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Section 2 – Les conférences intergouvernementales comme forme alternative de

B) Les conférences constitutionnelles, une authentique coalition politique au

Au Canada, le fédéralisme exécutif a été et est toujours un moteur de la construction étatique et un processus privilégié pour la conduite des relations entre les partenaires constitutifs de l’association politique. Véritable fil conducteur de l’histoire constitutionnelle canadienne, le fédéralisme intergouvernemental est un incontournable du processus constituant de cet État. Pour en faire la démonstration, nous aborderons ici plus généralement le rôle des conférences constitutionnelles dans l’histoire canadienne (i), puis l’intervention des peuples autochtones lors de ces mêmes conférences (ii).

i) Les conférences constitutionnelles, un fil conducteur de l’histoire canadienne

Le Canada est né de l’action concertée d’hommes politiques en provenance des colonies de l’Amérique du Nord britannique459. Ceux-ci – les Pères de la Confédération – se rencontrèrent lors de conférences à Charlottetown, à Québec et à Londres, entre septembre 1864 et décembre 1866, pour donner ses fondements futurs au Canada, lequel était alors toujours un dominion britannique460. C’est donc par un processus d’agrégation, qui prit forme lors de conférences constitutionnelles, que le Canada a vu le jour461.

459 Peter H. RUSSELL, Constitutional Odyssey. Can Canadians Become a Sovereign People?, 3e éd.,

Toronto, University of Toronto Press, 2004, p. 12 et suiv.; Patrick J. MONAHAN, Byron SHAW et

Padraic RYAN, Constitutional Law, 5e éd., Toronto, Irwin Law, 2017, p. 48 et suiv.; Réjean PELLETIER, « Constitution et fédéralisme », dans Réjean PELLETIER et Manon TREMBLAY (dir.), Le

parlementarisme canadien, 4e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, p. 41, aux pages 46

et suiv.; Peter H. RUSSELL, Canada’s Odyssey. A Country Based on Incomplete Conquests,

Toronto, University of Toronto Press, 2017, p. 125 et suiv.; Marc CHEVRIER, « La genèse de l’idée fédérale chez les pères fondateurs américains et canadiens », dans Alain-G. GAGNON (dir.), Le

fédéralisme canadien contemporain. Fondements, traditions, institutions, Montréal, Presses de

l’Université de Montréal, 2006, p. 19.

460 James Ross HURLEY, La modification de la Constitution du Canada. Historique, processus,

problèmes et perspectives d’avenir, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada,

1996, p. 10.

461 Le Canada de 1867 ne comptait que les provinces du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-

Après sa création, en 1867, et avant le rapatriement constitutionnel de 1982, le Canada acquiert lentement les différents pans de sa souveraineté étatique face au Royaume- Uni462. Tout au long de cette période de 115 ans, il n’existe aucune procédure formellement

canadienne de révision de sa Constitution. Puisqu’elle est une simple loi britannique, le pouvoir de modifier la Constitution du Canada revient toujours au Parlement britannique463. Une pratique s’installe toutefois progressivement, laquelle consiste en la tenue de conférences constitutionnelles entre tous les premiers ministres au pays464. Lors de ces conférences, les élites politiques canadiennes peuvent parfois s’entendre sur le contenu d’une révision de la Constitution, qu’elles peuvent ensuite demander au Parlement britannique de formellement adopter465.

Cette pratique de conférences constitutionnelles et de négociations intergouvernementales préalables à une demande de révision de la Constitution est à ce point ancrée au Canada que la Cour suprême a statué, en 1981, qu’il existait une convention constitutionnelle voulant qu’un « degré appréciable de consentement provincial […] est conventionnellement nécessaire pour modifier la constitution canadienne466 ». Justifiant l’existence de cette convention « parce que le principe fédéral est inconciliable avec un état des affaires où l’action unilatérale des autorités fédérales peut entrainer la modification des

Territoires du Nord-Ouest. L’année suivante, c’est la Colombie-Britannique qui joint la Confédération, puis l’Île-du-Prince-Édouard en 1873 et le Yukon en 1898. Suivent enfin l’Alberta et la Saskatchewan en 1905, qui sont alors découpées des Territoires du Nord-Ouest. Terre-Neuve- et-Labrador complète le portrait en 1949. Enfin, le Territoire du Nunavut est créé en 1999 par son détachement du Territoire du Nord-Ouest.

462 Processus qu’Henri BRUN, Les institutions démocratiques du Québec et du Canada, Montréal,

Wilson & Lafleur, 2013, p. 5, qualifie ainsi : « Le Canada est devenu un État par filiation juridique. Sa souveraineté lui a été concédée par l’État dont il est issu, la Grande-Bretagne ».

