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Chapitre III Hydroxydes d’uranium et Phosphates d’uranium :

II. Les complexes de phosphate d’uranium

II.1. Espèces complexantes : H2PO4-, H3PO4

L’étude réalisée par Elyahyaoui [13] a porté sur l’identification des complexes d’uranium hexavalent formés dans les milieux phosphoriques de concentrations variables en H3PO4, et de pH ≤ 4. Dans ces conditions, les espèces complexantes

prédominantes sont H2PO4- et H3PO4. Les ligands complexants HPO4--, PO43- et OH-

n’apparaissent que lorsque le pH de ces milieux augmente.

L’équilibre de complexation des ions uranyles en présence des ions phosphates, est régi par la réaction suivante :

102 kly

UO22+ + lH3PO4 Cly(n-y)+ + yH+ (3)

ou UO2(H3PO4) l H-y

(n-y) : est la charge du complexe

Les résultats indiquent que les milieux définis par pH = 0,7 et 0,02 ≤ CH3PO4 ≤

0,3M, ne renferment que des complexes cationiques d’ordre 1, caractérisés par la constante de complexation k11. Les complexes cationiques (k21 et k31) d’ordre 2 et 3

sont obtenus dans le domaine 1,2 ≤ pH ≤ 1,5 et 0,1 ≤ CH3PO4 ≤ 0,3M. Les complexes

neutres d’uranium existent dans les solutions d’acide phosphoriques de pH ≤ 2. Les constantes de complexation correspondantes sont : k22 et k32. Les espèces

chimiques anioniques (k33 et k34) de charges -1 et -2, sont présentes dans les

milieux définis par CH3PO4 ≤ 1M et la valeur de pH proche de 3.

La formulation des complexes identifiés au cours de cette étude [13], est donnée dans le tableau 5.

Tableau 5 : Formules des complexes phosphoriques d’uranium (VI) et valeurs des constantes de stabilité kly [13]

Complexes Charge kly UO2(H2PO4)+,4H2O +1 k11 50 UO2(H2PO4) (H3PO4)+, 2H2O UO2(H5P2O8)+, 2H2O UO2(H2PO4)2 , 2H2O +1 0 k21 60 k22 25 UO2(H2PO4) (H3PO4)2+ UO2(H5P2O8) (H3PO4)+ UO2(H2PO4) (H6P2O8)+ +1 k31 3700 UO2(H2PO4)2 (H3PO4) UO2(H2PO4)2(H5P2O8) 0 k32 110 UO2(H2PO4)3- -1 k33 0,6 UO2 (OH) (H2PO4)3- - -2 k34 0,01

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Pour estimer l’impact des phosphates sur les différentes espèces d’uranium en solution aqueuse, V. Brendler et coll., [14] ont réalisé des essais en fonction de différentes concentrations en phosphates. UO2(H2PO4)2 est le premier complexe

aqueux formé entre 2 ≤ pH < 3, quand CPO43- = 10-3 M. A pH = 3, le solide

(UO2)3(PO4)2. 4H2O commence à précipiter, cette phase tend à se dissoudre vers

des pH plus élevés et ce sont d’autres complexes de phosphate d’uranium solubles qui se forment.

Les équilibres de dissolution des complexes de l’ion uranyle (UO22+) lié aux

ligands complexants (H2PO4) et (H3PO4) sont décrits par les réactions suivantes :

UO2(H2PO4)(H3PO4)+ UO22+ + 2 HPO42- + 3 H+ K = 10-22,7537 (4)

UO2 (H2PO4)2(aq) UO22+ +2 HPO42- + 2 H+ K = 10-21,7437 (5)

UO2 (H2PO4)+ UO22+ + HPO42- + H+ K = 10-11,6719 (6)

UO2 (H3PO4)2+ UO22+ + HPO42- + 2H+ K = 10-11,3119 (7)

K étant la constante d’équilibre.

La figure 5 donne la répartition des espèces aqueuses de phosphate d’uranyle. Ces courbes sont obtenues à partir de la compilation de plusieurs données thermodynamiques [2].

