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PARTIE 2 PRIMO-ARRIVANTS VERSUS DECROCHEURS :

2.3.3.  Comment se représentent-ils la bibliothèque ? 60 

« Si ça n'existait pas, il faudrait l'inventer » dit spontanément Amina, et d'ajouter « même pour les gens qui n'aiment pas lire ! ». La bibliothèque conserve en effet une image positive pour toutes les personnes interrogées : image d'éclectisme, d'ouverture d'esprit, de découverte et d'enrichissement personnel, elle est aussi un lieu où « on ne juge pas » et de formation où on trouve des réponses « aux questions qu'on se pose par rapport à toutes les choses qu'on n'a pas pu

apprendre ».

Elle est aussi une « parenthèse », « un havre de paix », « où on se pose » pour un moment de détente comme pour un moment plus sérieux, puisqu'elle est aussi un lieu où il est possible de se concentrer pour travailler, pour être dans une ambiance studieuse.

Elle est également un espace du lien : avec d'autres lecteurs, d'autres bibliothèques, d'autres pays, d’autres époques, etc.

Le confort du lieu est essentiel : certains viennent y lire la presse dans les fauteuils (à Limoges), ou même y emmènent leurs enfants quotidiennement en période de canicule, ainsi que nous le confie Catherine en riant de cet usage à ses yeux détourné de la bibliothèque. Les aspects liés au confort sont aussi abordés en négatif : les usagers de certains sites mettent en avant le besoin de moderniser, d'aménager des coins enfants plus spacieux, le changement d'ambiance, etc. Certains vont même jusqu'à dire que « c'est morbide »79.À Saint-Étienne, le site de Tarentaize suscite des débats : repoussoir pour certains (« j’ai l’impression d’être

dans un hangar » dit Pierre, quand Brigitte affirme que de l’extérieur, « on dirait un bunker »), d’autres apprécient le volume de la pièce centrale qui « n’écrase pas le lecteur » pour Albert. Tous s’accordent en revanche pour affirmer que le confort

à la bibliothèque, la lumière, les places assises… contribuent à l’envie d’y aller et d’y rester un moment.

La bibliothèque reste un lieu particulièrement attaché à l'institution scolaire : elle fournit des « repères et de la connaissance » qui sont très utiles pour les enfants et les jeunes : « les collèges et les lycées devraient venir à la bibliothèque :

culture et enseignement sont étroitement mêlés et il faut exciter la curiosité. « Venir chercher » est une démarche essentielle, pas uniquement par rapport à l'accès à la connaissance, mais dans la construction de la recherche. La bibliothèque est autant un lieu de mémoire qu'un lieu de prospective sur l'avenir »,

estime Jean.

Plusieurs personnes interrogées disent également que c'est d'abord pour leurs enfants qu'ils ont franchi le seuil de la bibliothèque. Que ce soit dans le cadre d'animation (« je suis beaucoup venue avec mes enfants écouter les heures du

conte »80), dans un cadre moins formel (« pour découvrir, fouiller dans les rayons

et avoir un moment calme »81), ou pour travailler, tous estiment ont une image

positive de la fréquentation des enfants: « Y a toujours plein de gamins à

l'intérieur et c'est mieux que s'ils étaient dehors » estime Amina.

79Ce commentaire a été collecté dans les réponses libres aux questions du questionnaire de Saint-Étienne. Ces dernières, comme celles collectées à partir des questionnaires aux usagers de Limoges, sont présentées en annexe.

80Cette remarque est celle de Catherine (Limoges). 81Cette remarque est celle d’Amina (Saint-Étienne).

Partie 2 - primo-arrivants et décrocheurs : qu’attendent-ils de la bibliothèque ? Eléments d’analyse collectés auprès des publics à Limoges et à Saint-Etienne

DUCROUX Céline | DCB | Mémoire d’étude | janvier 2013 - 61 - Elle est un lieu d’éducation, ce qui est pour Sarah, l’essentiel de sa mission.

