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1.3 Modélisation des processus chirurgicaux, comportements chi-

2.1.2 Analyse des tâches cognitives

L'objectif de l'analyse des tâches cognitives (CTA pour Cognitive Task Analysis) [82] est de rendre explicites les connaissances et compétences mises en jeu par un expert lors de l'accomplissement d'une tâche complexe. Or la chirurgie est une tâche complexe qui fait intervenir des connaissances théo-riques sur le déroulement de l'opération et sur l'anatomie, des connaissances spéciques sur l'historique médical du patient, des compétences techniques (comme la dextérité), des compétences cognitives et interpersonnelles.

Il existe de nombreuses manières de conduire une CTA. Cependant, il est possible de synthétiser ces diérentes méthodologies en cinq étapes :

1. collecter les connaissances préliminaires ; 2. représenter les connaissances ;

3. éliciter les connaissances de l'expert ; 4. analyser et vérier les données recueillies ;

5. mise en forme des résultats pour l'application désirée.

Dans les sous-sections suivantes, nous allons détailler ces cinq étapes. Il est à noter que lorsque nous parlerons de l'analyste, nous ferons référence à la personne qui met en place la CTA ; et lorsque nous parlerons de l'expert, il s'agira de l'expert du domaine qui est analysé.

2.1.2.1 Collecter les connaissances préliminaires

L'objectif de l'analyste est d'identier la séquence de tâches qui deviendra l'objet de la CTA. Ainsi, l'analyste doit se familiariser avec le contexte, les systèmes et les procédures correspondant au domaine d'étude.

La collecte d'informations peut s'eectuer de diérentes manières : - analyse de documents : grâce aux nombreuses connaissances présentes

dans la littérature, l'analyste a la possibilité de bien appréhender l'en-semble du domaine d'étude et de comprendre les diérents déroule-ments possibles ;

- observations : il s'agit ici d'observer, de manière non intrusive, un ou plusieurs experts réalisant la tâche. Ceci permet à l'analyste de mieux appréhender les conditions normales et les actions se déroulant pendant le processus. Ainsi, l'analyste a une idée plus précise de l'inuence du monde extérieur sur ce déroulement ;

- interviews non structurées : il s'agit ici d'avoir une explication verbale d'un expert sur le déroulement et les enjeux des tâches à eectuer. Même lorsque l'analyste est déjà familier avec le domaine d'étude, il est recommandé de ne pas négliger cette étape. En eet, cette collecte de connais-sances peut apporter de nouveaux éléments lui permettant d'être plus exhaus-tif dans ses analyses.

2.1.2.2 Représenter les connaissances

Une fois la collecte d'informations eectuée, il est nécessaire de représenter les connaissances acquises. Cette étape permettra de mettre en place un support de discussion lors des étapes suivantes.

Plusieurs représentations sont possibles, il s'agit des mêmes que nous avons présentées en section 1.2.1.4 : liste non-séquentielle, liste séquentielle, graphe d'état, décomposition hiérarchique, diagramme UML et ontologie.

Il est indispensable que la représentation soit adaptée à l'objectif de la discussion entre l'expert et l'analyste. Si l'objectif de cette dernière est de dénir le déroulement de la tâche étudiée, une liste non-séquentielle est adap-tée. Mais si l'objectif est d'expliciter les rôles des acteurs et leurs relations avec les concepts, une représentation hiérarchique sera plus adaptée qu'une liste non-séquentielle. Ainsi au cours de la maturation, il ne faut pas hésiter à changer de type de représentation.

2.1.2.3 Éliciter les connaissances de l'expert

L'objectif de l'élicitation est d'amener l'expert à rendre explicites ses connaissances tacites associées au domaine d'étude. En eet, lorsqu'un ex-pert dans son domaine explique une tâche, il a tendance à oublier certaines subtilités qui sont devenues des réexes pour lui. Or, ce sont souvent ces subtilités qui permettent de bien comprendre le déroulement de la tâche.

