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Partie 1. L’activité de conseil : organisation du travail, posture et appuis à la professionnalisation

2. Les appuis aux conseillers pour la mise en œuvre de la démarche CEP

2.1. Les appuis à l’appropriation de la démarche CEP

La communication interne, la formation formelle et l’élaboration de supports méthodologiques ont constitué un premier volet de l’appui apporté par les opérateurs à leurs structures locales pour les aider à s’approprier la nouvelle démarche CEP.

Tous les opérateurs ont mobilisé au moins une de ces trois dimensions au profit de leurs conseillers ou de certains d’entre eux. Il faut ici distinguer les opérateurs structurés de manière centralisée avec une direction nationale (l’Apec, Pôle emploi et le FAF.TT), des opérateurs « décentralisés » organisés en réseaux et animés chacun par une « tête de réseau » (le FPSPP pour les Fongecif, Cheops pour les Cap emploi et l’UNML pour les Missions locales).

2.1.1. L’information sur le CEP

Les premiers ont considéré qu’il leur appartenait d’organiser la diffusion de l’information sur le CEP. C’est notamment le cas de l’Apec dont la direction nationale a mobilisé les leviers de sa communication interne de manière méthodique dès la fin de l’année 2014, de telle sorte que les responsables régionaux et tous les collaborateurs ont rapidement reçu une information relativement complète. En revanche, chez les opérateurs décentralisés, c’est chaque structure locale qui a choisi de communiquer ou pas auprès de ses conseillers sur le CEP. Dans l’ensemble, les Fongecif se sont ouvertement emparés du sujet, faisant du CEP un levier pour poursuivre et consolider la professionnalisation déjà engagée dans les métiers du conseil. Mais il en a été autrement dans les Missions locales et les Cap emploi rencontrés dans les six territoires étudiés. Certaines directions y ont délibérément omis de mettre la focale sur le CEP, préférant dire à leurs conseillers que cela ne changerait rien ou presque à leur manière de travailler. Les autres directions se sont contentées d’un simple point information en réunion d’équipe. La raison avancée pour expliquer cette discrétion réside dans la crainte de déstabiliser des conseillers déjà surchargés (lourdeur du travail de saisie informatique dans les Missions locales, complexité des dossiers à constituer à Cap emploi). Il faut rappeler à cet égard que les Cap emploi ont des objectifs chiffrés à réaliser dans le cadre de leurs conventions. Pour expliquer leur attitude, ils ont argumenté qu’ils mettaient déjà en œuvre la démarche CEP. Concernant les Missions locales, cette position s’est trouvée confortée par un travail d’analyse réalisé par l’UNML. Celui-ci a consisté à comparer les compétences du conseiller technique listées dans la convention collective des Missions locales avec les exigences du cahier des charges du CEP. Une responsable de Mission locale rencontrée en a retenu la conclusion, rassurante à ses yeux, que les compétences du référentiel étaient très proches des attendus du cahier des charges.

2.1.2. La formation formelle

Quant à la formation formelle, là où elle a eu lieu, elle a dans un premier temps été centrée sur la présentation des textes (loi, cahier des charges du CEP) et sur l’explicitation de l’esprit de la démarche plus que sur son opérationnalisation. Des programmes de formation d’un ou deux jours ont été élaborés au niveau national à destination des conseillers concernés. Le cabinet André Chauvet Conseil, positionné sur le créneau de « l’ingénierie d’avenir » et spécialisé dans l’accompagnement au changement, a souvent été mentionné par nos interlocuteurs pour ses interventions sur la posture du conseiller CEP dans le cadre de formations ou de séminaires de travail, notamment dans la région « territorialisée ». Le FPSPP a proposé au moins une formation sur le CEP aux Fongecif, Uniformation l’a fait en tant qu’OPCA pour les Missions locales et Cheops pour les Cap emploi. Toutefois, il semble que chez certains opérateurs ces modules de formation n’aient concerné durant les années 2015 et 2016 qu’une proportion relativement modeste des conseillers potentiellement concernés.

