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LES ÉVOLUTIONS DE LA CONSTITUTION DE STOCKS DEPUIS 2008

Dans le document 1 ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR DE LA ZONE EURO (Page 65-69)

Les stocks sont un facteur important des fluctuations du cycle conjoncturel. Ils ont joué un rôle majeur dans la profonde récession qui a fait suite à la faillite de Lehman Brothers en 2008, mais également au cours de la reprise économique ultérieure ainsi que durant l’épisode récent de contraction de l’activité économique. Le présent encadré examine le rôle des stocks au cours de ces périodes ainsi que leurs implications pour la situation et les perspectives économiques début 2013.

Les stocks et le cycle conjoncturel

Les ajustements des stocks sont un moyen de lisser la production dans un contexte de volatilité de la demande, notamment en présence de coûts d’ajustement. Les stocks devraient par conséquent augmenter lorsque la demande s’affaiblit, et inversement. Toutefois, les données macroéconomiques empiriques indiquent que la variation des stocks est procyclique et accentue aussi bien le recul de l’activité que le mouvement de reprise ultérieur. En effet, au début d’une phase de ralentissement, on constate généralement une constitution de stocks involontaire, la production ne pouvant s’ajuster assez rapidement à la baisse de la demande. Cette période est toutefois rapidement suivie d’un processus délibéré de déstockage, les entreprises cherchant à alléger le niveau de leurs stocks en réduisant la production, ce qui accentue le repli de l’économie. Une fois que le rythme de déstockage se ralentit, les stocks apportent une contribution positive à la croissance du PIB, soutenant ainsi la reprise économique globale.

D’un point de vue conceptuel, il est important de noter que ce n’est pas la variation des stocks qui a une incidence sur la croissance du PIB, mais l’ampleur avec laquelle cette variation s’atténue ou s’accentue. En d’autres termes, la contribution des stocks à la croissance du PIB dépend de l’accélération ou du ralentissement du rythme de déstockage ou de reconstitution des stocks.

Par conséquent, une contribution positive des stocks à la croissance peut intervenir en cas d’accélération de la reconstitution des stocks, mais également de ralentissement du rythme de déstockage. Ce ralentissement est fréquemment observé durant la phase de reprise de l’activité économique, juste après que le point inférieur du cycle a été atteint, lorsque le rythme de déstockage est souvent à son maximum.

Dans la pratique, l’analyse des stocks au niveau macroéconomique est un exercice difficile.

Les données suscitent de nombreux problèmes, la variation des stocks étant difficile à retracer et à mesurer et les données solides concernant les stocks étant sujettes à révision. L’analyse des stocks dans la zone euro est effectuée pour l’essentiel à partir des données des comptes nationaux trimestriels, aucune statistique mensuelle n’étant disponible 1. Les données des comptes nationaux sont utilement complétées par les enquêtes de la Commission européenne auprès des chefs d’entreprise ainsi que par d’autres sources 2.

Le cycle des stocks au cours de la récession de 2008-2009 et de la reprise ultérieure

Après la faillite de Lehman Brothers en 2008, dans un contexte de conditions de financement très restrictives, un mouvement brutal de déstockage s’est amorcé en raison d’une détérioration des perspectives de la demande. Comme le montre le graphique A, le niveau des stocks dans la zone euro a diminué de 19 milliards d’euros (0,8  % du PIB) au deuxième trimestre 2009, marquant un retournement brutal par rapport au rythme de constitution de stocks observé au premier trimestre 2008 (0,7  % du PIB, soit une augmentation de 17 milliards). Des éléments empiriques font apparaître un mouvement général de « chasse à la trésorerie » à cette époque, ainsi que l’importance de la thésaurisation dans le processus de déstockage. En outre, le déstockage volontaire des consommations intermédiaires dans le secteur manufacturier ainsi que dans le

