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Partie 1. L’activité de conseil : organisation du travail, posture et appuis à la professionnalisation

1. Activité et posture des conseillers en charge du CEP

1.2. Diversité de la mise en œuvre chez des opérateurs intrinsèquement différents

1.2.4. Cap emploi, une activité formalisée par le CEP

Pour une partie des personnes interrogées au sein de ce réseau, le CEP est sans doute venu renforcer ou légitimer le cœur de métier des Cap emploi, à savoir l’accompagnement des personnes en reconversion professionnelle, mais sans introduire de changement dans les pratiques professionnelles en dehors de l’acquisition du vocabulaire CEP.

Avec l’arrivée du CEP, le réseau Cheops a développé dès 2015 une ingénierie de formation pour les Cap emploi visant à présenter les opérateurs et la démarche générale du CEP. Dans le même temps, les agences ont engagé une réflexion sur leur activité à partir de l’analyse du cahier des charges du CEP, pour aboutir généralement au constat d’un écart réduit entre les pratiques d’accompagnement attendues dans le cadre du CEP et celles en cours dans les Cap emploi. In fine, il n’y a pas eu de grande réorganisation avec l’introduction du CEP. C’est davantage le volet Sameth31 qui a modifié ou modifiera

l’organisation des agences Cap emploi32.

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Une zone blanche est une zone du territoire qui n’est pas desservie par un réseau de téléphonie ou d’internet. Il est fait référence ici aux zones où l’accès à internet est impossible, mais aussi par extension aux zones qualifiées de « grises », c’est- à-dire couvertes par un seul opérateur, ou de « zones d’ombre », couvertes par un service d’une qualité insuffisante.

31 Le Sameth est un organisme spécialiste du maintien dans l’emploi des personnes handicapées. 32 Lors de notre enquête de terrain seules quelques agences avaient déjà intégré le volet Sameth.

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Présentation des Cap emploi Qui ?

Le réseau national des Cap emploi est composé de 98 organismes de placement spécialisés (OPS) exerçant une mission de service public. Ils sont en charge de la préparation, de l’accompagnement, du suivi durable et du maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

Leurs missions s’inscrivent au niveau national dans le cadre de la convention nationale pluriannuelle multipartite de mobilisation des personnes en situation de handicap 2017-2020, signée en novembre 2017, qui vise à fédérer les acteurs de l’insertion professionnelle et du maintien en emploi des travailleurs handicapés autour d’une stratégie nationale partagée. Les Cap emploi font partie intégrante du service public de l’emploi au même titre que Pôle emploi et les Missions locales. Depuis le 1er janvier 2015, ils sont membres du SPRO et du CREFOP (via l’instance régionale Cheops).

Quelles missions ?

Dans le cadre d'une compétence départementale, au sein d'un réseau national, chaque Cap emploi assure une mission de service public en complément de l'action de Pôle emploi. L’objectif des Cap emploi est de favoriser l'embauche des personnes handicapées dans les entreprises, privées ou publiques. La convention multipartite 2017-2020 définit 5 grands objectifs :

- Faciliter la construction et la sécurisation des parcours d’accès à l’emploi et leur mise en œuvre, - Renforcer l’accès à la formation professionnelle des personnes handicapées en mobilisant toutes

les offres de la formation professionnelle,

- Amplifier l’action coordonnée en faveur du maintien en emploi pour tous (salariés, non-salariés et employeurs),

- Mobiliser les employeurs publics et privés,

- Optimiser les échanges d’informations, installer l’interconnexion des systèmes d’information. Sur le volet « Entreprises », leurs services s’adressent aux entreprises privées et au secteur public et proposent aides et conseils pour le recrutement, l’intégration et le maintien dans l’emploi de collaborateurs handicapés. Le service, gratuit pour l’employeur, est financé par l’Agefiph, le FIPHFP et Pôle emploi. Sur le volet « Personnes handicapées », les services s’adressent aux personnes reconnues en situation de handicap (demandeurs d’emploi, salariés, agents publics, travailleurs indépendants).

