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2.2 Méthodologie utilisée

2.3.2 Modélisation des événements indésirables

2.3.2.1 Les événements indésirables et la rectopexie . 71

La rectopexie, comme toute opération chirurgicale, peut entraîner l'ap-parition d'EIs. Ces EIs peuvent être postopératoires comme des infections urinaires et des hernies incisionnelles [10, 20, 86], mais peuvent aussi appa-raître au cours de la chirurgie. Notre objectif étant d'identier des déviations intraopératoires, nous nous sommes concentrés sur les EIs intraopératoires et nous en avons identié 9 types pouvant être plus ou moins dangereux pour

le patient, présentés dans le tableau 2.4, avec les phases où il est le plus probable qu'ils surviennent.

Catégorie Dénition Phase d'apparition

Perforations d'organes creux

Un organe creux est percé entraî-nant une communication non dési-rée entre la cavité abdominale et l'intérieur de cet organe, augmen-tant le risque d'infection

Toutes sauf Fermeture

Plaies

vasculaires Un vaisseau est sectionné entraînantun saignement ou une hémorragie Toutes Plaies

urologiques Section d'un vaisseau du systèmeurinaire Dissection etRésection Fixations dans

le disque intervertébral

Fixation des bandelettes entre 2 ver-tèbres plutôt que dans le

promon-toire Fixation

Brûlures Brûlure cutanée du patient due àl'optique l'optique est retiré)Toutes (lorsque Anesthésique Problème lié à l'anesthésie (réveil dupatient, mauvaise réaction...) Toutes

Création du pneumopéritoine

Diminution du pneumopéritoine ou injection du gaz entre la paroi et le

péritoine Toutes

Matériels Matériel non adapté à la réalisationde la tâche Toutes Sections

nerveuses Section d'un nerf ou d'un plexusnerveux Dissection etRésection Table 2.4  Catégories et phases d'apparition des événements indésirables intraopératoires pouvant survenir au cours d'une rectopexie.

Chaque phase peut être le moment de l'apparition d'un EI intraopératoire, cependant les phases de dissection et de résection sont celles qui présentent le plus de risque pour le patient.

Selon les chirurgiens avec qui nous avons eectué le processus d'élicitation, la majorité des EIs intraopératoires qui apparaissant au cours de la recto-pexie sont soit des plaies vasculaires, soit des perforations d'organe creux. La majorité des plaies vasculaires sont des EPRs, car facilement visibles et contrôlables. En revanche, les perforations d'organe creux sont presque ex-clusivement des EIGs, elles interviennent principalement lors de la xation des bandelettes sur le rectum, et sont presque impossibles à détecter lors de l'opération, puisqu'elles sont masquées par les bandelettes, et entraînent alors des EIs postopératoires.

2.3.2.2 Ontologie des événements indésirables chirurgicaux

Lors de notre collecte des connaissances préliminaires, nous avons identié plusieurs ontologies traitant des événements indésirables, parmi lesquelles, nous pouvons citer OntoADR [71, 72] axée sur les réactions indésirables des médicaments, ou OAE axée sur les EIGs en général. Cette dernière comporte plus de 3 500 concepts et 52 170 axiomes, elle est donc très complète et couvre une grande partie du monde médical. Cependant, dans son volet dédié à la chirurgie, elle ne prend en compte que les EIGs postopératoires (gure 2.7). L'ensemble des EIs (EIGs et EPRs) n'est donc pas pris en compte par OAE.

Figure 2.7  Événements indésirables graves présentés dans OAE pour la chirurgie.

Ainsi, il nous a semblé important de mettre en place une ébauche d'onto-logie des événements indésirables, quel que soit le moment de leur apparition. Cependant, limiter une telle ontologie uniquement à la rectopexie ne nous semblait pas une solution appropriée. En eet, les 9 catégories d'événements indésirables intraopératoires que nous avons identiées (tableau 2.4) peuvent aussi s'appliquer à d'autres types de chirurgie laparoscopique. C'est pourquoi le domaine de l'ontologie englobe les événements indésirables dans le cadre d'une opération chirurgicale par voie laparoscopique.

