3.2 Résultats
3.2.2 Influence des autres paramètres
Distance perfusée
Faire varier la distance perfusée df l – en modifiant la durée de l’écoulement – permet de
mettre en évidence la présence éventuelle d’un phénomène de lavage, et donc d’une durée
op-timale d’écoulement. En effet, nous avons pu observer au paragraphe précédent que, sous l’action
du fluide, une quantité importante de cellules est retrouvée dans la partie aval du montage. Si cette
proportion augmente avec la durée d’écoulement, nous pourrons en déduire que les cellules,
entraî-nées par le fluide, pénètrent l’échantillon, puis le traversent complètement. Il serait alors possible
de déterminer une durée optimale d’écoulement, ou de mettre au point des cycles d’écoulement en
allers-retours, pour maintenir les cellules au cœur de l’échantillon.
D’un point de vue physique, augmenter la durée du flux revient à moduler le travail transmis
aux cellules sans modifier l’intensité de la force qui leur est appliquée. Un changement du taux de
viabilité lié à ce paramètre nous indiquerait donc que l’énergie mécanique transmise aux cellules
est suffisamment élevée pour compromettre leur bon fonctionnement.
FIGURE 3.8 – Influence de la distance perfuséedf lsur la colonisation cellulaire du biomatériau. A) : Fraction de
cellules ensemencée (vitesse :3.17et9.7×10−4m.s−1,1million de cellules par échantillon). B) : Taux de viabilité
des cellules. Les tests sont réalisés en flux continu,30 minutes après l’injection des cellules dans le montage. Les
barres d’erreur correspondent à l’écart type des données mesurées.
Sur la figure 3.8, on a représenté les résultats obtenus en faisant varier la distance perfusée pour
deux vitesses moyennes d’écoulement. Aucune tendance claire ne se dégage de ces données, que ce
soit à "haut" ou "bas" débit. Dans les plages de valeurs étudiées, ce paramètre ne semble donc pas
influer sur le comportement cellulaire au sein des échantillons. De plus, l’absence d’évolution de la
quantité de cellules ensemencées laisse présager une mauvaise pénétration dans le biomatériau. Ce
point devra être confirmé par la réalisation de coupes histologiques présentées dans le paragraphe
3.3.
Temps de pause
Au moment où elles pénètrent dans le dispositif, les cellules ont déjà subi de multiples facteurs
de stress, physiques et chimiques. Elles ont en effet été soumises à une action enzymatique, puis
centrifugées, et ont donc passé un certain temps à température ambiante (et non à37˚C), puis ont
été injectées à l’aide d’une seringue. On peut alors se demander si l’augmentation de la mortalité
observée après l’écoulement ne viendrait pas du stress supplémentaire que ce dernier occasionne
et qui, même s’il est a priorinon délétère pour les cellules, pourrait endommager une structure
cellulaire déjà éprouvée. Nous avons donc essayé d’observer des temps de pause plus ou moins
longs entre l’injection des cellules dans le dispositif et la mise en mouvement du fluide, pour
limiter l’accumulation des sollicitations ressenties par ces dernières. Les résultats de ces tests sont
présentés figure 3.9.
FIGURE3.9 – Influence du temps de pause avant l’écoulement sur la colonisation. A) : Fraction de cellules
ensemen-cées (vitesse :9.7×10−4m.s−1, distance perfusée :1.8cm, densité cellulaire : 1 million). B) : Taux de viabilité des
cellules. Les tests sont réalisés en flux continu. Les barres d’erreur correspondent à l’écart type des données mesurées.
Cette fois encore, aucune évolution n’est constatée en ce qui concerne la fraction de cellules
ensemencées ou leur taux de viabilité. L’ensemencement cellulaire semble donc insensible à ce
paramètre.
Vitesse du fluide
Intéressons-nous enfin au dernier paramètre de cette étude : la vitesse moyenne d’écoulement
du fluide −→
Vin, imposée en entrée du dispositif, qui est directement reliée aux efforts subis par les
cellules. En effet, en reprenant la loi de Poiseuille, tous les autres paramètres étant des
carac-téristiques fixes du système, le débit – et donc la vitesse moyenne du fluide – sont directement
proportionnels au gradient de pression existant au niveau de l’échantillon, et donc à la force de
pression s’appliquant sur les cellules. Notons qu’au voisinage de ces dernières, les effets dus aux
cisaillements locaux, qui nécessitent la connaissance du champ de vitesses local, s’ajoutent aux
effets de pression. Ces efforts mécaniques sont susceptibles de déformer la membrane cellulaire.