Depuis le 1er janvier 2018, les missions des OPS ont été élargies au maintien dans l’emploi (Article 101 de

la Loi n°2016-1088 du 8 août 2016). Ces Services d'Appui au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (SAMETH) permettent aux employeurs, privés et publics, d’obtenir des aides de l’Agefiph pour le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés afin d’éviter le licenciement d’un salarié devenu inapte à son poste.

L’activité des conseillers dans les Cap emploi n’a pas été modifiée par l’introduction du CEP. Les paroles que nous avons recueillies convergent vers l’idée selon laquelle le CEP est venu formaliser une pratique professionnelle déjà structurée sur de l’accompagnement au projet professionnel, « on faisait du CEP

sans le savoir ». Les trois niveaux du CEP se sont « naturellement » calqués sur les trois niveaux de suivi

des Cap emploi : SPH (service à la personne handicapée) 1, 2 et 3 (le SPH4 ou appui à l’accès à l’emploi n’entre pas dans la démarche CEP). L’harmonisation des niveaux du CEP avec ceux du SPH n’est pas totale dans la mesure où l’accompagnement dans le cadre du niveau 3 du CEP s’arrête à l’entrée en formation du demandeur d’emploi alors que la prise en charge dans le cadre du SPH3 va jusqu’à la fin de la formation, car la personne en situation de handicap peut nécessiter un accompagnement tout au long de sa formation. Certains conseillers soulignent cependant que l’offre de services proposée dans le cadre du SPH1 ne correspond pas totalement au niveau 1 du CEP qui nécessite un apport d’information plus important que celui prévu dans l’offre traditionnelle de services. Par ailleurs, les craintes liées à l’obligation d’accueillir un autre public que celui spécifique des Cap emploi ont été rapidement balayées, comme nous l’a indiqué l’un de nos interlocuteurs : « finalement, aucune

SPH1 - Evaluation et diagnostic

C'est un service d'entrée pour les personnes handicapées qui sont adressées ou qui s'adressent au Cap emploi pour bénéficier de son offre de services. Il constitue donc un sas d'entrée. Il est mobilisable en tant que service ponctuel (expertise) par un partenaire (Pôle emploi, Mission locale) au bénéfice d'une personne handicapée qu'il accompagne.

SPH2 - Définition et / ou validation d'un projet professionnel

Ce service est mobilisé à la demande de la personne et sur avis du conseiller Cap emploi lorsqu'il y a nécessité d'élaborer et / ou de valider un projet professionnel.

SPH3 - Accès à la formation

Ce service est mobilisé à la demande de la personne qui a un projet professionnel (ou de métier) identifié et défini et sur avis du conseiller Cap emploi.

SPH4 - Appui à l'accès à l'emploi

L’accompagnement d’un demandeur d’emploi reconnu travailleur handicapé s’inscrit dans des procédures qui relèvent soit d’une décision de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), soit d’un accord avec Pôle emploi qui peut déléguer le suivi d’un de ses demandeurs d’emploi en situation de handicap. Cet accompagnement s’inscrit très souvent (mais pas exclusivement) dans un temps long qui doit permettre de traiter une problématique de reconversion professionnelle. De fait, l’activité habituelle d’un conseiller de Cap emploi est proche de celle attendue dans le cadre du CEP. Pour les Cap emploi, le CEP est sans doute venu renforcer ou légitimer leur cœur de métier, à savoir l’accompagnement des personnes en reconversion professionnelle. Comme le rappelle l’un de nos interlocuteurs, « le public qui vient au Cap emploi y vient avec une clé d’entrée qui

est celle du handicap. Pour rencontrer des spécialistes avec une expertise autour du handicap. Ce n’est pas le CEP, ni le CPF. Le CEP ça ne parle pas aux gens ».

