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12. L'analyse des systèmes scissionnistes et unitaires montrent bien que dans les deux

approches plusieurs questions se posent. Dans un souci de coordination entre les États, certains tempéraments ont dès lors été adoptés tant dans les pays suivant une approche unitaire que dans ceux adoptant un régime scissionniste. Dans les premiers, ces correctifs peuvent conduire à une décomposition de la succession en plusieurs masses, chacune régie par une loi différente23 ; a contrario dans les deuxièmes, ces mécanismes visent à assouplir les effets de la scission, en conduisant dans certaines hypothèses à une réglementation unitaire de la succession.

a) Les atténuations dans les pays dualistes

Pour faire face aux inconvénients provoqués par le système dualiste, les États scissionnistes ont adopté un certain nombre d'instruments.

α) Le droit au prélèvement

13. Dans le passé, l'une des principales atténuations à la stricte division des masses, bien

que fortement discutée24, était l'institution du prélèvement.

14. Introduite par une loi française de 1819, cette mesure a mis fin définitivement au droit

d'aubaine frappant les successions d'étrangers en France avant la Révolution, tout en prévoyant, à son article 2, que « dans le cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France, une portion égale à la valeur des biens situés en pays étrangers dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ». L'objectif du «

23 À cet égard, A.BONOMI (Successions, op. cit., p. 136) parle de « scission importée ».

24 À cet égard, G.L.A.DROZ (Conflits de lois en matière de successions et de régimes matrimoniaux, in

Journal des notaires, 1961, artt. 46327 et 46336), a qualifié cette institution comme un « anachronisme honteux du droit international privé français ». V. aussi, pour une étude comparée de cette institution, F.

prélèvement nationaliste »25 est bien clair : rétablir, autant que possible, l'égalité de partage prévue en France au profit de l'héritier français lésé dans un règlement successoral étranger. Techniquement, cela implique que le juge français doit prendre en compte l'ensemble des biens successoraux, étrangers comme français, et calculer le montant du prélèvement en considérant la différence entre la part octroyée au cohéritier français selon la loi étrangère et celle qui résulte de l'application de la lex successionis française. Le principe scissionniste connaît alors une exception, le prélèvement s'exerçant sur les meubles comme sur les immeubles qui dépendent de la succession étrangère, sans aucune distinction entre les deux masses.

15. Pendant longtemps attaquée tant par la doctrine26 que par la jurisprudence française27, cette institution a fini par être abrogée en 2011 par le Conseil constitutionnel qui, saisi de la question de la conformité du droit de prélèvement au principe d'égalité posé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, a déclaré l'inconstitutionnalité de l'article 2 de la loi de 181928

25 Suivant la formule utilisée par G.L.A.DROZ, Regards sur le droit, op. cit., 232

26 v. notamment S.BILLARANT, Le caractère substantiel de la réglementation française des successions

internationales. Réflexions sur la méthode conflictuelle, Paris, 2004, pp. 198 ss. qui envisage une nouvelle

formulation du prélèvement, finalisé à compenser la non-effectivité de la règle de conflit dans le cadre d'une succession ouverte à l'étranger. Similairement, F.BOULANGER (Droit international des successions, op. cit., p. 41) considère que « le droit français continuant de reposer sur la division des masses, la suppression du

prélèvement nationaliste ne serait envisageable que par son remplacement par le prélèvement compensatoire [...]».

27 v. par exemple G.L.A. DROZ, in Rev. crit. dr. int. priv., 1973, pp. 315 ss. (note à l'arrêt « Rougeron », Cass., civ., 1er février 1972) et ivi, 1983, pp. 282 ss. (note à l'arrêt « Odell Caron », C.A. Aix, 19 mars 1982) ; Y.LEQUETTE, in Rev. crit. dr. int. priv., 1985, pp. 525 ss. (note à l'arrêt « Holzberg », C.A. Paris, 12 juillet 1984).

28 Cons. Const., 5 août 2011, n° 2011-159 QPC, in Dalloz, 2012, 1228, observations de H.GAUDEMET- TALLON et F. JAULT-SESEKE ; v. aussi sur cette décision in Défrénois, 2011, p. 1351, note de M. REVILLARD ; in JDI, 2012, p. 135, note de S.GODECHOT-PATRIS ; B.ANCEL, Inconstitutionnalité du droit de

prélèvement de l'héritier français dans les successions internationales, in Rev. crit. dr. int. priv., 2013, pp.