Pour des pH ≤ 5, les espèces dominantes sont UO2++, UO2HPO4(aq),

UO2H2PO4 + existe en faible pourcentage.

Aux environs de pH = 5,5 le complexe UO2HPO4(aq) est dominant et UO2OH+

apparaît en quantité faible.

Quand le pH est compris entre 6 et 7, les complexes qui peuvent exister sont : UO2HPO4 (aq), et UO2PO4-. Ce dernier est maximal aux environs de pH = 7.

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Ces données bibliographiques indiquent que l’espèce (H2PO4), engagé dans des

complexes sous différentes formes, n’existe que dans un domaine de pH acide (pH ~ 3).

Figure 5. Espèces d’uranium dans un système ouvert avec l’atmosphère (PCO2 = 10-3,5 atm) ; [P]diss = 100 M, [U]diss = 1mol/l [2].

II.2 Ions complexants : HPO42-, PO43-

Les études expérimentales de la précipitation des systèmes de phosphate d’uranyle, réalisées par Schreyer et Baes [15] ; Sandino et Bruno [16], aboutissent dans un premier temps à la formation de UO2HPO4.xH2O, ensuite la phase

(UO2)3(PO4)2. xH2O précipite dans des conditions expérimentales bien déterminées.

Schreyer et Baes [15], ont essayé d’obtenir cette phase à partir des solutions d’acide phosphorique diluées ; sa formation semble lente.

A partir des valeurs expérimentales de la solubilité des phosphates d’uranyle hydratés, deux complexes de phosphates d’uranyle ont été considérés selon Sandino et Bruno (6 < pH <9) : UO2(PO4)- et UO2(HPO4)aq [16].

Les résultats obtenus par Grenthe et al., [2] montrent que la précipitation de (UO2)3(PO4)2. 4H2O est possible aux valeurs de pH situées approximativement entre

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Figure 6. Courbes de solubilité des phosphates d’uranyle en fonction de pH (ΣPO4= 100mol/l) [2].

Trois phases solides de phosphates d’uranyle hydratés ont été considérées selon Grenthe et al., [2], les réactions sont les suivantes :

UO2HPO4.4H2O UO22+ + 4H2O + H+ + PO43- log ksp = -24,202 (8)

UO2(H2PO4)2.4H2O UO22+ + 3H2O + 4H+ + 2PO43- log ksp = -45,104 (9)

(UO2)3(PO4)2. 4H2O 3 UO22+ + 4H2O + 2PO43- log ksp = -49,364 (10)

ksp est le produit de solubilité des minéraux de phosphate d’uranium.

La solubilité de l’uranium augmente considérablement dans les solutions fortement acides et les solutions basiques. Ceci est attribué à la complexation de l’uranium avec les phosphates dans les milieux acides et avec les phosphates et les carbonates dans les milieux basiques (figure 5) [15]. La courbe de la figure 7 [17], indique que la solubilité des phosphates d’uranyle et de calcium est inférieure à celle de la solution d’uranium contenant 1000 ppb (ligne en pointillée) dans la région du pH compris entre 4 et 9, tandis que la solubilité de phosphate d’uranyle est inférieure

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à celle de l’uranium à des valeurs de pH comprises entre 4 et 8. Ceci indique que l’uranium peut être éliminé par ces sels de phosphate, à partir des solutions aqueuses modérément acide et basique.

Figure 7. Solubilité de l’uranium dans une solution saturée (atmosphère CO2)

contenant ΣPO4= 10-3M et ΣCa = 1,6 10-3M [17].

Les calculs de spéciation du triacide H3PO4 montrent qu’à pH proche de 7, on

a coexistence des deux espèces H2PO4- et HPO42- [18] (figure8).

Figure 8. Diagrammes de répartition des différentes formes d’acide

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Le calcul de spéciation des différentes formes de phosphate d’uranyle, fourni des constantes de formation pour six complexes de phosphate d’uranyle qui sont résumés dans le tableau suivant (K étant la constante de stabilité thermodynamique) :

Tableau 6: Réactions de formation des phases aqueuses d’uranium et valeurs des constantes de stabilité thermodynamique à l’état standard (force ionique nulle, température : 298K).

