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 Introduction

1.3 
 Les
capacités
d’inhibition
et
les
intrusions
mnésiques

La question du rôle joué par le contrôle exécutif, et plus particulièrement par l’inhibition, dans les différences individuelles rencontrées dans les souvenirs involontaires ou intrusifs, fait état de passablement de recherches (Wessel, Overwiljk, Verwoerd & de Vrienze, 2008). Je vais à présent présenter quelques unes d’entres elles.

L’étude de Klein et Boals (2001) montre que dans une population d’étudiants, la fréquence des souvenirs intrusifs et les tentatives pour les éviter étaient relativement élevées chez les étudiants qui avaient obtenus un score bas dans une tâche mesurant les capacités de mémoire de travail (« Operation Span », Turner & Engle, 1989). Cette dernière capacité est définie par Engle (2002) comme l’habileté générale à contrôler l’attention, ce qui semble particulièrement important dans des situations impliquant des interférences proactives (c’est-à-dire des informations qui étaient pertinentes auparavant mais qui ne le sont plus à présent) ou des conflits entre différentes informations. De plus, deux études (Brewin & Beaton, 2002 ; Brewin & Smart, 2005) dont les résultats proviennent de populations d’étudiants et de volontaires, ont montré que les individus avec de fortes capacités en mémoire de travail avaient plus de facilité à supprimer les pensées intrusives.

Par ailleurs, la tendance à la distractibilité a été mesurée dans l’étude de Verwoerd et Wessel (2007) afin d’évaluer son influence sur les souvenirs involontaires et les souvenirs intrusifs.

Dans ce cadre, 488 étudiants ont reporté leurs souvenirs involontaires quotidiens dans un questionnaire crée par ces mêmes auteurs, l’IMQ (« Involuntary Memory Questionnaire », Verwoerd & Wessel, 2007), ainsi que leurs souvenirs intrusifs suite à un éventuel événement stressant, dans le questionnaire IES (Impact of Events Scale, Horowitz et al., 1979). Dans cette étude, la distractibilité est décrite comme l’habileté générale à garder les informations distrayantes en dehors de l’attention et représenterait donc un indice du contrôle inhibiteur.

Les résultats indiquent qu’un haut score de distractibilité mesuré par le CFQ (« Cognitive Failure Questionnaire », Broadbent, FitzGerald & Parkes, 1982) est lié à une plus grande fréquence d’apparition des souvenirs involontaires, indépendamment de la valence de ceux-ci et du niveau de dépression. Par ailleurs, les étudiants se décrivant comme fréquemment distraits étaient également ceux qui reportaient le plus de souvenirs intrusifs dans le questionnaire IES (Horowitz et al., 1979), indépendamment du niveau de dépression.

Ces dernières études soulèvent l’idée qu’un contrôle inhibiteur relativement faible pourrait être responsable des différences individuelles dans le vécu de souvenirs involontaires ou intrusifs. Pour ces raisons, nous nous centrerons principalement sur le concept d’inhibition dans notre étude.

Selon Miyake et al. (2000), l’inhibition représente une des trois fonctions clés au sein des fonctions exécutives, et est définie comme la capacité à empêcher volontairement l’exécution de réponses dominantes et automatiques. Les deux autres fonctions clés sont le shifting, permettant d’allouer de manière flexible et séquentielle de l’attention sur différentes tâches ou opérations, et la mise à jour, qui permet de maintenir à jour le contenu de la mémoire de travail en l’actualisant en temps réel lors de l’exécution de la tâche. Ces trois fonctions exécutives sont séparables mais néanmoins liées les unes aux autres. De plus, les auteurs suggèrent que leur point commun pourrait résider dans la présence d’une composante d’inhibition globale au sein de toutes les fonctions exécutives (Miyake et al., 2000).

Le concept d’inhibition occupe une place importante dans l’explication que donnent Conway et Pleydell-Pearce (2000) sur le développement de souvenirs intrusifs suite à un événement traumatique. Selon ces auteurs, l’expérience traumatique représenterait une menace pour les buts de la personne, ce qui empêcherait ces derniers de s’adapter à cette situation, et de guider l’encodage et l’intégration de l’expérience dans le système relatif à la connaissance autobiographique de base. Cependant, cette information traumatique s’associerait aux buts actifs lors du traumatisme. Il en résulte qu’à chaque fois que ces buts risquent d’être réactivés, la probabilité que le souvenir de l’événement traumatique atteigne la conscience serait grande.

Ce phénomène affaiblirait les processus d’inhibition, censés contrôler l’accès aux souvenirs d’événements spécifiques à la conscience. Les capacités d’inhibition s’étant réduites et l’événement traumatique étant fortement associé à un indice interne ou externe à la personne, dès que celui-ci serait rencontré, le souvenir du traumatisme risquerait fortement d’être déclenché et d’entrer en mémoire de façon intrusive. Selon cette perspective, l’influence entre les souvenirs intrusifs et les mécanismes d’inhibition pourrait être bi-directionnelle.