16. En dépit de sa disparition en France, et bien qu'ignoré par le Règlement (UE) n°

650/201229, cette institution a toutefois connu un certain succès à l’étranger. Ainsi, le prélèvement a été adopté au Gabon30, au Chili31,au Brésil32 ou encore au Québec33.

β) Le renvoi

17. En parallèle au prélèvement, la pratique du droit international privé a vu naître, dans

plusieurs pays, un ultérieur tempérament à l'approche dualiste : l'admission du renvoi34 . Dans cette matière, l'attitude des systèmes juridiques nationaux est très variée ; il a en effet certains pays qui excluent de manière générale le mécanisme du renvoi35, alors que

29 Une telle prévision serait en effet contraire au principe de non-discrimination consacré par l'art. 18 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), aux termes duquel « Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent prendre toute réglementation en vue de l'interdiction de ces discriminations ».

30 Art. 54 de la loi gabonaise du 29 juillet 1972 (v. F.BOULANGER, Droit international des successions, op.

cit., p. 42).

31 L'art. 998 du Code civil chilien dispose en effet : « En la sucesión abintestato de un extranjero que

fallezca dentro o fuera del territorio de la República, tendrán los chilenos a título de herencia o de alimentos, los mismos derechos que según las leyes chilenas les corresponderían sobre la sucesión intestada de un chileno » (v. R.Dominguez Benavente-R.Dominguez Aguila, Derecho Sucesorio, 1998,

Juridica de Chile, p. 69).

32 Art. 10 de la « Lei de introduçao » brésilienne. Sur l'évolution du prélèvement au Brésil, v. A.TIEDEMANN, Internationales Erbrecht Deutschland und Latein-amerika, Tübinge, 1993

33 Art. 3100 du Code civil qui ainsi statue « Dans la mesure où l'application de la loi successorale sur des biens situés à l'étranger ne peut se réaliser, des correctifs peuvent être apportés à même les biens situés au Québec notamment au moyen d'un rétablissement des parts, d'une nouvelle participation aux dettes ou d'un prélèvement compensatoire constatés par un partage rectificatif » (en général sur cette institution dans le droit québécois, v. B.Lefebvre, Récents développements en droit des successions: Le droit québécois, in

Electronic Journal od Comparative Law, vol. 14.2., octobre 2010, consultable à l'adresse

http://www.ejcl.org/142/art142-2.pdf).

34 En général sur le renvoi, v. PH. FRANCESKAKIS, La théorie du renvoi et le conflits de systèmes en droit

international privé, Paris, Dalloz, 1958 ; sur l'application du renvoi en droit comparé, v. A.BONOMI,

Successions, op. cit ., p. 137 ss.

d'autres36 distinguent entre le renvoi au premier degré, admis, et le renvoi au deuxième degré, en principe prohibé37.

Dans certains pays enfin, le renvoi n'est pris en compte que dans des secteurs déterminés38, dont les successions en font généralement partie. C'est d'ailleurs dans ce même domaine que le mécanisme du renvoi a connu une application majeure : d'une part, en tant qu'instrument capable de surmonter l'obstacle représentée par l'application de plusieurs critères de rattachement à une même succession, en « jetant des ponts39 » entre les différents droits nationaux ; d'autre part, en tant que moyen permettant, dans certains cas, de parvenir à une réglementation uniforme et unitaire de la succession40.

C'est en raison de ces avantages que plusieurs pays scissionnistes ont fini par admettre, dans certaines hypothèses, le recours au jeu du renvoi, tant pour les biens meubles que pour les biens immeubles.

18. Cette évolution est bien visible en France, où en dépit des critiques de la doctrine

classique41, la jurisprudence s'est traditionnellement montrée favorable à l'admission du renvoi, notamment en matière successorale. Ce sont les arrêts « Forgo » (1878) et « Soulié »42 (1882) qui ont consacré le renvoi au premier degré pour les biens meubles,

36 C'est l'approche adopté, par exemple, en Espagne (art. 12, alinéa 2, du Code civil), de la Roumanie (art. 4 de la loi du 22 septembre 1992), ou encore de certains pays du Sud-Est asiatique, comme le Japon (v. T.HAYASHI, International Succession in Japan, in Japanese Yearbook of International Law, 2009, pp. 445 ss.) et la Corée du Sud (art. 9 de la loi du 7 avril 2001).

