsable de l’éducation de l’organisme, Caroline Louis, est toujours en contact. Les répondants de l’OSM affirment que le travail développé en ligne et dans les médias sociaux peut particulièrement toucher le public des 18-34 ans. Ils rappellent que par le passé, il y a déjà eu des kiosques de l’OSM sur les campus, mais ils avouent que ce contact physique et direct avec les étudiants est compliqué. Gilbert Brault explique :

C’est quelque chose qu’on doit réviser. C’est dur d'entrer dans le milieu universitaire. On devrait peut-être avoir des représentants des universités dans le Comité de Jeunes Ambassadeurs. Il y a sans doute des points à travailler dans cette forme d’intégration des universitaires. Pour l’instant c’est difficile.

Rappelons que la priorité du club des Jeunes Ambassadeurs est de rejoindre les jeunes professionnels, réputée pouvoir constituer la nouvelle génération de mélomanes et de philanthropes. Cette difficulté d’insertion dans le milieu universitaire est partagée par l’équipe de l’Orchestre métropolitain, qui affirme « On a encore du chemin à faire par rapport aux universitaires. Il est difficile de trouver la personne ressource des associations étudiantes pour faire circuler, par exemple, nos offres de tarifs réduits pour eux ». Pour l’OM, il a aussi une barrière financière, puisque tout projet éducatif implique un investissement d’argent et les activités avec les enfants (de tous les âges) sont davantage prisées par les grands commanditaires. Pour ceci, les actions envers les nouvelles générations produisent souvent plus de notoriété, investir dans l’éducation des enfants procure une plus grande légitimité sociale. Le public des 18-34 ne semble pas faire partie de cette équation.

Une autre difficulté qui ressort de nos entrevues est le niveau d’engagement qui est très variable de la part des professeurs en milieu universitaire, niveau d’engagement parfois très faible. Pour l’OM, le grand succès des actions en milieu scolaire (primaire et secondaire) est le résultat de l’engagement des professeurs, qui sont quotidiennement en contact avec les élèves et qui soutiennent la relation entre les jeunes et l’institution musicale. L’OM a aussi l’avantage d’avoir plusieurs de ses musiciens dans le milieu scolaire comme professeurs de musique, ce qui favorise un contact direct de l’organisme avec les élèves. Ce type de relation n’existe évidemment pas de la même façon avec le

milieu collégial ou universitaire. Dans le cas de l’OSM, Gilbert Brault souligne que ce sont les professeurs et les écoles elles-mêmes qui entrent en contact avec l’orchestre pour demander des activités. Cette demande est qualifiée en politiques culturelles de bottom- up, elle vient d’en bas (le public) et est dirigée vers le haut (l’institution). Situation idéale, car normalement, elle s’appuie sur une volonté et un engagement réel du corps enseignant et de la direction de l’école qui fait la demande. Cela permet de comprendre que les stratégies de travail de l’OSM et de l’OM ne reposent pas uniquement sur la réponse aux écoles qui prennent l’initiative de demander une activité musicale. Elles reposent aussi et surtout sur la volonté individuelle (des professeurs ou de la direction de l’école), d’établir un partenariat pour offrir aux élèves une expérience musicale enrichissante qui dépasse la simple sortie scolaire.

À l’évidence, la dynamique et les rapports entre professeurs et élèves dans les universités sont bien différents. Mais il existe une parenté certaine quant à l’effet du « parrainage » que le corps enseignant accorde aux événements musicaux pour soutenir la participation étudiante. L’entrevue avec les responsables des concerts à l’Université de Montréal met en évidence certains changements récents des profils et comportements des étudiants. Si l’UdeM connait un succès d’audience avec 40% de spectateurs étudiants (universitaires et de tous les niveaux d’étude), les responsables s’aperçoivent également que, de façon générale, les étudiants actuels de la Faculté de musique assistent moins aux concerts facultaires que les étudiants d’il y a dix ou vingt ans85. Ils observent que la génération étudiante actuelle semble travailler beaucoup plus en dehors du campus, ce qui les rend moins disponibles. Ils notent qu’il y a environ une décennie, les étudiants de la faculté de musique avaient davantage l’habitude de faire de la faculté un espace convivial de vie. Les étudiants passaient la journée à l’université: aller en cours, répéter son instrument, étudier à la bibliothèque, voir un concert d’un collègue, faire un 5@7 à la cafétéria. D’après l’équipe de l’UdeM, c’est moins le cas aujourd’hui. Au contraire, les étudiants semblent extrêmement sollicités par diverses activités extrascolaires, et passent ainsi moins de temps à la faculté. De plus, les interviewés notent qu’auparavant, nombre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

85La principale exception à cette tendance sont les étudiants compositeurs des programmes de musiques

numériques qui assistent en grand nombre aux concerts de la série Ultrasons où leurs œuvres et celles de leurs consœurs et confrères d’études sont présentées – un « esprit de corps » est manifeste au sein de ce groupe, accentué par le fait que les étudiants de musiques numériques collaborent souvent ensemble dans leurs travaux et expérimentations.

de professeurs incluaient très souvent la présence aux concerts de la faculté comme une activité obligatoire dans le cadre de leurs cours et évaluations. Cela n’est plus une pratique aussi courante de nos jours. Un des répondants de l’UdeM exprime ainsi son point de vue :

Il faut ouvrir les horizons des étudiants, et la Faculté est un lieu idéal pour ça, parce que toute une gamme de concerts leur est offerte. Ça aiderait certainement que les professeurs incitent davantage les étudiants à assister aux concerts, et tout particulièrement aux événements qui peuvent avoir des liens avec leurs cours. Et ensuite, ça pourrait amener davantage les étudiants vers les productions des autres organismes culturels86.

Cette même vision critique est partagée par l’équipe de la SMCQ, qui se montre d’ailleurs déçue par le faible engagement des professeurs au sein des facultés de musique :

La SMCQ propose des concerts et aussi des activités académiques. Il est triste qu’on s’aperçoive que la plupart des étudiants en composition ne viennent pas aux concerts. Cela est même étonnant et contradictoire. Par exemple, dans une journée d’étude consacrée au compositeur Denis Gourgeon qu’on a fait, il y a seulement un de ses élèves qui est venu.

Pour l’équipe de la SMCQ, il ne peut être que très décevant d’investir autant d’énergie dans l’organisation d’évènements que les musiciens et les compositeurs eux- mêmes ne valorisent pas autant qu’ils le devraient.

En résumé, d’une part, les organismes musicaux avouent que les activités ciblant les jeunes universitaires doivent être renforcées, et d’autre part que les actions entreprises n’ont pas obtenu le retour enthousiaste souhaité de la part des professeurs comme des étudiants. Il est inutile d’insister sur le fait qu’il existe une différence de mission et de structure fondamentale entre les écoles et les universités. Cette différence rend le modèle d’activités à destination des enfants non transposable à la tranche d’âge étudiée. Mais la question de l’engagement du corps professoral peut être questionnée par comparaison. Pour résoudre ce problème, les notions d’engagement et de sociabilité dans les actions de développement de publics pour les jeunes adultes se révèlent un chemin efficace, comme semble le suggérer le modèle des « ambassadeurs » de l’OSM et de l’Opéra de Montréal. Mais avant d’aborder ce sujet, il est nécessaire de se pencher sur le changement du profil et des modes de consommation en matière de musique de la génération des 18-34 ans.

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