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1.4 L’ingénierie tissulaire osseuse

1.4.4 Les bioréacteurs et les facteurs de croissance

Une fois les cellules mises en contact avec le biomatériau choisi, le matériau hybride (ou

or-ganoïde) obtenu est cultivéin vitrojusqu’à ce qu’il ait atteint un niveau de maturité suffisant pour

être implanté sur le site de la lésion à soigner. Il est pour cela placé dans une enceinte fermée,

le bioréacteur, qui permet de maintenir des conditions environnementales appropriées à son

dé-veloppement. Les futurs implants sont ainsi conservés à une température de 37˚C (température

corporelle), dans une atmosphère humide et à taux d’oxygène (21% sauf pour les études menées

en hypoxie) et de dioxyde de carbone (généralement 5%) contrôlés. Ils sont également plongés

dans un milieu de culture au pH stable, contenant les nutriments nécessaires à leur développement

et renouvelé régulièrement.

Afin de pallier le manque de propriétés ostéoinductives des biomatériaux synthétiques, des

agents biochimiques peuvent être ajoutés à ce milieu de culture, pour orienter l’activité cellulaire.

Parmi ces facteurs, on compte des facteurs de croissance (BMP : Bone Morphogenetic Protein,

PDGF :Platelet-Derived Growth Factor, PTN :Pleiotrophin, TGFβ :Transforming Growth

Fac-torβ, entre autres) et des facteurs facilitant l’angiogenèse (VEGF :Vascular Endothelial Growth

Factor, Angiopoïétine I) [119]. Des ligands facilitant l’adhésion cellulaire peuvent également être

fixés à la surface des biomatériaux. Une liste détaillée des différents facteurs biochimiques utilisés

peut être trouvée dans l’article de van Gaalen et al. [257].

Les premières cultures d’organoïdes ont été effectuées dans des boîtes de Pétri ou des puits de

culture. Ces cultures sont ditesstatiques, car le fluide de culture dans lequel baignent les

échan-tillons n’est pas mis en mouvement. Dans cette configuration, l’oxygène et les nutriments

néces-saires à la survie des cellules pénètrent dans l’implant sous la seule action d’un flux diffusif, qui

s’avère être insuffisant pour assurer des concentrations stables au coeur d’implants au volume

important (de plusieurs millimètres d’épaisseur). De nouveau types de bioréacteurs, mettant en

mouvement le fluide de culture, ont donc été développés pour augmenter le transport des

diffé-rentes espèces chimiques, grâce à la présence d’un flux convectif [270, 178]. On parle dans ce cas

decultures dynamiques, par opposition au cas précédent.

Par ailleurs, l’environnement mécanique dans lequel se trouvent les cellules joue un rôle

impor-tant dans leur développement. Il a ainsi été montré que les cellules ostéo-articulaires étaient

sen-sibles à l’écoulement du fluide dans lequel elles baignent, et plus particulièrement au cisaillement

qu’il engendre à leur surface. La présence d’un tel écoulement permet donc de favoriser le

déve-loppement du tissu, et participe à l’orientation des cellules dans la direction souhaitée [278, 219].

Parmi les nombreux dispositifs de culture dynamique mis au point (voir figure 1.8), trois

confi-gurations sont fréquemment utilisées lors de la conception d’implants ostéo-articulaires : les

bio-réacteurs à agitation, les biobio-réacteurs à flux parallèles et les biobio-réacteurs à perfusion.

FIGURE 1.8 – Principaux types de bioréacteurs utilisés en ingénierie tissulaire. a) spinner flask, b) bioréacteur à

lit fluidisé, c) bioréacteur rotatif, d) bioréacteur à fibres creuses, e) bioréacteur à perfusion, f) bioréacteur à plans

parallèles. Image issue de Oddou et al. [204]

Les bioréacteurs à agitation consistent à plonger les échantillons dans un grand volume de

fluide de culture, agité en permanence. On trouve par exemple dans cette catégorie les spinner

flasks(figure 1.8.a) [246, 258] – dans lesquelles les échantillons sont accrochés à un mât plongé

dans le fluide, ce dernier étant mis en mouvement à l’aide d’un agitateur magnétique, les

bio-réacteurs à lit fluidisés (figure 1.8.b) [57] – où le fluide traverse une chambre d’écoulement au

sein de laquelle les échantillons peuvent bouger librement, et les bioréacteurs rotatifs (figure 1.8.c)

[22, 242] – pour lesquels le bioréacteur, cylindrique, est en rotation constante autour de son axe

principal. Ces dispositifs permettent d’améliorer le taux d’oxygénation au sein du biomatériau, et

d’apporter une plus grande quantité de nutriments à sa surface, grâce au flux convectif ainsi généré.