37 Le renvoi au deuxième degré peut toutefois être admis dans un souci d'unité de la succession. C'est le cas de l'art. 4 de la loi de droit international privé du Venezuela du 6 août 1998 qui ainsi dispose : « Cuando

el Derecho extranjero competente declare aplicable el Derecho de un tercer Estado que, a su vez, se declare competente, deberá aplicarse el Derecho interno de este tercer Estado » . Similairement, en Italie, l'article

13, alinéa 1, lettre b), de la loi du 31 mai 1995 de réforme du droit international privé, admet le renvoi au deuxième degré dans la seule hypothèse où celui-ci conduit à la désignation de la loi italienne (« se si tratta

di rinvio alla legge italiana »).

38 Tel est le cas de la Belgique (art. 78, par. 2, Code civil) et de la Suisse (art. 14, al. 1, Loi de droit international privé).

39 A.BONOMI, Successions , op. cit ., p. 138

40 Pour une analyse comparée du renvoi en droit des successions internationales, v. notamment H.KUHN- ADLER, Der Renvoi in internationalen Erbrecht der Schweizz, Zurich, Shulthess, 1998

41 La doctrine classique, représentée par Bartin, était hostile au renvoi, voyant dans ce mécanisme un abandon de souveraineté et un risque que la succession, du fait d'une série indéfinie de renvois, se transforme en un cercle vicieux (P.MAYER-V.HEUZÉ, Droit international privé, 11éd., 2014, n° 799-802). 42 Cass., 24 juin 1878, in Clunet, 1879, p. 285 et Cass., 22 février 1882, in Dalloz, 1882, 1, p. 301 ; B.ANCEL-Y.LEQUETTE, Les grands arrêts, op. cit., n.° 7-8, pp. 60 ss.

alors que le renvoi au deuxième degré n'a été admis par la Cour de Cassation qu'en 1938 avec l'arrêt « Marchi della Costa »43 qui a affirmé le caractère « en principe obligatoire » de cet instrument.

Suivant le courant de faveur de la jurisprudence, le mécanisme du renvoi a fini par être accepté également dans la doctrine moderne, selon laquelle le renvoi serait avant tout justifié pour des simples raisons d'opportunité, à savoir l'exigence de réunir en une seule masse les biens meubles et immeubles scindés par le système français des règles de conflit de lois en matière successorale44. Preuve de cet approche en est la récente position adoptée par la Cour de Cassation sur le renvoi en matière de succession immobilière. Ainsi, dans l'arrêt « Ballestrero45 » relatif à la succession d'un de cujus français ayant des immeubles

en Italie, les juges de la Haute juridiction ont admis le renvoi de la loi italienne, loi du lieu de situation des biens immobiliers, à la loi française, en tant que loi nationale du défunt. Il en est de même dans l'arrêt « Wildenstein46 », qui a ultérieurement clarifié la

position du droit positif à l'égard du renvoi : celui-ci, en effet, serait admis non pas dans toute hypothèse, mais seulement au cas où il permettrait de soumettre les immeubles successoraux situés à l'étranger à la loi régissant la succession mobilière, pour garantir ainsi l'unité du règlement successoral. Ce même approche a enfin été confirmé en 2009 par l'arrêt « Riley47 », où la Cour de Cassation a circonscrit l'utilisation du renvoi en ces

termes : « En matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la loi de situation de l'immeuble ne peut être admis que s'il assure l'unité successorale et l'application d'une même loi aux meubles et aux immeubles ».

19. Une telle prise de position en faveur d'une uniformité du règlement des successions

internationales devrait dès lors faciliter la mise en place en France du Règlement n°

43 Cass., 7 mars 1938, in Rev. crit. dr. int. priv., p. 474, note de H.BATIFFOL

44 En ce sens B.ANCEL, note à Cass. civ. 1ère, 11 février 2009, in Rev. crit. dr. int. priv., 2009, p. 512 ; R.LEREBOURG-PIGEONNIÈRE (Observations sur la question du renvoi, in Clunet, 1924, p. 877) justifiait en revanche le renvoi comme un instrument permettant la coordination des règles de conflit de lois. Cette même théorie a été reprise par la suite par H.BATIFFOL (v. H.BATIFFOL-P.LAGARDE, Droit international

privé, op. cit., n° 284). Contra F.BOULANGER, Droit international des successions, op. cit., pp. 45 ss.