Plusieurs méthodes permettent cette élicitation :

- interviews : le but est de rendre explicites toutes les étapes impliquées dans l'accomplissement des tâches, les points clés pour la prise de dé-cision, les connaissances conceptuelles nécessaires et les informations permettant à l'expert de déterminer le début d'une sous-tâche. Il existe trois types d'interviews :

1. les interviews structurées : l'analyste pose à l'expert des questions précises et déterminées à l'avance. Dans ce type d'interviews, on ne s'écarte pas des questions préétablies ;

2. les interviews non structurées : seul le sujet est déterminé, la dis-cussion est plus libre et l'analyste doit rebondir sur les points qui nécessitent une précision de la part de l'expert ;

3. les interviews semi-structurées : une série de questions précises est déterminée à l'avance, mais l'analyste doit rebondir sur les points qui nécessitent une précision de la part de l'expert ;

- analyse de l'explicitation verbale du processus : l'expert explique à haute voix, les tâches et sous-tâches qu'il eectue lors de l'exécution du processus ;

- méthode CPP (Concepts, Processes and Principles) [83] : il s'agit d'une méthode impliquant plusieurs interviews permettant de rendre compte des connaissances inconscientes et des automatismes acquis par l'expert pendant sa pratique. Ceci nécessite plusieurs experts décrivant la même procédure et des cycles de vérication entre experts ;

- méthode de décision critique [84] : il s'agit d'une méthode basée sur des interviews semi-structurées, où il est demandé à l'expert d'expli-quer les processus cognitifs qui sont mis en jeu pour la résolution d'un problème critique.

Pour l'ensemble de ces méthodes, il est conseillé d'enregistrer les échanges plutôt que de vouloir prendre des notes exhaustives. Ceci permet de mettre en place un vrai échange entre l'expert et l'analyste.

Les deux dernières méthodes citées utilisent intrinsèquement des inter-views, mais nous considérons qu'il s'agit de méthodes propres, car le proces-sus est clairement déni. En pratique, les interviews sont souvent les plus utilisées, car elles sont faciles à mettre en place et comparées à une explica-tion verbale du processus, elles n'interfèrent pas dans le déroulement normal de celui-ci. Cependant, cette explication verbale permet de fournir un sup-port concret à la discussion ce qui peut permettre à l'analyste de demander clairement à l'expert d'expliciter ce qu'il est en train de réaliser.

2.1.2.4 Analyser et vérier les données recueillies

Comme dit précédemment, l'enregistrement des échanges permet de mettre en place un vrai dialogue, cependant il nécessite par la suite une retranscrip-tion et une analyse an de pouvoir en extraire les informaretranscrip-tions utiles. Ces in-formations permettront de mettre à jour la représentation des connaissances et si nécessaire de la faire évoluer vers une représentation plus formelle.

Lorsque cette analyse est faite, il est nécessaire d'obtenir la validation du modèle par les experts. Ceci se fait principalement sous forme de discussions où l'analyste propose aux experts le modèle, sous la forme d'une représen-tation qu'ils peuvent comprendre. Si l'expert ou l'analyste considèrent que le modèle ne prend pas en compte l'ensemble des éléments pour eectuer la tâche, on reprend la phase d'élicitation. Ce processus est itératif jusqu'à ce que le modèle des tâches et des processus cognitifs soit estimé comme correct et exhaustif.

2.1.2.5 Mise en forme des résultats pour l'application désirée Les contraintes dénies par une application ne sont pas toujours en adé-quation avec celles permises par la représentation des connaissances choisie. Dans ces cas, il est nécessaire de formater les résultats an de pouvoir les utiliser. Par exemple, dans le cas des systèmes d'assistance par ordinateur, la connaissance représentée sous forme de liste séquentielle ne prend pas en compte l'ensemble des contraintes, principalement celle de cardinalité, dont le système a besoin pour fonctionner correctement.

La mise en forme des résultats peut se faire par un changement de la re-présentation choisie ou par leurs intégrations dans un langage compréhensible par un logiciel. Par exemple, l'ontologie my Corporis Fabrica (MyCF), basée sur FMA, dédiée à l'anatomie faisant le lien entre les connaissances abstraites et des patients réels, a été mise en forme pour permettre le développement d'une application an de faciliter la modélisation 3D et à la simulation de l'anatomie3.

Dans cette section, nous avons rapidement présenté quelques méthodes permettant la modélisation des connaissances et détaillé l'une d'entre elles : l'analyse des tâches cognitives. Dans la section suivante, nous allons décrire comment nous avons utilisé cette dernière an de modéliser la rectopexie et les événements indésirables qui peuvent survenir lors de cette opération.