Il a d’ailleurs été constaté que cette configuration permet d’améliorer le taux de survie cellulaire

et la quantité de matrice extracellulaire produite par les cellules. Mais ces effets sont concentrés

dans une couronne d’environ 1 mm d’épaisseur autour de la surface, des gradients importants de

nutriments et d’activité cellulaire étant constatés dès qu’on s’éloigne de cette zone en direction du

centre de l’implant [278, 30].

Les bioréacteurs à flux parallèles, dans lesquels l’écoulement du fluide se fait autour du

bioma-tériau, permettent également d’augmenter l’apport en nutriments et en oxygène à la surface de ce

dernier. Dans cette catégorie, on trouve les bioréacteurs à fibres creuses (figure 1.8.d) [67] – dans

lesquels les échantillons sont placés à l’intérieur d’une fibre creuse autour de laquelle s’écoule le

fluide, le transport des espèces chimiques à l’intérieur de la fibre se faisant pas diffusion, et les

bioréacteurs à plans parallèles [90, 143] (figure 1.8.f) – où le fluide s’écoule parallèlement à la

surface de l’implant (d’un seul côté ou de part et d’autre de ce dernier). Mais, cette fois encore,

la pénétration des espèces chimiques au sein de l’échantillon reste limitée, car elle est uniquement

assurée par des phénomènes de diffusion. Ces procédés ne permettent donc pas de maintenir en

culture des implants ostéo-articulaires de grande taille dans des conditions satisfaisantes. La

prin-cipale limite de ces deux types de bioréacteurs vient du fait que l’écoulement du fluide reste très

limité au coeur du biomatériau.

Pour améliorer cet aspect, des bioréacteurs à perfusion ont été mis au point [267, 241, 44]. Dans

cette configuration, l’échantillon est fixé hermétiquement au coeur d’un conduit, au sein duquel on

impose un écoulement de fluide. Ainsi, le fluide traverse entièrement l’échantillon, et l’apport en

nutriments et en oxygène se fait par convection dans tout le volume de l’implant. Ces dispositifs

permettent d’améliorer le taux de survie cellulaire et la production de matrice extracellulaire dans

tout le volume de l’implant, et font grandement diminuer la présence de gradients de

concentra-tions chimiques [278]. Ils constituent donc une option très prometteuse pour la culture d’implants

ostéo-articulaires tridimensionnels. Néanmoins, dans les derniers temps de culture, lorsque la

ma-trice extracellulaire remplit une grande partie des pores du biomatériau, la perfusion devient plus

difficile à réaliser, et les sollicitations mécaniques associées à l’écoulement requis pour assurer un

apport en nutriment satisfaisant pourraient s’avérer dommageables pour les cellules et le tissu en

développement (voir paragraphe 2.4). De même, on constate que les implants actuellement cultivés

avec ce type de bioréacteurs ne dépassent pas quelques millimètres d’épaisseur (voir chapitre 3).

On peut donc se demander si ce type de dispositifs serait suffisant pour mettre au point des implants

couvrant la plage de tailles d’intérêt clinique, qui peut aller jusqu’à une dizaine de centimètres.

1.4.5 Bilan

L’ingénierie tissulaire est un domaine actuellement en plein développement, qui permet de

proposer des solutions alternatives aux greffes autologues et allologues, et de s’affranchir ainsi

des contraintes et des effets secondaires importants qui leur sont associés. Dans le domaine de la

réparation ostéo-articulaire, et plus particulièrement de la prise en charge des fractures de grande

taille, de nombreux types cellulaires et biomatériaux supports sont à l’étude. Néanmoins, les

cel-lules souches mésenchymateuses sont utilisées dans une très grande part des travaux, en raison de

leur rôle particulier au cours du processus de cicatrisation osseuse.

La structure poreuse et la nature des biomatériaux doivent être étudiées pour optimiser l’activité

cellulaire et le transport des espèces chimiques au sein de l’organoïde, sans détériorer les propriétés

mécaniques de ce dernier, qui devra assurer une fonction de support après son implantation au sein

de l’organisme.

Le principal problème réside dans la capacité à maintenir des organoïdes de grande taille en

culture dans des conditions d’oxygénation et d’apport en nutriments satisfaisantes. Les

bioréac-teurs à perfusion semblent constituer une solution prometteuse, mais les échantillons pour lesquels

ils sont utilisés dépassent rarement quelques millimètres d’épaisseur à l’heure actuelle. Il serait

donc intéressant de voir si ces dispositifs sont adaptés à la culture d’implants au volume plus

conséquent, qui correspondent aux tailles cliniques des lésions à combler.