Pour ce faire, nous nous sommes inspirés d'un certain nombre de concepts d'OAE, principalement sur ce qui touche à la déclaration d'un EI et à la gestion des risques associés, en les spéciant pour l'aspect chirurgical. Pour l'aspect anatomie, nous avons extrait de FMA les concepts dont nous avions besoin. Pour la description des outils chirurgicaux, nous avons pris la même organisation que pour la création de OntoRectopexy. Ainsi, l'ontologie que nous avons mise en place, nommée OntoSurgicalEvents, compte 242 concepts et plus de 1 250 axiomes.

Au cours de l'élaboration de cette ontologie, nous nous sommes principa-lement concentrés sur la notion de processus de récupération en cas d'appa-rition d'un EI préopératoire, intraopératoire ou postopératoire. La gure 2.8 représente les relations en jeu lors de l'apparition d'un EI postopératoire nécessitant une nouvelle opération (grade III de la classication de Dindo-Clavien [21]). Dans cet exemple, un EI postopératoire (postoperative_event)

est identié, celui-ci est soit un EIG ou un EPR (respectivement adverse-event et potential-adverse-adverse-event) et il provient d'une chirurgie (surgery). Un EI postopératoire est classié en fonction de sa gravité selon la classication de Dindo-Clavien (Dindo_Clavien_classication_severity). L'analyse déter-mine qu'il s'agit d'un EI de grade III (grade_III_Dindo_Clavien _classi-cation), ainsi le processus de récupération à mettre en place est une nouvelle opération (new_intervention). En plus de ces concepts, il a été nécessaire de dénir des relations qui n'étaient pas présentes dans les autres ontolo-gies. Par exemple, nous avons déni la relation de processus de récupération (représenté en orange pointillé) qui associe la gravité d'un événement (se-verity_of_event) à un processus de récupération (event_recovery). La dé-nition de cette relation entre ces deux concepts assure qu'un processus de récupération soit toujours associé à la gravité d'un événement.

Figure 2.8  Représentation graphique des relations de OntoSurgicalEvents reliant un événement de gravité de grade III(classication de Dindo-Clavien [21]) au processus de récupération à mettre en place. Les relations en bleu de type A → B signient que A est une classe mère de B. La relation en gris pointillé de type C → D signie que C peut entraîner D. Les relations en vert pointillé de type E → F signient que E est caractérisé par F . Les relations en orange pointillé de type G → H signient que le processus de récupération de G est H.

Un raisonnement similaire peut être réalisé pour un EI intraopératoire, par exemple avec la classication de Kaafarani [12]. Mais puisque cette clas-sication n'est pas utilisée en pratique et que certains cas ne sont pas pris en compte, comme le cas de la conversion d'une chirurgie laparoscopique en laparotomie, nous n'avons pas spécié le type de processus de récupération pour chaque grade de gravité. Mais, la relation de processus de récupération qui associe la gravité d'un événement (severity_of_event) à un processus de récupération (event_recovery), assure que l'ontologie acceptera n'importe quel type de processus de récupération pour un type de gravité d'un EI

2.4 Discussion

Dans ce chapitre, nous avons présenté les diérentes méthodologies exis-tantes pour comprendre le déroulement chirurgical de la rectopexie. Nous avons choisi de modéliser cette chirurgie, car celle-ci, en plus d'être standar-disée, est régulièrement réalisée par des experts intéressés par l'explicitation des connaissances. Cette modélisation nous semblait nécessaire pour bien comprendre le déroulement de la rectopexie et les mécanismes mis en jeu lors de l'apparition d'un événement indésirable, au lieu de partir sans la moindre notion élémentaire.

Nous avons fait le choix d'utiliser l'analyse des tâches cognitives pour ar-river à la mise en place d'une représentation hiérarchique et d'une ontologie. Ces deux modèles représentent le déroulement normal de la rectopexie sans prendre en compte l'apparition possible d'événements indésirables. Les ca-ractéristiques préopératoires n'ayant pas de rôle majeur sur le déroulement des phases et des étapes, nous avons décidé de les considérer comme négli-geables. La représentation hiérarchique permet de comprendre facilement la succession des 7 phases et des 26 étapes permettant de corriger le prolapsus rectal. Grâce aux 21 verbes d'action, aux 13 instruments chirurgicaux et aux 21 cibles pouvant décrire les activités, nous avons recensé 150 combinaisons ayant un sens physique pour la rectopexie. La représentation hiérarchique est en quelque sorte un carnet de route pour eectuer une rectopexie selon la technique Grenobloise.