Elle attend à ce titre : « des choses plus pointues que les films de la troupe du

Splendid, ça coûte de l'argent et ça passe tous les ans à la TV. Pourquoi ne pas les enlever et mettre à la place des choses plus esthétiques ? C'est aussi le rôle de la médiathèque d'être dans un rôle d'éducation des publics ».

Elle est également école de la tolérance, un outil contre la violence et pour favoriser l'égalité entre les citoyens. D'abord parce qu'elle permet à tous d'accéder gratuitement ou presque à des collections diversifiées. Les commentaires sont nombreux qui mettent en avant cette conception de l'égalité, que ce soit d'un point de vue personnel ou plus collectif en mettant en avant la mixité du public : « à la

bibliothèque, on voit des gens qu'on ne voit pas partout car c'est accessible par l'aspect financier » nous dit Anne-Laure ou encore Bernard. Là encore, l'aspect

financier est abordé en creux par les usagers de Limoges très attachés, d'après leurs réponses aux questionnaires, à la gratuité82. Yves s'exclame : « La gratuité, c'est

une chance, c'est merveilleux ! Et puis c'est pas partout le cas, alors on peut être fier ».

Elle est une alternative à la « logique consumériste » pour Martine : « Je vais

à la bibliothèque, je n'ai pas d'idée préconçue et je repars avec plein de choses : des CD, des films, des bouquins. Ca a un côté magique ! Je n'ai pas besoin de posséder des supports, et du coup, c'est un peu Noël tous les jours. On renie un peu la logique consumériste ». Et Sarah d’ajouter : « Une médiathèque n'est pas une Fnac ».

La bibliothèque comme outil de la citoyenneté est également mise en avant, notamment à travers la diversité des collections. Anne-Laure raconte « Dans les

revues, il y a un abonnement à « Femme Actuelle » et à « Causette », qui est un magazine féministe très engagé. Je trouve ça super, car c'est pas du tout les mêmes publics qui lisent ces revues-là mais chacun y trouve quand même son compte ».

Elle doit donc prendre en compte la diversité sociale du public qui la compose, et s’adapter en conséquence, par exemple pour les personnes malvoyantes dont Michel fait partie.

« À la bibliothèque, on est obligé de respecter un règlement, et comme ça, on

découvre les choses » explique enfin Amina. La bibliothèque est un lieu

d'apprentissage du vivre-ensemble où certaines règles, tacites ou non, sont à respecter : le silence, le respect des autres usagers, des documents qu'on emprunte et qu'on rend83, les délais de retour...

La bibliothèque est un lieu où on déambule, à la recherche de quelque chose de précis ou sans véritable but. Chez les personnes rencontrées, les deux pratiques semblent légitimes et intéressantes : « Flâner dans les rayons, c'est ce cheminement-là qui est magnifique », dit Olivier. La sérendipité pourrait donc être

un atout de la bibliothèque, comme le disent aussi Edith et Martine, à la suite de

82Voir en annexe.

83 Cet aspect a fait l'objet d'une conversation intéressée avec les usagers de Saint-Étienne : ils voulaient savoir comment la bibliothèque procédait lorsque les usagers rendaient des livres ou des DVD abîmés. S'il existait des moyens pour l'institution de se faire rembourser et comment les usagers pouvaient être pénalisés pour un usage non respectueux des documents.

Julien : « j’aime bien piocher, fouiller, fouiner. Ca permet de trouver des choses

qu’on ne cherchait pas, et qu’on est content de découvrir ». « Oui, mais ça dépend du temps qu’on a », objectent en chœur Martine et Josiane.

Enfin, Jean rappelle qu'après tout « ce n'est pas une obligation fondamentale » de venir à la bibliothèque. Les autres membres du groupe de

Limoges acquiescent à cette remarque : il leur semble important de souligner qu’on peut choisir de ne pas, de ne plus venir à la bibliothèque, de manière temporaire ou définitive.

2.3.4. Pourquoi venir (ou ne plus venir) à la