463 J.R. HURLEY, préc., note 460, p. 19

464 En effet, « le Parlement canadien ne sollicite aucune modification ayant des incidences directes

sur les relations fédérales-provinciales sans avoir consulté les provinces et avoir obtenu leur accord » : J.R. HURLEY, préc., note 460, p. 20

465 J.R. HURLEY, préc., note 460, p.; P.J. MONAHAN, B. SHAW et P. RYAN, Constitutional Law,

préc., note 459, p. 165 et suiv.; Paul GÉRIN-LAJOIE, Constitutional Amendment in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1950.

pouvoirs législatifs provinciaux467 », la Cour suprême avait alors elle-même renforcé ce forum que sont les conférences constitutionnelles.

Ensuite, après le rapatriement de 1982 et l’adoption d’une procédure proprement canadienne de révision constitutionnelle, la pratique de tenir ce type de conférences s’est maintenue468. En effet, malgré que le processus de révision prescrit par la Constitution du Canada ne l’oblige pas469, il est demeuré pratique courante de tenir des conférences intergouvernementales avant de tenter de procéder à une révision constitutionnelle470. Ces conférences « perpétuent ainsi le mécanisme direct de discussion, de négociation et de collaboration entre les élites politiques des différents groupes présents au Canada471 ». Les

conférences constitutionnelles sont restées une constante dans l’histoire canadienne et ont été au cœur des plus profonds débats concernant son avenir constitutionnel472.

467 Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, préc., note 195, 759.

468 P.H. RUSSELL, Constitutional Odyssey. Can Canadians Become a Sovereign People?, préc., note

459, p. 107 et suiv.

469 À l’exception de l’article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, en ce qui concernent les

révisions susceptibes d’affecter les droits des Peuples autochtones, et de l’article 49 de la même loi, qui forçait la tenue d’une conférence constitutionnelle « [d]ans les quinze ans suivant l’entrée en vigueur de la présente partie […] en vue du réexamen des dispositions » de celle-ci. Cette conférence a eu lieu en 1996 et « le Premier ministre du Canada a indiqué qu’il considérait avoir rempli l’obligation prévue à l’article 49 » (SECRÉTARIAT AUX AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES CANADIENNES, Rapport annuel 1996-1997, p. 25).

470 J.R. HURLEY, préc., note 460; P.J. MONAHAN, B. SHAW et P. RYAN, Constitutional Law, préc.,

note 459, p. 188 et suiv.; P.H. RUSSELL, Constitutional Odyssey. Can Canadians Become a

Sovereign People?, préc., note 459, p. 127 et suiv.

471 D. GUÉNETTE, « L’apanage des élites – Étude de la nature élitaire des processus constituants

dans les sociétés fragmentées belge et canadienne », préc., note 215, p. 213.

472 En effet, « [i]n a federal system characterized by highly autonomous governments, the existence

of a central point for managing their relationships is vital. And in a Westminster-based political system that concentrates enormous power in the hands of its ministers, clearly their meetings will be the most authoritative setting for the resolution of differences. Martin PAPILLON et Richard

SIMEON, « The Weakest Link? First Ministers’ Conferences in Canadian Intergovernmental Relations », dans Peter J. MEEKISON, Hamish TELFORD et Harvey LAZAR (dir.), Canada: The State

of the Federation. Reconsidering the Institutions of Canadian Federalism, Kingston, Institute of

Intergovernmental Relations, 2004, p. 114. Voir aussi Christopher ALCANTARA, « Ideas, Executive Federalism and Institutional Change: Explaining Territorial Inclusion in Canadian First Ministers’ Conferences », Revue canadienne de science politique, vol. 46, no 1, 2013, p. 27 : « These meetings, otherwise known as First Ministers’ Conferences (FMCs), have long been used by federal and provincial executives to negotiate solutions to a wide variety of the country’s most pressing political, social, economic and constitutional problems »; Donald J. SAVOIE, « Le pouvoir au

L’Accord du lac Meech de 1987 – malgré que ce dernier ait échoué à être ratifié par les provinces – représente d’ailleurs l’un des points culminants du fédéralisme exécutif au Canada :

In 1987, the prime minister and the ten provincial premiers of Canada completed negotiations on the Meech Lake Accord, a package of constitutional reforms designed to bring Quebec back into the constitutional fold after it had refused to sign and ratify the Constitution Act 1982. The negotiation and signing of the Meech Lake Accord was the high point of Canada’s executive federalism system, which places heavy emphasis on intergovernmental meetings473.

