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Les concurrences de la bibliothèque, modèles pour les

PARTIE 2 PRIMO-ARRIVANTS VERSUS DECROCHEURS :

3.1.1. Les concurrences de la bibliothèque, modèles pour les

La bibliothèque n'est plus l'unique fournisseur, l'unique accès à la culture, au loisir ou à la formation. La généralisation de l’accès à Internet, au téléchargement de musique, de films ou de livres numériques, l’achat de supports neufs ou d’occasion sur des sites de librairie sont autant de pratiques désormais répandues, et qui peuvent concurrencer la bibliothèque, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ces pratiques induisent également des comportements et des habitudes chez les individus, habitués par exemple à la recherche d’information via Google, et qui par conséquent attendent des outils de la bibliothèque une fluidité et une intuitivité identiques. Dans ce contexte de concurrence, les usagers comparent et attendent de la bibliothèque qu’elle leur propose des services calqués sur la rapidité, la facilité d’utilisation, l’intuitivité des outils qu’ils ont pris l’habitude de manier.

Dominique Lahary, dans un article du BBF, invite les professionnels à « sortir du splendide isolement mental qui, positionnant la bibliothèque en dehors

du monde des échanges marchands, la fait reine d’un monopole(…) »85, et à penser les différents niveaux sur lesquels la bibliothèque est concurrencée. Revenons avec lui un moment sur ces éléments d’analyse, qui permettent de mieux cerner le contexte des attentes des usagers de la bibliothèque.

Précisons tout de suite que, bien entendu, la bibliothèque, fondée autour d'enjeux forts d'éducation populaire, de culture ou encore de lien social, n'a pas à céder aux caprices du « tout, tout de suite » des usagers, dans un schéma calqué sur l'économie de marché qui ferait d'elle « une épicerie sociale et culturelle »86. Il

85 Lahary, Dominique, « Penser la bibliothèque en concurrence », BBF, 2012, n° 4, p. 6-10 86 Lahary, Dominique, « Penser la bibliothèque en concurrence », BBF, 2012, n° 4, p. 6-10

reste que la bibliothèque n'est plus aujourd'hui en situation monopolistique (mais l'a-t-elle jamais été ?) pour proposer aux citoyens un accès à l'information et à la culture, comme le soulignait François Marin, lors d'un entretien à la BM de Saint- Étienne, et que la connaissance de son public et de ses attentes est un atout pour faire évoluer la bibliothèque

Les principaux éléments de concurrence auxquels la bibliothèque doit faire face sont recensés par Dominique Lahary : le coût, l’exhaustivité, la qualité, la rapidité, la commodité et la réutilisation.

La question du coût est l’élément sur lequel les personnes rencontrées sont le plus revenues (avec un positionnement de l’usager en tant qu’acteur rationnel, et des questions induites comme « est-ce que je vais en avoir pour mon argent ? ») s’étonnant de la non gratuité du service à Saint-Étienne et demandant des explications sur les tarifs et les dérogations, les sommes en jeu, etc. Ainsi Sarah interroge : « partout où j'ai vécu l'inscription est gratuite pour les gens qui vivent

dans la ville, puisqu'ils payent des impôts et que c'est un équipement municipal…je voudrais savoir pourquoi il faut payer ici ». Mais la question du coût n’est pas

épuisée par la gratuité de l’accès à la bibliothèque, qui d’ailleurs se pratique à Limoges. D’abord parce qu’il convient de prendre en compte le coût induit par le transport (et le parking aux yeux des usagers interrogés!) ; et également parce qu’il existe des réseaux sociaux où les personnes se prêtent ou se donnent des ouvrages, concurrençant la bibliothèque sur la question même de la gratuité. La bibliothèque de Saint-Étienne participe indirectement à ces réseaux et à ces pratiques proches du bookcrossing87, en mettant à disposition des usagers une étagère sur laquelle ils peuvent prendre un livre ou en déposer un pour qu’il soit pris par un autre lecteur.

La question du coût peut enfin être entendue au sens large, c’est-à-dire les efforts nécessaires à consentir pour trouver ce qu’on cherche à la bibliothèque :

- l’exhaustivité : « où trouver ce qu’on cherche, où chercher ce qu’on va être

satisfait de trouver(…) ? »88

- La qualité : les choix proposés par les bibliothécaires correspondent-ils aux attentes des usagers, en fonction de leurs envies, leur parcours, etc. ? - La rapidité : combien de temps pour se rendre à la bibliothèque ? Combien

de temps pour trouver dans les collections ce qu’on cherche ?

- La commodité : combien de temps pour me retrouver dans l’organisation de la bibliothèque, dans la signalétique, l’agencement des étagères ? Quels efforts sont nécessaires pour m’adapter à cette organisation ? L’organisation tient-elle compte des rythmes et des pratiques des usagers ?

- La réutilisation : m’est-il possible de copier les supports que je trouve à la bibliothèque pour un usage privé ultérieur ? Cette pratique a été très répandue dans les années 1980, avec l’avènement du baladeur et les bibliothèques musicales y ont joué un rôle intéressant. Aujourd’hui, la bibliothèque tient-elle encore ce rôle ou est-il entièrement dévolu à Internet ?

87 Wikipédia propose la définition suivante : « le Bookcrossing est un phénomène mondial dont le concept est de faire circuler des livres en les « libérant » dans la nature pour qu'ils puissent être retrouvés et lus par d'autres personnes, qui les relâcheront à leur tour ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Bookcrossing

Partie 3 - Changer la bibliothèque : propositions d’usagers et marges de manœuvre de la bibliothèque

DUCROUX Céline | DCB | Mémoire d’étude | janvier 2013 - 71 - Dominique Lahary propose de voir dans la bibliothèque une « aubaine

empêtrée », c’est-à-dire soumise à de fortes contraintes que sont les horaires, les

limitations dans le prêt (en nombre de document ou en durée), le nombre d’exemplaires qui transforment parfois la bibliothèque en « machine à décevoir »89 quand elle devrait participer à l’ouverture et la découverte culturelle. Autant d’éléments sur lesquels les usagers que nous avons rencontrés se sont exprimés.

3.1.2. Ouvrir la bibliothèque : plaidoyer pour une