OntoRectopexy, l'ontologie du déroulement de la rectopexie que nous avons développée s'appuyant sur OntoSPM [54], ouvre les portes pour de nombreuses applications. Par exemple, dans le domaine de la modélisation des processus chirurgicaux (SPM) de nombreuses études se portent sur la re-connaissance automatique de phases, d'étapes ou d'activités. Avec les connais-sances inscrites dans l'ontologie, il est envisageable d'améliorer ces méthodes de reconnaissance automatique en ajoutant ces connaissances. En eet, nous avons vu que l'ontologie peut permettre de s'assurer que l'association entre un verbe d'action et un instrument chirurgical est possible grâce aux fonctions de cet outil. Ainsi, la reconnaissance d'un outil surait pour que l'ontologie soit capable de retourner l'ensemble des verbes d'action pouvant être fait avec cet outil.

L'avantage d'utiliser une ontologie comparée à un recensement des ac-tivités, pour déterminer les activités réalisables, est de s'assurer de leurs exhaustivités. En eet, grâce à la dénition des règles permettant de s'as-surer de la faisabilité d'une activité, l'ontologie n'oubliera aucune activité. De plus, l'ontologie permet en cas d'ajout d'un élément, par exemple un

nouvel instrument avec ses fonctions, de mettre à jour automatiquement la liste d'activités possibles. On pourrait aussi considérer des activités comme similaires. Par exemple deux activités consistant à couper une structure avec 2 instruments diérents sont-elles vraiment deux activités diérentes si ces outils ont tous deux la fonction de couper ?

Ainsi, l'utilisation d'ontologie permettrait d'aller plus loin dans l'aide à la chirurgie, en améliorant les méthodes de reconnaissance automatique des activités réalisées par le chirurgien. Bien que cette reconnaissance présente peu d'intérêt pour ledit chirurgien qui sait pertinemment ce qu'il est en train de réaliser, elle est la base essentielle au développement de méthode pour prévenir le chirurgien que ses gestes présentent un risque pour la sécurité du patient.

Pour ce faire, nous avons aussi étudié l'aspect sécurité de la rectopexie en nous intéressant aux événements indésirables qui peuvent survenir pendant la chirurgie. Les événements indésirables postopératoires étant largement étu-diés dans la littérature [10, 20, 86], nous nous sommes principalement inté-ressés, au cours de l'élicitation, aux événements indésirables intraopératoires. Ceci nous a permis d'identier 9 catégories d'événements indésirables intrao-pératoires, dont les perforations d'organes creux et les plaies vasculaires qui sont les événements les plus fréquents. Cette étude nous a aussi permis de déterminer que les phases de dissection et de résection étaient celles présen-tant le plus de risques pour la sécurité du patient. Dans la suite de ce travail, nous décidons donc de nous concentrer uniquement sur ces phases.

Bien qu'une ontologie très complète des événements indésirables graves existe déjà (OAE), nous avons remarqué que le volet chirurgical de cette ontologie se concentrait uniquement sur les événements indésirables postopé-ratoires. Or un événement indésirable peut survenir à tout instant à partir de l'admission du patient jusqu'à longtemps après son départ de l'hôpital. Pour combler ce manque, nous avons essayé de mettre en place une ontologie dédiée aux événements indésirables associés à une chirurgie laparoscopique, que ceux-ci aient lieu avant, pendant ou après l'opération. Cette ontologie est un premier jet et nécessite encore beaucoup de travail avant d'être com-plète. En eet bien que les notions de causes immédiates et profondes soient présentes, nous n'avons pas listé l'ensemble des causes possibles pour chaque type d'événements indésirables.

Le manque de maturité des ontologies mises en place s'explique par le fait que cette thèse n'a pas pour objectif de mettre des ontologies, mais d'étudier comment les modèles de processus chirurgicaux peuvent aider à la compréhension et à la détection des événements indésirables. Cependant,

il sera nécessaire de continuer le travail sur ces ontologies, par la dénition de l'ensemble des concepts et des relations que nous n'avons pas pris en compte, par exemple la mise en place des relations permettant de s'assurer qu'une action peut bien avoir lieu sur une cible. De plus, OntoSPM est elle même en cours de construction, par exemple, comme nous l'avons dit dans la section 1.2.1.2, la dénition des activités au sein de OntoSPM est en cours d'évolution, ainsi OntoRectopexy qui s'appuie sur cette ontologie ne peut pas être plus mature que son ontologie mère.

