• Aucun résultat trouvé

Bref historique du développement des publics de la musique classique à Montréal de 2004-

2. Un portrait des défis pour attirer le public d’étudiants universitaires montréalais à l’heure actuelle

2.1. Remarques préliminaires

2.2.4. Le goût musical

La suroffre d’activités culturelles à Montréal et la multiplication des formes d’accès à la musique – grâce notamment aux nouvelles technologies – rendent la compétition pour attirer le public plus forte que jamais. Deux grandes tendances en matière de programmation se dégagent lorsqu’il s’agit de contrer cette suroffre. D’une part, les organismes de musique classique investissent dans un répertoire singulier, afin de rendre leur offre irremplaçable. D’autre part, ces organismes s’ouvrent de plus en plus vers un dialogue avec d’autres genres musicaux ou d’autres disciplines artistiques. L’omnivore culturel circule alors librement entre les divers milieux culturels, entrainant une dissolution des frontières entre les styles et une fusion des étiquettes.

Au cours de l’entrevue avec l’équipe de l’Opéra de Montréal, Guillaume Thérien aborde la question de la difficulté d’attirer cette génération de 18-34ans, la génération Y marqué par l’instantanéité, diversité et rapidité du flux des informations à la « Twitter », puisqu’ils sont habitués à faire plusieurs tâches à la fois. Le portrait de cette génération si dynamique représente un défi lorsqu’il s’agit de les inviter à rester assis et muets durant !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

89La Maison symphonique, principale salle de concert de Montréal est au centre ville, sur une ligne

principale du métro. Tandis que la Salle Claude Champagne est en haut d’une colline à l’Université de Montréal, située de l’autre côté du Mont-Royal, sur une ligne de métro secondaire.

un opéra qui dure trois heures90. Par ailleurs, Pierre Vachon nous rappelle que le public de l’opéra aime beaucoup comparer diverses versions ou mises en scène d’un même spectacle: « Pour les maniaques, il est possible de voir dix versions différentes de La Traviata en deux semaines. Ce n’est pas la même habitude de consommation ou la même passion que l’on retrouve chez le public de la musique symphonique ou de la musique de chambre ». Pour Guillaume Thérien, l’habitude de consommation de ces « maniaques de l’opéra » est un avantage. De plus, le caractère éclectique du goût musical de la génération des omnivores qui « écoute du hip-hop comme du Brahms sur son baladeur » peut représenter une opportunité intéressante pour le développement de public. En effet, en théorie du moins, ce décloisonnement et cette ouverture d’esprit facilitent l’accès à l’opéra qui offre, par la mise en scène, des approches renouvelées des œuvres du répertoire, faisant appel à l’éclectisme. C’est le cas, par exemple des mises en scènes qui s’écartent du cadre spatio-temporel des œuvres. Mais Thérien comme Vachon rappellent que dans ce cas, même les spectateurs qui ne sont pas mélomanes demeurent très exigeants vis-à-vis de la mise en scène, car ils ont accès en ligne à plusieurs sources de comparaison. Ils arrivent donc à l’opéra avec une opinion parfois solidement ancrée, ou encore ils ne viennent pas à l’opéra parce que ce qui leur est proposé ne correspond pas à ce qu’ils ont vu et apprécié sur le web.

En ce qui concerne l’OSM, c’est avec la Virée classique, leur principale activité de développement de public, que l’organisme tente de forger le goût de ses auditeurs par un répertoire très travaillé :

Le choix de répertoire est un choix d’abord artistique et non pas du développement de publics. Mais en général, nos nouveaux publics recherchent les œuvres classiques, les