Or, plusieurs sont d’avis que c’est notamment en raison du processus de fédéralisme exécutif qui lui a donné forme, que l’Accord du lac Meech a échoué à éventuellement être ratifié. En ce sens, Alan C. Cairns écrit : « The amending formula, admittedly with a limited concession to representative government with its requirement of authorizing resolutions from legislative assemblies and Parliament, is overwhelmingly an affair of governments. As the Meech Lake process emphatically suggests, the 1982 amending formula allows a domination by government, in effect by 11 first ministers, that is the very acme of executive federalism474 ». José Woehrling abonde dans la même direction : « Parmi les nombreuses critiques s’adressant à l’Accord du lac Meech, l’une était dirigée contre le caractère peu démocratique du processus qui avait servi à l’élaborer, l’Accord ayant été négocié à huis clos par les onze Premiers ministres de l’époque475 ».

sommet : la domination de l’exécutif », dans Alain-G. GAGNON et David SANSCHAGRIN (dir.), La

politique québécoise et canadienne. Acteurs, institutions, sociétés, 2e éd., Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2017, p. 179.

473 C. ALCANTARA, préc., note 472.

474 A.C. CAIRNS, « Citizens (Outsiders) and Governments (Insiders) in Constitution-Making : The

Case of Meech Lake », préc., note 76, p. S123.

475 J. WOEHRLING, préc., préc., note 76, p. 20. Voir aussi la critique, formulée en ces mots devant le

Sénat, de Royal Orr, alors président du group Alliance Quebec :

As far as we are concerned, the constitutional development of Canada cannot proceed in this fashion, where 11 First Ministers – 11 men – get in a room and come up with a constitutional deal which compromises the fundamental rights of any particular group of Canadians. If that is the way we are to go about amending the Constitution in this country, I think we had all better take a very serious look at where this country may be going, because it is a completely inadequate way to

Depuis ce précédent, et face à la critique du fédéralisme exécutif opaque et peu démocratique, on constate une tendance à faire intervenir ou à tenir compte de l’avis de plus en plus d’acteurs de la société civile à l’occasion de ces conférences constitutionnelles476. En effet, nous assistons à une « globalisation du processus de modification constitutionnelle » par la « multiplication des intervenants477 » cherchant à prendre part ou à se faire entendre lors du processus de révision. Comme l’écrit José Woehrling : « Toute tentative de réforme constitutionnelle provoque désormais l’intervention quasi automatique de nombreux groupes sociaux qui s’opposent à toute modification des dispositions qu’ils considèrent comme leur étant favorables, ou qui réclament l’adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles pour avancer leur cause478 ». Il ajoute :

On a déjà mentionné les revendications des peuples autochtones et des francophones hors Québec. L’Accord du lac Meech a également entraîné l’intervention des associations féministes du Canada anglais, qui prétendaient que la limitation du pouvoir fédéral de dépenser du gouvernement fédéral empêcherait celui-ci de mettre sur pied un programme national de garderies. Ces associations craignaient également que la reconnaissance du caractère distinct du Québec menace le droit des femmes à l’égalité. De même, les Anglo-Québécois sont intervenus pour dénoncer l’Accord, dans la mesure où ils considéraient que les dispositions reconnaissant le caractère distinct du Québec menaçaient leurs droits linguistiques. Enfin, de nombreuses minorités culturelles et ethniques ont eu le sentiment que l’Accord du lac Meech rabaissait le statut qui leur a été octroyé avec l’article 27 de la Charte canadienne

des droits et libertés (qui prévoit le maintien et la promotion du

multiculturalisme)479.

Toujours selon Woehrling, « il semble que l’Accord du lac Meech ait été l’occasion pour les “tiers-groupes” de contester la pertinence du concept de la “dualité canadienne” et

advance ourselves as a nation (CANADA,SENAT, Débats du Sénat, 33e legis. 2e sess.,

vol. 2, 2 décembre 1987, p. 2252).

476 P.H. RUSSELL, Constitutional Odyssey. Can Canadians Become a Sovereign People?, préc., note

459, p. 157 et suiv.

477 José WOEHRLING, « Les aspects juridiques de la redéfinition du statut politique et constitutionnel

du Québec », Revue québécoise de droit international, vol. 7, 1991-1992, p. 12, à la page 19. Voir également A.C. CAIRNS, Charter versus Federalism. The Dilemmas of Constitutional Reform, préc., note 76.