Chapitre 3

Détection de déviations dues à

l'apparition d'événements

indésirables

Nous avons rappelé dans le chapitre 1 qu'environ 12 000 événements por-teurs de risques (EPRs) par an avaient été déclarés dans la base de retour d'expérience (base REX) sur la période 2009 - 2015 [1]. Outre-Atlantique, l'U.S Food and Drug Administration (FDA) a montré que le nombre d'évé-nements indésirables graves (EIGs) a quadruplé en moins de 10 ans [91] : en 2006, moins de 336 000 EIGs avaient été déclarés, alors qu'en 2014 il y en a eu plus de 1,2 million. Ces chires ne traduisent pas un accroissement des erreurs médicales, mais bien que le monde médical est de plus en plus préoc-cupé par ces erreurs. Ce nombre d'événements indésirables (EIs) montre que malgré l'apport des nouvelles technologies fournissant de nombreuses infor-mations aux cliniciens, ou permettant l'exécution de geste plus précis, elles ne sont pas capables de lutter ecacement contre les EIs. Pour être mises sur le marché, ces nouvelles technologies doivent être conformes à certaines normes, par exemple en Europe la directive 93/42/CEE relative aux disposi-tifs médicaux [92]. Cependant, ces normes prennent uniquement en compte des aspects facilement, de manière relative, quantiables en matière de sécu-rité, comme la puissance maximale que peut fournir un appareil en contact avec le patient, ou la biocompatibilité d'une prothèse. Mais rien ne spécie comment ces dispositifs peuvent lutter contre l'apparition d'EIs.

Avant de penser à lutter contre l'apparition d'EIs, il est indispensable d'être capable de les détecter et de les prédire. Dans ce chapitre, nous pré-senterons une approche combinant une méthode d'alignement de séquences et des modèles semi-Markovien cachés an de permettre la détection auto-matique d'événements indésirables au cours de rectopexies.

3.1 Détection de déviations

La littérature rapporte de nombreuses méthodes permettant la détec-tion automatique de la déviadétec-tion d'un processus par rapport à un processus normal. Ces méthodes sont utilisées dans de nombreux domaines, dont la sécurité bancaire [93] et la sécurité informatique [94]. En général, la détection des déviations considère qu'il y a un processus normal auquel le nouveau processus est comparé.

Dans le domaine de la sécurité informatique, en se basant sur le principe que le déroulement normal d'un programme suit toujours le même schéma alors que les attaques informatiques peuvent varier et ne suivent pas de schéma particulier, Tan & Xi [94] créent un modèle de Markov caché (HMM) représentant le déroulement normal d'un programme. Pour déterminer si un nouveau processus dévie du processus normal, ils calculent la probabilité que le HMM fournisse le déroulement de ce processus et calculent l'entropie entre les deux types de déroulement, si l'entropie est supérieure à un certain seuil, une attaque est détectée.

En ce qui concerne le domaine de la chirurgie, seuls Bouarfa & Dankel-man [63] présentent une méthode d'alignement de séquences pour détecter des déviations. Cependant comme, nous l'avons longuement expliqué dans la section 1.3, cette méthode ne fait aucune diérence entre les déviations dues aux particularités anatomiques (DAs) et les déviations dues à l'appari-tion d'événements indésirables (DEIs). De plus, leur approche et la métrique utilisée sont simplistes. En eet, l'approche se repose uniquement sur l'ins-trument utilisé, ce qui ne permet pas de connaître le contexte des déviations détectées. La métrique utilisée est uniquement l'absence de correspondance entre une séquence de référence et les séquences à l'étude.

Dans le cadre de la chirurgie, la création d'un processus normal consiste à créer un modèle générique de processus chirurgicaux (gSPM). Les tech-niques d'alignement de séquences proposent une bonne solution pour créer ce gSPM. Ensuite, d'une manière analogue à celle de Bouarfa & Dankelman [63], il est possible de détecter la présence d'une déviation dans une nou-velle chirurgie en la comparant au gSPM. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d'une telle méthode pour diérencier les deux types de dé-viations (DA et DEI). Pour ce faire, nous avons choisi d'utiliser un modèle semi-Markovien caché après l'alignement des séquences.