1 Les données de comptes nationaux présentent l’avantage d’une couverture exhaustive en principe. Il faut toutefois faire preuve de prudence lors de l’interprétation de la variation des stocks à partir de ces données, les stocks étant la composante la moins fiable de la ventilation du PIB par type de dépense. Compte tenu du manque fréquent de données sources effectives sur les stocks à une fréquence trimestrielle, la variation des stocks joue souvent un rôle de premier plan dans le processus d’équilibrage des comptes nationaux et comporte par conséquent une composante résiduelle importante. En outre, les données relatives aux évolutions des stocks font souvent l’objet de révisions substantielles. Cf. l’encadré intitulé Fiabilité des estimations de la croissance du PIB de la zone euro et de ses composantes du Bulletin mensuel de juin 2006

2 Pour plus de détails, cf. l’encadré intitulé La constitution de stocks : considérations théoriques et évolutions récentes du Bulletin mensuel de mai 2012

Production, demande et marché du travail

commerce de détail et de gros a contribué au départ à l’augmentation involontaire des stocks de produits fi nis, les producteurs s’avérant incapables de réduire leur production suffi samment rapidement pour éviter que le ratio des stocks de produits fi nis rapportés aux ventes ne dépasse les niveaux souhaités 3. Cette évolution est conforme au profi l typique selon lequel un « choc de stocks » conduit dans un premier temps à une modifi cation de la composition des stocks avant d’affecter leur niveau global, lorsque des réductions de plus en plus importantes de la production permettent un déstockage de plus en plus rapide 4. Au fi nal, les stocks ont contribué pour plus d’un quart au recul global de 4,7 % du PIB en volume entre le troisième trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009, soit une contribution négative beaucoup plus importante que celle de la consommation privée (cf. tableau).

3 Cf. l’encadré intitulé Évolutions récentes des stocks des entreprises du Bulletin mensuel de mai 2009

4 Le processus de déstockage observé après la faillite de Lehman Brothers a également été un phénomène mondial. Il a été constaté aux États‑Unis, au Royaume‑Uni, en Chine et au Japon, mais également, de façon spectaculaire, dans certains pays tels que la Corée du Sud et la Russie (où l’ajustement des stocks a été le plus important au quatrième trimestre 2008). Cette évolution a contribué à la très forte contraction des échanges commerciaux internationaux au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009.

Taux de croissance du PIB de la zone euro et contributions par composantes de la demande

(variations en pourcentage ; en points de pourcentage)

T3 2008 – T2 2009 T2 2009 – T2 2011 T2 2011 – T4 2012

PIB - 4,7 3,9 - 1,1

Contribution de la demande intérieure - 2,9 1,1 - 2,1

dont :

Consommation privée - 0,5 0,6 - 0,9

Consommation publique 0,4 0,2 - 0,1

Investissements en capital fi xe - 2,8 0,4 - 1,1

Contribution des exportations nettes - 0,6 1,2 2,2

Contribution de la variation des stocks - 1,4 1,5 - 1,2

Source : Eurostat

Graphique A Variations des stocks dans la zone euro calculées à partir des comptes nationaux et des indices des directeurs d’achat

(indices de diffusion ; en milliards d’euros)

41

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Variations des stocks (échelle de gauche)

Indices de diffusion des directeurs d’achat relatifs aux variations des stocks (échelle de droite)

Sources : Markit, Eurostat et calculs de la BCE

Note : Comptes nationaux : variations des stocks, en valeur. Indice des directeurs d’achat : moyenne des stocks du commerce de détail et des stocks de consommations intermédiaires et de produits fi nis  dans le secteur manufacturier

Graphique B Contributions des stocks à la croissance du PIB de la zone euro calculées à partir des comptes nationaux

et des indices des directeurs d’achat

(variations en points d’indices de diffusion ; en points de pourcentage du PIB)

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Stocks de consommations intermédiaires (échelle de gauche)

Stocks totaux (échelle de gauche) Stocks (SEC 95) (échelle de droite)

Sources : Markit, Eurostat et calculs de la BCE

Note : Comptes nationaux : contributions en volume en données chaînées. Indice des directeurs d’achat : variations des indices (en points de pourcentage).