Au niveau des interconnexions des pores en particulier, en raison de l’augmentation locale de la
vitesse d’une part, et de la présence des parois qui peuvent gêner le passage des cellules d’autre
part, ces déformations deviennent plus importantes, et pourraient endommager la structure de la
cellule [184]. Ce phénomène peut également être accentué en cas de bouchage partiel du pore, dû
à une accumulation locale de cellules.
Pour déterminer l’impact de ces efforts de pression sur le comportement des cellules au sein du
dispositif, nous avons donc choisi de faire varier la vitesse de perfusion−→
Vinde0à9.7×10−4m.s−1.
D’après les travaux de Wendt et al. [267], ces valeurs se situent dans une zonea priorisans danger
pour les cellules. Les résultats de ces tests sont présentés sur la figure 3.10.
FIGURE3.10 – Influence de la vitesse d’écoulement du fuide sur la colonisation. A) : Répartition des cellules au sein du
dispositif (temps de pause :30min, distance perfusée :1cm, densité cellulaire : 1 million de cellules par échantillon).
B) : Taux de viabilité des cellules. Les tests sont réalisés en flux continu. Les barres d’erreur correspondent à l’écart
type des données mesurées pour les vitesses de3.17×10−4m.s−1et9.7×10−4m.s−1. Les tests à vitesse nulle et à
1.73×10−4m.s−1ont été réalisés une fois chacun, pour comparaison.
bio-matériau) décroît quand la vitesse du fluide augmente. Le taux de viabilité, visible sur la figure
3.10.B, suit la même tendance. De plus, pour les deux vitesses les plus élevées, une fraction non
négligeable de cellules n’est pas retrouvée lors du comptage, comme c’était le cas pour les tests
réalisés à densité cellulaire élevée (voir paragraphe 3.2.1).
Même si ces tendances ne sont pas statistiquement significatives (voir l’analyse de sensibilité
présentée dans l’annexe C), elles semblent indiquer que les comportements cellulaires observés
sont plus liés à l’intensité qu’aux aspects temporels (durée, nature du chargement) des sollicitations
mécaniques auxquelles les cellules sont soumises.
Remarque : Notons tout de même que les vitesses d’écoulement imposées ici restent inférieures à
celle utilisée lors du protocole de comptage des cellules (5.77×10−4 m.s−1). Or, aucune
augmen-tation significative de la mortalité cellulaire n’a été observée lors des tests de validation de cette
méthode de comptage (voir paragraphe 3.1.2). Ces résultats expérimentaux semblent donc
surpre-nants. Néanmoins, au début de la réalisation d’un test d’ensemencement, les cellules se situent
toutes au niveau de la face amont du biomatériau. Cette hausse de la mortalité pourrait donc être
due à un encombrement important des pores situés au niveau de cette face, engendrant des efforts
mécaniques locaux importants, dommageables pour les cellules. En tout état de cause, des tests
complémentaires devraient être réalisés par la suite pour tenter d’expliquer ce phénomène.
Rap-pelons que nous nous sommes déjà assurés à l’aide de tests additionnels que l’étape d’injection
cellulaire n’est pas à l’origine de cette hausse de mortalité (voir paragraphe 3.2.1).
Bilan
Bien que les cellules soient soumises à des sollicitations mécaniques a priori en-dessous des
seuils qui leur sont dommageables [267, 126], on observe une forte augmentation de leur taux
de mortalité au cours du protocole d’ensemencement. De plus, malgré la présence de cellules
dans la partie aval du dispositif, la fraction de cellules ensemencée reste très faible. Pour tenter de
comprendre ce qui se passe au niveau des échantillons, nous avons réalisé des coupes histologiques
après ensemencement. Leur observation, en nous renseignant sur la disposition des cellules au sein
des biomatériaux, devrait nous fournir une clé de compréhension supplémentaire concernant ce
comportement cellulaire étonnant.
Dans le document
Rôle des phénomènes de transport dans la mise au point de stratégies thérapeutiques de réparation osseuse
(Page 111-115)