45 Cass. civ. 1ère, 21 mars 2000, Rev. crit. dr. int. priv., 2000, p. 399, note de B. ANCEL ; D. 2000, p. 539, note de F.BOULANGER

46 Cass. civ. 1ère, 20 juin 2006, Clunet, 2007, p. 125, note de H.GAUDEMET-TALLON 47 Supra, note 42

650/2012, destiné à remplacer le principe dualiste par un critère de rattachement unique et unitaire tant pour la loi applicable que pour la compétence juridictionnelle (infra n°57 et s.).

À cet égard, il convient d'ailleurs de noter que récemment la Cour de Cassation, poussée par la même logique unitaire, est arrivée à admettre le renvoi juridictionnel, en considérant qu'en l'espèce le renvoi opéré par la loi espagnole à la loi française, loi nationale du défunt, aurait permis au juge français, saisi du fait d'un immeuble situé en France, de pouvoir régler l'intégralité de la succession (sauf exception, bien entendu, pour les opérations juridiques et matérielles découlant de la loi de situation de l'immeuble sis en Espagne)48.

20. Quant aux autres droits étrangers adoptant le principe dualiste, le renvoi a souvent

permis, dans certaines situations, de conduire à une réglementation unitaire de la succession. Tel est le cas de Monaco, où la jurisprudence a admis le renvoi de la loi belge, applicable à la part mobilière d'une succession, à la loi monégasque, régissant les biens immeubles49. Il en est de même pour la Belgique où les juges, dans le cadre de la succession d'un belge domicilié et décédé dans ce pays mais laissant un immeuble en Espagne, ont admis le renvoi de la loi espagnole, lex situs, à la loi belge, loi du domicile du défunt, afin de préserver l'unité de la succession50.

21. Quelques particularités sont au contraire présentes dans les pays de common law. Dans

ces systèmes juridiques, notamment en droit anglais, le renvoi est en effet fréquemment admis pour les successions immobilières ; les successions mobilières posent en revanche plus de difficultés, liées à l'application de la fameuse règle de la « foreign court theory51 »

que les tribunaux anglais ont tendance à suivre depuis 1926. Ainsi, selon cette méthode, l'adoption du renvoi dépendra de l'attitude supposée du juge étranger à l'égard d'une

48 Cass. civ. 1ère, 23 juin 2010, Clunet, note de H.PÉROZ

49 CA Monaco, 17 avril 1972, Rev. crit. dr. int. priv., 1974, p. 76, note de Y.LOUSSOUARN. Il est intéressant de noter que dans un cas antérieur du 4 janvier 1936 (Rev. crit. dr. int. priv., 1939, p. 477) la cour avait refusé d'admettre le renvoi.

50 Cour Anvers, 22 avril 1986, Clunet, 1989, p. 768, note de L.BARNICH

51 A.V.DICEY-H.C.MORRIS-L.COLLINS, The Conflicts of Laws, 15ème éd., Londres, Sweet & Maxwell, 2014, n. 4

certaine question : cette approche est bien visible dans l'affaire « Ross52 » de 1929, où le

juge anglais, dans une succession ouverte en Italie d'une défunte anglaise, a débouté le fils de la de cujus de ses prétentions sur la moitié de la réserve des biens mobiliers, à laquelle celui-ci aurait eu droit selon la loi italienne, en considérant que le juge italien, en pareille situation, aurait appliqué la règle de conflit italienne qui désigne la loi anglaise, en tant que loi nationale du défunt. A contrario dans l'affaire « In Re Annesly53 », le juge

anglais a tenu compte du renvoi de la loi française du lieu de situation à la loi anglaise du domicile, mais il a fini par appliquer la loi française au motif que le droit français aurait à son tour accepter le renvoi. En revanche la situation est encore différente aux États-Unis où, bien que la « foreign court theory » ait permis, dans certains cas, à garantir l'unité successorale54, le mécanisme du renvoi a rarement été pris en compte par la jurisprudence, notamment en matière de succession mobilière55.