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

90 Nous pourrions questionner l’argument de la baisse d’attention des jeunes, notamment si nous prenons en

compte les marathons que plusieurs font lorsqu’ils regardent des séries complètes sur Netflix ou sur d’autres plateformes streaming pendant des heures Cependant, il faut noter que l’opéra et les séries télévisuelles ont des formats complètement distincts. Les séries font appel à plusieurs techniques audiovisuelles pour se rendre addictives, comme la méthode de l’enchaînement « problème-réaction- solution » ou de toujours finir l’épisode en suspense. Il y a aussi la facilité avec laquelle ces services sont disponibles sur plusieurs supports (télévision, téléphone intelligent, ordinateur, tablette, entre autres). De plus, plusieurs études soulignent la capacité multitâche de la génération Y, qui fait des marathons de séries télé en même temps qu’elle regarde les médias sociaux ou l’Internet et qu’elle commente en direct l’épisode visionné. Voir : Sidneyeve Matrix, “The Netflix Effect: Teens, Binge Watching, and On-Demand Digital Media Trends”, Jeunesse: Young People, Texts, Cultures, Volume 6, Issue 1, Summer 2014, pp. 119-138. [disponible sur: http://muse.jhu.edu/journals/jeu/summary/v006/6.1.matrix.html]

créations inattendues et une expérience bonifiée en salle, par exemple le mariage du classique avec le pop ou la musique électronique91.

Ainsi, la Virée classique joue sur tous ces paramètres en jumelant tradition du répertoire, modernité des approches éclectiques qui allie œuvres classiques et populaires, ainsi que la rencontre des artistes et de leur public.

Dans le cas de l’Opéra de Montréal, le format du spectacle impose moins de variété de répertoires qu’un orchestre pourrait explorer. La direction artistique propose alors au moins un opéra très populaire ou connu par saison afin de promouvoir leur mission de « maison du répertoire ». En 2014/15 c’était Le Barbier de Séville de Rossini. D’ailleurs, Guillaume Thérien explique que la présence des œuvres plus blockbuster permet le financement des spectacles de découverte, comme de nouvelles présentations et même des créations comme par exemple, Dead man walking de Jake Heggie en 2012/13 ou la création de la version francophone de Thèrese Raquin de Tobias Picker en 2002.

Cette dialectique de l’ancien et du nouveau se traduit de façon variable en fonction des organismes, mais dont l’analyse nous permet de la considérer de même nature. Le développement du public peut passer par le renouvellement du répertoire et un nouvel équilibre entre les œuvres classiques et la création contemporaine. Le cas le plus significatif dans ce sens est celui de la SMCQ qui essaie de déconstruire les préjugés existants sur la musique contemporaine, préjugés qui seraient l’un des principaux freins à la fréquentation de leurs concerts. La méthode adoptée par la SMCQ serait celle de la variété du répertoire. Aïda Aoun, directrice de la SMCQ explique :

C’est vraiment tout un défi, je pense que c’est ça le secret pour aller chercher plus de public et le garder : varier le répertoire. Parce que si on programme des œuvres qui s’adressent uniquement à un public connaisseur, on n’aura pas du grand public. On ne renouvèlera jamais notre public. La musique classique est plus accessible à tout le monde92.

Pour la SMCQ, il est important d’inclure parfois des œuvres du XXe siècle plus tonales qui font désormais partie du répertoire. Par ailleurs, l’équipe de la SMCQ défend que les éléments de découverte et de création favorisent la présence d’une audience plus !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

91Entrevue avec Gilbert Brault (directeur principal de marketing et développement de l’OSM) réalisée pour

ce mémoire, 2014.

jeune dans leurs concerts, même si pour le moment, nous n’avons pas de données précises à cet effet.

Toujours dans cette question de l’équilibre du répertoire du passé et du présent, l’UdeM a d’une part l’obligation de faire jouer les grands classiques par les étudiants pour une question de formation académique; d’autre part, la richesse de la création, puisqu’un cinquième des étudiants fait de la musique numérique, vidéomusique, performance interactive. Ces étudiants donnent des concerts dans le cadre d’atelier et de cours, mais il faut ajouter à cette production de concerts les concerts du cercle de compositeurs qui se donnent à la Salle Claude Champagne. Le cas de l’université est particulier, car la diversité des cours de musique offerts permet dans une même semaine d’offrir un concert d’orchestre de gamelan, un opéra, un récital de basson, un concert du Big Band de jazz, une performance de tai-chi interactif, une œuvre électronique pour four micro-ondes et pop-corn… C’est le paradis des omnivores musicaux. Cependant, les goûts du public des 18-34 ans et le répertoire offert ne sont pas les seuls aspects importants pour comprendre le succès (ou pas) des concerts vivants. En effet, il faut aussi parler de la figure de l’artiste et de l’aspect social de la sortie culturelle.