478 J. WOEHRLING, préc., note 477, p. 20. 479 J. WOEHRLING, préc., note 477, p. 20.

de réclamer son remplacement par celui du “multiculturalisme”480 ». En ce sens, les développements ayant suivi l’échec de cet Accord et les ajustements apportés au processus de négociations constitutionnelles, de manière à le rendre plus ouvert et démocratique, avaient notamment pour objectif de répondre aux critiques formulées à l’endroit du fédéralisme exécutif481.

Or, pour Patrick Taillon, cette globalisation du processus représente un obstacle important à toute réforme future du fédéralisme canadien482. Selon lui, « [b]ien qu’elle se situe en marge du processus de négociations intergouvernementales, la participation des groupes de pression aux débats sur l’avenir constitutionnel rend encore plus difficile l’élaboration d’un consensus susceptible de réunir tous les appuis requis pour un renouvèlement du fédéralisme conforme aux intérêts du Québec483 ».

Malgré les critiques que l’on puisse aujourd’hui formuler à l’endroit du fédéralisme exécutif et des conférences intergouvernementales, il demeure que ceux-ci représentent non seulement un fil conducteur de l’histoire constitutionnelle canadienne, mais également le plus efficace mécanisme de concertation entre les élites politiques au Canada.

480 J. WOEHRLING, préc., note 477, p. 20.

481 Voir D. CAMERON et R. SIMEON, préc., note 76, p. 63 :

Après la défaite de l’Accord Meech, en 1990, les discussions constitutionnelles subséquentes prirent davantage en compte l’opinion des citoyens : on proposa que soient tenues des discussions publiques et un examen législatif avant que les gouvernements ne procèdent à huis clos. Le gouvernement fédéral organisa cinq grandes conférences publiques. Lorsque s’amorça le marchandage intergouvernemental, les représentants des principaux groupes autochtones étaient présents. Et lorsque les gouvernements eurent mis la dernière main à leur projet, celui-ci fut soumis à la population lors d’un référendum national… et fut défait. Avant l’épisode du rapatriement (1980-1982), un amendement constitutionnel procédait d’une simple décision de l’exécutif; aujourd’hui, tout indique que la convention s’est imposée de la nécessité du consentement de la population à tout changement constitutionnel d’importance.

Voir aussi J. WOEHRLING, préc., préc., note 76, p. 21.

482 Patrick TAILLON, « Les obstacles juridiques à une réforme du fédéralisme », Institut de

recherche sur le Québec, 2007, [En ligne], [irq.quebec/wp- content/uploads/2015/03/Obstaclesjuridiques.pdf], p. 22.

ii) L’intégration des peuples autochtones aux conférences constitutionnelles

Cette authentique grande coalition politique que sont les conférences constitutionnelles, bien qu’elles soient une étape informelle du processus canadien de révision constitutionnelle, a représenté une opportunité pour les peuples autochtones du Canada de prendre part à l’exercice de la fonction constituante. En effet, laissés pour compte jusqu’au tournant des années 1980484, les dirigeants autochtones ont pu, à l’occasion des débats sur le rapatriement, se tailler une place dans ce processus de négociations constitutionnelles485. À partir de ce moment, pour reprendre les termes de Christa Scholtz, « Aboriginal peoples sought a central role at the constitutional bargaining table so that the rights for which they argued would be respected486 ».

Après le rapatriement de 1982, quatre conférences constitutionnelles eurent ainsi lieu, entre 1983 et 1987, pour discuter précisément des enjeux relatifs aux peuples autochtones. Les dirigeants autochtones furent parties prenantes à chacune de celles-ci487. C’est d’ailleurs lors de la première de ces conférences que naitra la Modification constitutionnelle de 1983488, laquelle ajoutera notamment l’article 35.1 à la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article prévoit qu’avant de modifier la Constitution relativement aux droits des peuples autochtones, il est obligatoire de tenir une conférence

484 Martin PAPILLON, « Adapting Federalism: Indigenous Multilevel Governance in Canada and the

United States », Publius: The Journal of Federalism, vol. 32, no 2, 2012, p. 289, à la page 299 :

« indigenous peoples in Canada were not involved in the process leading to the creation of the federation and in its subsequent consolidation »; voir aussi GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,

Québécois, notre façon d’être Canadiens. Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, Québec, 2017, p. 15 : « [l]ors des négociations constitutionnelles qui ont mené à

l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, aucune représentation ni participation des peuples autochtones n’a été assurée ni même envisagée ».

485 John BORROWS, Freedom & Indigenous Constitutionalism, Toronto, University of Toronto

Press, 2016, p. 115-127.