À compter de mi‑2009, l’amélioration des prévisions relatives à la demande, les conditions de fi nancement plus favorables et le niveau sans doute excessivement faible des stocks ont entraîné une atténuation rapide du rythme de déstockage, qui a fi nalement fait place à une reconstitution des stocks début 2010, selon les données des comptes nationaux (cf. graphique A).

Le ralentissement du rythme de déstockage a entraîné à lui seul une hausse signifi cative du PIB au troisième trimestre 2009, contribuant ainsi à une reprise plus précoce et rapide qu’anticipé en général. En outre, entre le troisième trimestre 2009 et le deuxième trimestre 2011, la longue série de contributions trimestrielles majoritairement positives de la variation des stocks à la croissance du PIB a représenté au total 1,5 point de pourcentage, soit les deux cinquièmes environ de la croissance du PIB au cours de cette période (cf. tableau).

La correction des stocks en 2011-2012

La reconstitution des stocks enregistrée dans les comptes nationaux depuis le premier trimestre 2010 a atteint un point haut au deuxième trimestre 2011, à 0,9  % du PIB en valeur. Ce rythme assez soutenu de reconstitution des stocks refl ète probablement davantage la reprise plus forte que prévu de l’activité à l’époque plutôt qu’une tentative délibérée des entreprises d’assouplir la gestion restrictive des stocks qui avait été mise en place après la faillite de Lehman Brothers. En effet, les enquêtes et les éléments empiriques ont mis en évidence une gestion rigoureuse des stocks le long de la chaîne d’approvisionnement entre 2010 et mi‑2011, les entreprises conservant une approche prudente quant à leur trésorerie.

Toutefois, lorsque les importantes additions nettes aux stocks observées mi‑2011 ont coïncidé avec une forte détérioration des perspectives d’activité, les entreprises ont rapidement réévalué le niveau de leurs stocks en quelques mois. Selon l’enquête de la Commission européenne auprès des chefs d’entreprise (cf. graphique C), l’évaluation du niveau des stocks par rapport au niveau jugé normal était proche de la moyenne historique, après avoir été historiquement basse pendant plus d’un an.

En outre, tout comme fi n 2008, l’enquête menée auprès des directeurs d’achat a signalé fi n 2011 un déstockage plus rapide (ou une constitution de stocks moins élevée) des consommations intermédiaires et des produits de détail que des produits fi nis dans le secteur industriel.

D’après les données des comptes nationaux, cette nouvelle situation a entraîné un net ralentissement du rythme de constitution de stocks, voire un léger déstockage au quatrième trimestre 2011 5 ; d’où la contribution fortement négative à la croissance (– 0,7 point

5 Le fait que le rythme de déstockage ressortant de l’enquête auprès des directeurs depuis le second semestre 2011 soit inférieur à celui tiré des données de comptes nationaux refl ète l’imperfection de la mesure des stocks par ces deux sources ; en outre, les révisions dont les données de comptes nationaux font l’objet sont fi nalement susceptibles de réduire l’écart qui peut être observé actuellement.

Graphique C Niveau des stocks

dans l’industrie manufacturière (produits fi nis) et dans le commerce de détail

(soldes d’opinion ; données mensuelles) Industrie manufacturière (produits finis) (échelle de gauche)

Moyenne 1985-2012 – industrie manufacturière (produits finis)

Commerce de détail (échelle de droite)

6

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Source : Commission européenne

Note : Évaluation par les participants à l’enquête du niveau de leurs stocks par rapport au niveau jugé « normal »

Production, demande et marché du travail

Dans le document 1 ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR DE LA ZONE EURO (Page 65-69)