Dans leur activité d’accompagnement, les conseillers des Cap emploi utilisent en priorité les prestations financées dans le cadre du droit commun (Conseil régional, Pôle emploi, mobilisation du CPF, etc.). Dans certains cas les financements sont spécifiques et relèvent de demandes à l’Agefiph. Ainsi, l’accompagnement d’un demandeur d’emploi en situation de handicap peut nécessiter l’activation de plusieurs types de financement, soit sous forme exclusive soit sous forme de co- financement. Cette double inscription dans le droit commun et le droit spécifique demande au conseiller de maîtriser à la fois des outils de Pôle emploi (Emploi Store par ex.) et d’autres de l’Agefiph (la prestation spécifique d’orientation professionnelle par ex.) afin d’assurer l’accompagnement du public dont il a la charge.

S’il en ressort que le CEP semble n’introduire que peu de changement dans les pratiques professionnelles des conseillers (hors vocabulaire CEP et création d’ateliers spécifiques d’information sur le CPF), celui-ci entre parfois en contradiction avec les logiques de contrôle de leur activité et de leur performance. Les propos d’une responsable d’agence illustrent la façon dont est perçue l’introduction du CEP dans la plupart des Cap emploi enquêtés : « Autant l'esprit du CEP est naturel

dans nos équipes, autant les outils supports et la formalisation des niveaux de CEP sont vécus comme une contrainte ». Notre interlocutrice souligne que le dossier de synthèse génère une contrainte forte.

Ce dossier, en s’imposant à l’ensemble des opérateurs, est perçu comme facilitant la communication entre opérateurs via la synthèse dont dispose l’usager, mais dans le même temps, la façon de structurer le document est perçue comme trop rigide (selon l’un des témoignages, « la synthèse

dénature les outils existants33 »).

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Les outils pour le Cap emploi sont « des tableaux de bord avec un suivi très simple » et « des rétrospectives à échéance trimestrielle sur lesquelles on donne les résultats ».

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Parmi les Cap emploi assurant le volet Sameth (qui permet l’accompagnement du salarié en situation de handicap), le CEP apparaît comme une ressource car il apporte une réponse complémentaire à l’offre de services du salarié travailleur handicapé : s’il est indispensable d’obtenir l’accord salarié/employeur/médecin du travail dans le cadre d’un aménagement de poste, le CEP permet en revanche d’envisager une solution pour le salarié en situation de handicap sans que l’employeur n’intervienne. Le CEP permet ainsi de trouver une issue à certaines situations bloquées.

Au final, les principaux facteurs d’évolution dans l’organisation du travail sont les changements récurrents de la batterie d’outils, avec leurs répercussions sur le montage des dossiers administratifs pour mobiliser telle ou telle prestation, ainsi que la nécessité de s’approprier l’évolution des logiciels de Pôle emploi.

Dans le cadre de leur activité, les conseillers Cap emploi sont unanimes pour affirmer que le CEP a peu modifié leur posture professionnelle dans la mesure où la plupart des personnes qu’ils accompagnent ont besoin d’un CEP. Comme le pointe l’un de nos interlocuteurs, « il n’y a pas eu d’affolement de notre

part à ce moment-là, puisque ça faisait écho par rapport à ce qu’on faisait déjà ». Le fait que l’ensemble

des interlocuteurs (directions et conseillers) souligne le peu de changement introduit dans leur pratique par le CEP s’accompagne d’une absence d’interrogation sur la posture du conseiller, comme si elle allait de soi : « on a toujours fait du CEP, c’est notre activité au quotidien (…) Les Cap emploi ont

pour vocation de faire du CEP ». Cette absence de ré-interrogation peut s’expliquer par la nature

particulière que peut prendre l’accompagnement d’un demandeur d’emploi handicapé : si l’objectif est de favoriser au maximum l’autonomie de la personne, quelquefois le conseiller est dans une position où il est amené à faire à la place pour certaines situations (difficulté des personnes dans la maîtrise de la langue, manque de confiance…).