486 Christa SCHOLTZ, « Part II and Part V : Aboriginal Peoples and Constitutional Amendment »,

dans Emmett MACFARLANE (dir.), Constitutional Amendment in Canada, Toronto, University of

Toronto Press, 2016, p. 85, à la page 86.

487 Jill WHERRETT, « L’autonomie gouvernementale des Autochtones », Bibliothèque du Parlement

du Canada, 1999, [En ligne], [publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/CIR/962-f.htm]; P.H.

RUSSELL, Canada’s Odyssey. A Country Based on Incomplete Conquests, préc., note 459, p. 392 et suiv.

constitutionnelle à cet effet et d’y inviter les dirigeants autochtones. C’est là le fondement d’une obligation constitutionnelle de consultation des peuples autochtones489.

Après le succès de la Modification constitutionnelle de 1983, les conférences de 1984, 1985 et 1987 se soldèrent toutefois par un échec490. Les peuples autochtones furent par la suite exclus, à nouveau, lors de débats constitutionnels qui menèrent à l’Accord du lac Meech, en 1987. Cette situation mena à « de vives protestations chez les autochtones, lesquels contribuèrent à l’échec de l’Accord en 1990491 ». Tel que l’écrit Thierry Rodon, cet « épisode montra également aux Canadiens que les Autochtones sont un acteur politique que l’on ne peut pas négliger492 ».

Le tir fut ensuite corrigé deux ans plus tard, en 1992, lorsque les dirigeants fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones prirent tous part à la négociation de l’Entente de Charlottetown. Malgré le rejet par référendum de celle-ci493, le précédent, en ce qui concerne la participation des peuples autochtones et des trois territoires du Canada au processus des conférences constitutionnelles, demeure d’une grande importance494.

Trois principales conséquences de cet épisode méritent une certaine attention. D’abord, les peuples autochtones sont aujourd’hui perçus, au moins d’un point de vue symbolique, comme des partenaires constitutionnels au Canada. En effet, en plus de Thierry Rodon, Martin Papillon affirme que, « [b]uilding on the precedent of the constitutional negotiation rounds of the 1980s, indigenous organizations have successfully established their status as “intergovernmental partners” whenever federal-provincial negotiations directly concern their interests495 ». James Ross Hurley, pour sa part, parle de

489 P.J. MONAHAN, B. SHAW et P. RYAN, Constitutional Law, préc., note 459, p. 514. 490 J. WHERRETT, préc., note 487.

491 J. WHERRETT, préc., note 487. 492 T. RODON, préc., note 297, p. 62. 493 Voir infra, chapitre 6, section 1 A) ii).

494 Voir notamment T. RODON, préc., note 297, p. 64 et 65. 495 M. PAPILLON, préc., note 484, p. 302.

« participants politiques importants au débat constitutionnel496 » pour qualifier la situation des peuples autochtones497.

Autre conséquence des précédents de la décennie de négociations constitutionnelles qui suit le rapatriement de 1982 : le rôle des peuples autochtones dans le processus de révision semble s’être étendu par le jeu des conventions constitutionnelles. D’une part, certains observateurs sont d’avis que l’obligation constitutionnelle de consultation serait aujourd’hui de portée générale. Elle entrerait en jeu lors de toute proposition de révision constitutionnelle d’envergure498. D’autre part, un usage semble avoir formalisé une forme de droit de véto de facto pour les peuples autochtones relativement à toutes les révisions constitutionnelles qui les concernent directement499. Comme l’écrit Benoit Pelletier, « il y a fort à parier que, bien que le consentement des Autochtones ne soit pas requis théoriquement pour la modification constitutionnelle du Canada, celui-ci soit néanmoins requis politiquement de nos jours500 ».

Enfin, la participation des trois territoires du Nord canadien au processus constituant peut également être perçue comme un véhicule d’influence possible pour les peuples autochtones dans le processus constituant501. En effet, les Autochtones représentent une

496 J.R. HURLEY, préc., note 460, p. 67.

497 Voir aussi, C. SCHOLTZ, préc., note 486, p. 85 : « The mobilization of Aboriginal peoples during

and since the Patriation process clearly indicates that they now have a political role. And, according to section 35.1 of the Constitution Act, 1982, there appears to be a legally enforceable obligation on the part of governments to consult with Aboriginal peoples prior to amending any constitutional provision that specifically applies to them ».

498 Comme c’était d’ailleurs le cas lors de la conférence menant à l’Entente de Charlottetown : P.

TAILLON, préc., note 482, p. 28.

499 C. SCHOLTZ, préc., note 486, p. 87 et 88; P. TAILLON, préc., note 482, p. 28 et 29. Voir