Friedmann et Miyake (2004) ont exploré de manière approfondie le concept d’inhibition et proposent de le diviser en trois facettes : l’inhibition de réponse prédominante (la capacité à supprimer volontairement des réponses automatiques), la résistance à l’interférence distractrice (la capacité à résister à une interférence provenant de l’environnement externe et qui est sans lien avec la tâche en cours) et la résistance à l’interférence proactive (la capacité à résister à des intrusions mnésiques provenant d’une information précédemment importante mais qui depuis ne l’est plus). Les deux premiers types d’inhibition se révèlent être très proches et sont corrélés aux scores du CFQ (« Cognitive Failure Questionnaire », Broadbent et al., 1982).

Dans ce cadre, Levy et Anderson (2008) proposent que l’habileté à inhiber une réponse dominante et envahissante permette de contrôler les souvenirs involontaires. Plus précisément, les auteurs mentionnent que les souvenirs involontaires sont activés par un indice associé à une trace mnésique en mémoire à long terme. Cette activation non intentionnelle peut être contrôlée grâce à un processus d’inhibition, permettant ainsi un contrôle général sur le matériel récupéré. De bonnes capacités d’inhibition représenteraient donc un facteur de protection contre l’accès à la conscience des souvenirs involontaires. En conséquence, Levy et Anderson (2008) émettent l’hypothèse que les différences individuelles dans les capacités d’inhibition devraient prédire la variabilité dans l’habileté à contrôler le déclenchement des souvenirs involontaires.

Dans leur étude proposant différentes facettes de l’inhibition, Friedmann et Myiake (2004) indiquent également que la résistance à l’interférence proactive serait liée aux pensées involontaires (Fiedmann & Miyake, 2004).

Suite à ces observations, Verwoerd, Wessel et de Jong (2008) se demandent si la résistance à l’interférence proactive serait également en mesure de jouer un rôle dans le phénomène des intrusions mnésiques. Plus précisément, ces auteurs ont demandé à des étudiants de compléter un questionnaire sur les souvenirs intrusifs (Impact of Events Scale, Horowitz et al., 1979).

Puis, les participants ont été testés dans des tâches censées mesurer deux formes d’inhibition : la résistance à l’interférence proactive et l’inhibition de réponse dominante, automatique. Les résultats indiquent que les souvenirs intrusifs sont spécifiquement reliés à la capacité à résister à l’interférence proactive. Cet effet serait plus marqué chez les femmes et indépendant du niveau de dépression. Par ailleurs, la relation entre la capacité à inhiber une réponse automatique et les souvenirs intrusifs s’est révélée non significative.

L’étude de Wessel, Overwiljk, Verwoerd et de Vrienze (2008) évaluant une population estudiantine souligne également un lien entre les souvenirs intrusifs et la capacité à résister à une interférence proactive. En effet, ces auteurs suggèrent qu’un contrôle cognitif efficient permettrait d’empêcher que les indices déclencheurs de souvenirs intrusifs ne soient activés, si ceux-ci n’étaient plus pertinents avec la tâche en cours. Les résultats obtenus à l’aide du paradigme du film stressant ainsi qu’avec des mesures du contrôle cognitif (mise à jour, mémoire de travail et inhibition) et des souvenirs intrusifs, indiquent que seule la capacité spécifique à résister à une interférence proactive serait impliquée dans le phénomène des souvenirs intrusifs, suite à un événement stressant. En conséquence, de faibles capacités à résister à une interférence proactive avant un traumatisme pourrait compliquer le processus de récupération spontanée et constituerait un facteur de vulnérabilité dans le développement et le maintient de souvenirs intrusifs (Wessel et al., 2008).

En résumé, beaucoup d’études portent à croire qu’au sein de la population générale, de faibles capacités d’inhibition représentent une vulnérabilité dans le développement et le maintien de souvenirs involontaires quotidiens, ainsi que de souvenirs intrusifs suite à un événement traumatisant (Levy & Anderson, 2008 ; Verwoerd & Wessel, 2007). Par ailleurs, le rôle spécifique de la capacité à résister à une interférence proactive semble particulièrement pertinent dans l’étude d’apparition de ces intrusions mnésiques (Verwoerd, Wessel & de Jong, 2008). Dans le cadre du phénomène des souvenirs intrusifs suite à un événement stressant, l’influence avec les capacités d’inhibition a été proposée d’être sous forme bi-directionnelle (Conway & Pleydell-Pearce, 2000). En effet, les intrusions peuvent être le fruit d’un processus d’inhibition altéré. A l’inverse, les intrusions pourraient diminuer les ressources exécutives amenant alors à une perturbation des capacités d’inhibition.

Notre étude a notamment pour objectif d’apporter un éclaircissement dans l’étude de l’influence, éventuellement réciproque, des faibles capacités d’inhibition sur les intrusions mnésiques.

1.4 Comparaison entre les souvenirs involontaires et les souvenirs intrusifs

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