II.3 Minéraux des phosphates d’uranium

II.3.1 Différents minéraux du phosphate d’uranium

Les phosphates d’uranyle sont abondants et sont caractérisés par une forte insolubilité. Nous avons regroupé dans le tableau 7 quelques minéraux phosphatés.

Réaction Constantes de formation

[1] [4] [2] UO22+ + PO43- <=> UO2PO4- 13,23 13,69 13,23  0,15 UO22+ + H+ + PO43- <=> UO2HPO4(aq) 19,59 20,06 19,59  0,26 UO22+ + 2H+ + PO43- <=> UO2H2PO4+ 22,82 22,81 22,82  0,06 UO22+ + 3H+ + PO43- <=> UO2H3PO42+ 22,46 22,45 22,46  0,15 UO22+ + 4H+ + 2PO43- <=> UO2(H2PO4)2(aq) 44,04 44,26 44,04  0,11 UO22+ + 5H+ + 2PO43- <=> UO2(H2PO4)(H3PO4)+ 45,05 - 45,050,11

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Tableau 7: Composition des minéraux de phosphate d’uranium [19].

II.3.2 Synthèse de l’autunite

La préparation d’une phase synthétique d’hydrogénophosphate d’uranyle ((UO2) (HPO4).4H2O), a été effectuée par Giammar [1], le but de cette synthèse est

la formation de l’autunite (Ca (UO2)2(PO4)2.10H2O).

La première étape consiste en une attaque du nitrate d’uranyle (1M) par l’acide phosphorique (1,1M) afin de précipiter le solide. La suspension a été laissée à température ambiante pendant 3mois pour améliorer la cristallisation.

Un mélange de 10 ml de la suspension d’hydrogénophosphate hydraté d’uranium avec 40 ml de nitrate de calcium (1M), est ensuite agité pendant 39 jours à température ambiante puis à T = 80°C pendant 7jours, pour aboutir à la deuxième étape : formation de l’autunite. La caractérisation de cette phase a été réalisée par plusieurs méthodes analytiques.

Le tableau 8 donne les distances réticulaires des raies de diffraction les plus intenses, données dans la littérature, des différents minéraux de phosphates d’uranium.

Noms Composition

Autunite Ca (UO2)2 (PO4)2. 10 H2O

Meta autunite Ca (UO2)2 (PO4)2. (2-6) H2O

Ortho phosphate d’uranyle (UO2)3 (PO4)2. 4H2O

Chernikovite (H3O)2 (UO2)3 (PO4)2. 4H2O

Meta- autunite de sodium Na2 (UO2)2 (PO4)2. 8H2O

Meta-ankoleite K2 (UO2)2 (PO4)2.6H2O

Phosphuranylite Ca (UO2)3 (PO4)2

(OH)2.6H2O

Saleeite Mg (UO2)2 (PO4)2.10H2O

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Tableau 8 : Distances réticulaires caractéristiques maximales des différents minéraux de phosphate d’uranium.

La synthèse du minéral méta-autunite a été également réalisée par les auteurs de la référence [20], et analysée par TRLFS. L’expérience consiste à mettre en contact, pendant 360 jours, de l’uranium appauvri avec un mélange contenant 20 cm3 de Ca(NO3)2 (2,5 10-3 M) et 1,0 10-3 M de (NH4)3PO4. Les pics relatifs à la phase

solide obtenue sont comparés à ceux des minéraux naturels suivants : méta-autunite Ca(UO2)2(PO4)2.2.6H2O, autunite Ca(UO2)2(PO4).10-12H2O et chernikovite H2(UO2)2

(PO4)2. 8H2O.