Sans vouloir établir un palmarès de l’investissement des opérateurs dans la formation formelle d’appropriation du CEP dans les années 2015 et 2016, il faut simplement indiquer que les conseillers rencontrés en parlent différemment. Ceux de l’Apec, des Fongecif et du FAF.TT sont prompts à dire qu’ils sont très bien dotés en ressources formatives d’une manière générale, et que le CEP n’a pas fait exception. A titre d’exemple, la direction générale de l’Apec a précisé que tous ses consultants mobilité ont reçu en 2014 ou 2015 une formation de premier niveau sur « culture professionnelle et financement de la formation », dispensée par un formateur interne. De son côté, Pôle emploi a conçu une formation CEP interne de 2 ou 3 jours. Aux dires des conseillers rencontrés, elle a été suivie en 2015 par les conseillers chargés d’un portefeuille d’accompagnement « renforcé »34 qui étaient

prioritaires. Un autre témoignage donne à penser que les conseillers pratiquant l’accompagnement « global » ont eux aussi bénéficié de cette formation35. C’est dire que les autres conseillers, ceux qui

assuraient les modalités « suivi » et « accompagnement guidé », n’étaient pas prioritaires et que vraisemblablement nombre d’entre eux n’ont pas pu suivre cette formation. Toutefois, dans cette période ou peu de temps auparavant, tous les conseillers de Pôle emploi ont reçu une formation approfondie à l’OTLV, utile aussi pour la démarche CEP. Quant aux conseillers des Missions locales et des Cap emploi étudiés, quelques-uns seulement ont pu profiter des formations proposées. Dans l’enquête au niveau des territoires, les réponses sur ce point varient d’une structure locale à l’autre. Certains Cap emploi ont envoyé des conseillers en formation CEP, d’autres non. Quant aux Missions locales, à l’exception d’une structure sur six où personne n’est parti en formation CEP, deux ou trois salariés par structure ont bénéficié de cette formation conçue au niveau national, mais organisée au niveau régional par le réseau des ARML. Celle-ci semble avoir duré de 2 à 5 jours selon les témoignages collectés. La personne référente sur la formation – ou sur l’orientation selon la Mission locale concernée – a été désignée au premier chef pour bénéficier de cette formation ; dans un cas sur six elle a été la seule de sa structure à y aller. Il faut rappeler que mi-2015, la formation au logiciel du nouveau système informatique I-Milo qui se mettait en place a présenté un caractère prioritaire. Au-delà de cette présentation assez générale de la philosophie du CEP, il a été nécessaire de s’attaquer sans tarder à la question de l’ingénierie de formation, et notamment à sa dimension financière, là où cette dernière n’était pas maîtrisée. C’était le cas à l’Apec qui auparavant ne travaillait pas sur la question de la formation. Le choix a été fait de donner une formation approfondie en la matière à un petit groupe de consultants volontaires pour en faire des personnes ressources pour leurs collègues. Formés fin 2014 par des prestataires externes spécialisés, ils avaient vocation à répondre aux

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A Pôle emploi, le CEP concerne en principe les demandeurs d’emploi qui bénéficient d’un accompagnement guidé ou renforcé, la modalité « renforcé » correspondant à l’accompagnement le plus intensif. A priori, le simple « suivi » par un conseiller constitue une troisième modalité qui ne rentre pas dans le cadre du CEP, même si des perceptions différentes peuvent s’exprimer, car la personne est supposée autonome. Il existe par ailleurs un accompagnement « global », qui est une formule différente, impliquant la mobilisation en parallèle de travailleurs sociaux hors Pôle emploi.

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Il s’agit d’une psychologue du travail de Pôle emploi qui était auparavant conseillère en accompagnement « global ». Lors de l’ouverture de postes de psychologues du travail fin 2016, elle a candidaté et bénéficié d’une mobilité interne.

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sollicitations de leurs collègues tout en restant eux-mêmes consultants mobilité pour une partie de leur temps.(cf. ci-après le paragraphe sur les personnes ressources). De même, fin 2015 et début 2016, des chargés de mission de Cap emploi ont été formés par l’AFPA au niveau 3 du CEP et à l’ingénierie de formation sur un financement exceptionnel de l’Agefiph et du FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique).