b) Les atténuations dans les pays unitaires

22. Le jeu du renvoi n'est pas une prérogative aux pays adoptant une approche dualiste.

Dans la plupart des systèmes qui adoptent un régime unitaire ce mécanisme est en effet admis, tant au premier qu'au deuxième degré, dans un but de favoriser une meilleure

52 High Court, 14 novembre 1929, Rev. crit. dr. int. priv., 1930, p. 130 ; v. aussi J.FAWCETT, J.CARRUTHERS, P.NORTH, Cheshire, North & Fawcett, op. cit., p. 62; T.BRANDI, Das Haager Abkommen

von 1989 über das auf die Erbfolge anzuwendende Recht, Berlin, Duncker & Humblot, 1996. Il convient

toutefois de noter que dans de nombreuses autres décisions le renvoi a été refusé par la jurisprudence anglaise. V. notamment D. MCCLEAN-K.BEEVERS, The Conflicts of Laws, 8ème éd., 2012, Londres, Sweet & Maxwell, pp. 505 ss., qui affirment : « it must be stressed that for every case which supports the doctrine [du renvoi] there are hundreds of cases in which the domestic rules of the foreign law have been applied

without any reference to its conflicts rules […] though it must be admitted that most of these cases can be explained on the ground that no one was concerned to argue that the reference to foreign law included its rules of the conflict of laws ».

53 « In Re Annesly » [1926],Ch. 692

54 v. par exemple l'affaire « Re Schneider's Estate », Surrogate's Court of New York, 10 avril 1950, Clunet, 1950, p. 977 ; RabelsZ, 1951, p. 633, note de K. ZWEIGERT

55 L.L. MC DOUGAL III, R.L. FELIX et R.V. WHITTEN, American Conflicts Law, 6ème éd., Carolina Academic Press, 2011, pp. 652 ss.. Toutefois le « Restatement Second on Conflict of Laws », par. 8 et 265 admettent le renvoi, de même que E.SCOLES - P. HAY - P. BORCHERS - S. SYMENOIDES, Conflict of Laws,

coordination entre d'une part les règles successorales locales et, d'autre part, le régime prévu dans les autres pays concernés par la succession.

Ce souci d'harmonisation entre systèmes a néanmoins un prix, constituant le principal inconvénient de l'utilisation du renvoi : la scission de la succession.

23. Ainsi, dans les pays adoptant comme critère de rattachement la nationalité du de cujus,

lorsque la loi nationale prévoit une approche dualiste la succession peut être scindée56. Tel est le cas de l'Italie, où la loi du 31 mai 1995, n. 218, de droit international privé, a prévu, à son article 13, l'admission du renvoi57. Celui-ci est dès lors pris en compte tant dans l'hypothèse où la loi désignée comme applicable est celle d'un État tiers et que celle- ci, par ses règles de rattachement, renvoie à loi italienne (c'est le renvoi « au premier degré » ou « rinvio indietro »), que dans le cas où la loi désignée comme applicable est celle d'un État tiers et que celle-ci renvoie à la loi d'un autre État (c'est le renvoi « au deuxième degré » ou « rinvio oltre »). Si donc un français décède domicilié en Italie et laisse un immeuble en Allemagne, la règle ci-dessus décrite aboutit au résultat suivant : la règle de conflit italienne renvoie à la loi française, qui pourra alors faire jouer la loi italienne pour les biens meubles et la loi allemande pour les biens immeubles. Le juge italien va ainsi accepter le renvoi opéré par la loi française au droit italien du dernier domicile (renvoi au premier degré), de même que le renvoi effectué par la loi allemande à la loi française de la nationalité (renvoi au deuxième degré). On peut ainsi voir que dans cette hypothèse la coordination entre les différents régimes successoraux est certes assurée, mais en même temps l'unité initiale finit par être rompue et la scission instaurée. Ce résultat est également visible pour les systèmes fondés sur le critère du dernier domicile du défunt : dans ces derniers en effet, dès lors que l'État où le de cujus était domicilié au moment de

56 C'est le cas de l'Allemagne (art. 4 EGBGB), où la jurisprudence admet que le renvoi puisse conduire à une scission de la succession (v. par exemple Oberlandesgericht Karlsruhe, 29 juin 1989, NJW, 1990, p. 1420). Le renvoi est également admis en droit autrichien (v. M.SCHWIMANN, Internationales Privatrecht,