Phosphates d’uranium JCPDF files Distances réticulaires

principales (Å) UO2HPO4. xH2O 13 0061 8,64 5,19 4,22 3,26 UO2HPO4. 4H2O 75 1106 8,74 5,46 4,94 3,70 (UO2)3(PO4)2. 4-8 H2O 30 1405 8,45 5,17 4,23 3,28 UO2HPO4.xH2O 33 1428 5,22 4,25 4,20 3,54 (UO2)3(PO4)2. 4H2O 37 0284 8,75 3,71 3,51 3,25 (UO2)3(PO4)2.4H2O 37 0369 5,18 4,25 4,17 3,29 Ca (UO2)2(PO4)2.3H2O Méta-autunite 39 1351 8,46 5,39 4,23 3,62 Ca (UO2)2(PO4)2.xH2O 08 0314 (x : 8-10) 10,30 4,96 4,48 3,59 Ca (UO2)2(PO4)2.10H2O Autunite 41 1353 10,35 5,18 4,93 3,56 H2(UO2)2(PO4)2.8H2O Chernikovite synthétique 29 0670 8,57 3,68 3,50 3,25

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II.3.3 Sorption de l’uranium sur différents minéraux

Les résultats de la sorption de l’uranium sur différents minéraux donnés dans la littérature, sont portés dans le tableau 9. Nous constatons que la sorption est presque maximale aux environs de pH neutre.

Tableau 9 : Pourcentage sorbé de l’uranium sur différents minéraux.

Divers auteurs se sont intéressés à l’utilisation des phosphates pour la stabilisation des métaux lourds dans différents types de déchets. Nous regroupons dans le tableau 10 quelques études menées dans ce sens. Nous choisissons, plus particulièrement, comme source de phosphate l’hydroxyapatite et le métal lourd visé étant l’uranium.

Références Sorbants C[U(VI)]

M (% U) sorbé pH équilibre [7] Clinoptilolite 2. 10 -5 2. 10-6 > 90 6,5 [21] Montmorillonite 2. 10-7 100 6 à 6,5 [22] Phyllite 10-5 > 96 6,5 - 7 [23] Ferrihydrite 10-5 95 - 100 5,5 – 7,5 [24] Muscovite KAl3Si3O10(OH) 2 10-7 ~100 ~7 [25] Gibbssite 10-5 97,32 7 [26] Sandstone 10-6 > 95 6,5 [27] Schwertmannite Fe16 O16 (OH) 12- 9 (SO4) 2 - 3,5. nH2O n ~ 10 10-6  80  4,4

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Tableau 10 : Utilisation des apatites pour la sorption des métaux lourds et en particulier l’uranium.

Seaman et al. [28] ont étudié l’immobilisation du Cs -137 et de l’uranium se trouvant dans les sédiments contaminés, par les minéraux suivants : l’hydroxyapatite, l’illite et les zéolites. L’objectif de l’étude est d’évaluer les additions minimales de l’hydroxyapatite (illite ou zéolites) pour réduire le potentiel de mobilité de Cs+

, U ainsi que d’autres contaminants.

Le traitement consiste à ajouter une quantité de 5, 20 et 50 g/ kg de l’hydroxyapatite (illite ou zéolite) au sédiment contenant les radionucléides. Dans le même but, les auteurs des références [29] et [34] ont utilisé des additions plus faibles d’hydroxyapatite : 5g /kg.

La concentration totale de l’uranium est égale à 45,7 mg/ kg, le pH du sédiment est égal à 4,74 ± 0,03. Le temps d’équilibre est de 30 jours ; d’autres essais expérimentaux [28], ont été réalisés avec un temps d’équilibre plus faible, égal à 48h. Les résultats expérimentaux [28] indiquent que l’uranium existe à l’état de valence + VI sous forme (UO2) ++ à pH = 5. Ces essais aboutissent à une

immobilisation extrêmement rapide de l’uranium par l’hydroxyapatite, aussi bien à

Source de phosphate Métaux lourds visés Références

HAP HAP + Illite HAP + Zéolithe

U, Cs-137, Sr-88

[28]

HAP U, Ni, Al, Ba, Cd, Co,

Pb [29]

FAP U [30]

Apatite synthétique U, La, Ce, Sm, Gd,

Tb, Er, Tm, Lu [31]

Apatite naturelle U [32]

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une faible quantité en hydroxyapatite (5 g/kg), qu’aux teneurs plus élevées 20 et 50 g/kg, (C [U(VI)] solution < 6 µg/kg).

L’hydroxyapatite est donc un agent chimique stabilisant et efficace pour réduire la mobilité et la toxicité de l’uranium dans l’environnement.