Par la suite, les années 2017 et 2018 ont également vu la mise en place de formations. Dans quelques cas, une structure locale a organisé en interne une formation d’appropriation du CEP pour que tous ses conseillers en bénéficient, parfois en faisant appel à un organisme de formation qui l’avait préalablement dispensée dans un cadre national. Mais souvent ces formations plus tardives ont concerné des thématiques spécifiques ou des informations à caractère technique, certes utiles pour la mise en œuvre du CEP mais aussi pour l’ensemble de l’activité. En voici deux exemples : une formation sur un logiciel utilisé dans l’approche compétences et une formation sur la maîtrise des données socio- économiques réalisée dans les locaux d’un Fongecif pour bénéficier à l’ensemble des conseillers de la structure. Par ailleurs, des conseillers ont mentionné leur participation à des formations organisées au niveau régional par leur Carif-Oref, et aussi mais plus rarement à des formations dispensées par l’AFPA.

2.1.3. L’élaboration de supports méthodologiques

Les opérateurs locaux ont assez rapidement pu s’appuyer sur le travail collectif réalisé au niveau national, et en particulier sur le guide « Repères du conseil en évolution professionnelle », adopté par le CNEFOP36 en novembre 2015 et mis à jour en mars 2017. Celui-ci vise en effet à donner des points

de repère utiles à l’ensemble des acteurs impliqués dans la mise en œuvre du CEP.

Plusieurs opérateurs ont souhaité aller au-delà et créer pour leur propre compte des supports directement utiles à leurs conseillers CEP. Les opérateurs structurés de manière centralisée l’ont fait en interne au niveau national, souvent en associant à la réflexion des représentants du niveau régional. Ainsi, Pôle emploi a écrit le « guide méthodologique de l’orientation » (GMO), il a défini huit compétences pour s’orienter et a créé divers outils pour les conseillers.

Il est intéressant de constater que les opérateurs décentralisés ont eux aussi pu porter cette ambition et qu’ils se sont organisés dans le cadre de leurs réseaux.

 Cheops a réuni et animé un groupe de travail national auquel ont participé des directeurs de Cap emploi. Ce groupe a élaboré un guide pratique à l’attention des conseillers des Cap emploi. Intitulé « kit CEP », celui-ci est hébergé sur le site de Cap emploi. Le travail ne doit pas s’arrêter là, puisqu’il est prévu qu’un groupe de travail national aborde ensuite la question de l’outillage, avec l’objectif de développer des outils numériques et d’en faciliter l’accès.

 De leur côté, les Fongecif ont travaillé avec le FPSPP dans une démarche qui se voulait « bottom- up », associant des praticiens de terrain. La « cellule d’ingénierie » ainsi réunie au niveau national a travaillé à l’attention des professionnels en produisant d’abord un document intitulé « Guide repères : accompagner les transitions professionnelles », puis une boîte à outils « la cartographie de l’offre de services CEP ». Elle a ainsi formalisé un « panier de services » identifiant 3 niveaux de CEP, déclinés en 11 services et 24 prestations. Le « profilage » y est récusé, avec une insistance sur la personnalisation du service. Parallèlement, une réflexion a été lancée en direction des usagers ; celle-ci a abouti à la création du site « moncepmonFongecif.fr » qui présente l’offre de services déclinée en trois niveaux : « je m’informe, je me décide, je me lance ».

 La démarche du réseau des Missions locales a été différente. Son hypothèse de départ était que le CEP ne venait pas remettre en question l’accompagnement tel qu’il était déjà réalisé en Mission locale, mais plutôt le légitimer et potentiellement le renforcer grâce au décloisonnement des acteurs d’un même territoire. Se questionnant sur la professionnalité des conseillers, son approche a consisté à partir du référentiel de compétences du conseiller technique, tel qu’il figure dans la convention collective des Missions locales. L’UNML a entrepris de comparer ces compétences,

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finement définies, d’une part avec les compétences développées à travers le titre de conseiller en insertion professionnelle (CIP) de l’AFPA, et d’autre part avec les exigences du cahier des charges du CEP. Pour conclure in fine que le titre de CIP reste bien en-deçà des compétences attendues du conseiller technique de Mission locale, mais qu’en revanche ces dernières correspondent assez précisément aux préconisations du cahier des charges du CEP. Un constat qui n’invitait pas à investir lourdement dans des actions d’adaptation des professionnalités…

Qu’ils aient ou non eu accès à tel ou tel des supports d’appropriation de la démarche CEP présentés ci-dessus, la plupart des conseillers ont pu s’appuyer sur des ressources mises à leur disposition dans le cadre de leur environnement de travail habituel, généralement à partir de 2017.

2.2. Les appuis destinés à professionnaliser l’exercice du conseil en