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Les écrits hagiographiques sur saint Melaine

B- La lettre aux prêtres Lovocat et Catihern écrite, entre autres, par Melaine

II- Les écrits hagiographiques sur saint Melaine

La première attestation du saint Melaine se trouve dans le liber in gloria confessorum de Grégoire de Tours, commencé en 570 et achevé en 587 ou 588. Le miracle qui y est relaté mentionne un édifice sur son tombeau qui brûla mais qui épargna le tombeau du feu. Il témoigne d’un culte voué à l’évêque Melaine, peu après sa mort vers 530481. Saint Melaine est

commémoré dans le martyrologe hiéronymien482 dès le VIIe siècle pour son ordinatio, le 6 janvier, et sa depositio, le 6 novembre483.

Mais qu’est un « saint »484 ?

« Sanctus » est un mot latin qui, dans son emploi antique désigne tout ce qui touche à la divinité, ou par extension, une personne vertueuse, un saint dans le sens moderne. Les saints sont l’ensemble des fidèles promis au paradis. Au début du christianisme, le mot « sanctus » était employé à l’écrit comme titre officiel et protocolaire de l’évêque. Ce n’est qu’à partir du Ve siècle qu’il est employé comme une distinction et désigne le personnage saint. Le terme

« confessor », celui qui a proclamé sa foi, prend un sens plus large en désignant tous les saints non-martyrs, mises à part les femmes485. Un saint est une personne distinguée dans la société par son lien plus intime avec les choses célestes.

A partir de saint Martin de Tours, c’est-à-dire au IVe siècle, étaient vénérées comme

saint souvent des personnes qui défendaient et répandaient la foi chrétienne, lesdits confesseurs. Les saints étaient considérés comme des intercesseurs efficaces en rapport à Dieu. A cette époque, les évêques devenaient souvent des saints pour leur œuvre pour la foi chrétienne et les croyants attribuaient des forces surnaturelles à leurs reliques486. C’est avec les saints confesseurs que les saints devenaient des imitateurs du Christ qui pouvaient être vénérés et

481 Gregorius Turonensis, Liber in Gloria Confessorum, Bruno, KRUSCH, Bruno, ARNDT ; Wilhelm (éd.),

Hannovre :MGH, 1969, p. 329-330, t. 2, RUDELT, Anna (trad.)., p.

482 C’est le martyrologe latin le plus ancien qui reprit un calendrier romain, africain et un martyrologe oriental pour

faire un calendrier des saints de chaque jour avec quelques détails sur leurs passions ou leurs vies, notamment des noms et des villes. Cf. DUBOIS, Jean, « Martyrologium Hieronymianum », in Lexikon des Mittelalters, Stuttgart: Metzler, [1977]-1999, vol. 6, cols 360-361, (Brepolis Medieval Encyclopaedias - Lexikon des Mittelalters Online), (consulté le 07/03/2017).

483 POULIN, Joseph-Claude, « Melanius », LexMA.

484 Nous tenons ici à une vue d’ensemble des caractéristiques principales des saints sans prétention aucune à

l’exhaustivité à ce sujet.

485 PICARD, Jean- Charles, « Les saints dans les églises latines des origines au IXe siècle », in PICARD, Jean-

Charles, Evêques, saints et cités en Italie et en Gaule : études d’archéologie et d’histoire, Rome : Ecole française de Rome, 1998, p. 337-347, p. 337 sq.

486 VAUCHEZ, André. « Heilige, I, Heiligkeit », in Lexikon des Mittelalters, Stuttgart: Metzler, [1977]-1999, vol.

93 invoqués afin d’obtenir leur intercession. Les saints de la Gaule offraient une orientation, tout un chacun posa les fondations du christianisme en proposant un guide spirituel pour le quotidien487. Le culte des saints devient un des aspects fondamentaux de la religion

chrétienne488. Leur existence était déterminée par leur efficacité c’est-à-dire leur intercession dans la vie réelle489. Selon Grégoire de Tours, les saints « non seulement resplendirent de l’éclat de leurs mérites mais brillèrent aussi par l’éclat de leurs enseignements ». Les saints personnages sont une manifestation de la permanence de la providence divine490. Le culte des saints transpose le modèle des relations humaines de l’Antiquité tardive à la cité de Dieu. Le saint, ami ou patron, est prié d’intercéder auprès de Dieu comme le faisaient les membres de l’aristocratie proches du pouvoir491. Peter Brown définit les saints de sorte qu’ils comblent le

vide laissé par la mort et l’absence momentanée du Christ. Ils permettent d’établir un contact à la fois personnel et collectif ave la divinité, ce faisant, ils effacent les limites que l’Antiquité a tracées entre Ciel et Terre, divin et humain, vivant et mort, espace civique et non civique492. La vertu du saint agit le mieux là où il repose, c’est de là qu’il rayonne, bien que l’on puisse l’invoquer partout. La virtus d’un saint peut être invoquée pour les vivants ou pour les défunts, et elle se manifeste surtout contre les mauvais esprits et les démons, qui sont une conséquence des péchés493.

De manière plus générale un saint est un modèle spirituel pour les croyants dont la vie, dégagée des pesanteurs de la vie temporelle, tend à démontrer son mérite de vivre aux côtés de Dieu sans attendre le Jugement Dernier et son efficacité de participer à la virtus divine dont il est l’instrument494. Les différents saints revêtent différentes formes de sainteté495.

Pour résumer la définition d’un saint, nous laissons parler Grégoire le Grand496 :

487 REIMITZ, Helmut, History, Frankish Identity…, p. 48. 488 PICARD; Jean- Charles, « Les saints… », p. 340.

489 DAXELMÜLLER, Christoph, « Heilige II, Heiligenverehrung in Liturgie und Volksfrömmigkeit », in Lexikon

des Mittelalters, Stuttgart: Metzler, [1977]-1999, vol. 4, cols 2015-2017, (Brepolis Medieval Encyclopaedias -

Lexikon des Mittelalters Online), (consulté le 09/04/2017).

490 Grégoire de Tours, La Vie des Pères, PIETRI, Luce (éd. et trad.), Paris : Les Belles Lettres, 2016, p. VIII sq. 491 PICARD; Jean- Charles, « Les saints… », p. 340.

492 GOULLET, Monique, « Introduction : saints et hagiographie », in WAGNER, Anne (dir.), Les saints et

l’histoire, Sources hagiographiques du haut Moyen Age, Paris : Bréal, 2004, p. 8- 22, p. 9.

493 PICARD; Jean- Charles, « Les saints… », p. 340.

494 Cf. Ibid., p. 346, DIERKENS, Alain, « Réflexions sur le miracle au Haut Moyen-Age », in Miracles, prodiges

et merveilles au Moyen-Age, Paris : Publications de la Sorbonne, 1995, p. 9-30, p. 15.

495 Grégoire de Tours, La Vie des Pères…, p. VIII sq.

496 In expositione quippe qualiter inuenienda atque tenenda sit uirtus agnoscitu, in narratione uero signorum

cognoscimus inuenta ac retenta qualiter declaratur. Et sunt nonnulli quos ad amorem patriae caelestis plus exempla quam praedicamenta succedunt. Fit uero plerumque in audientis animo duplex adiutorium in exemplis patrum, quia et ad amorem uenturae uitaeex praecedentium conparatione accenditur, et iam se esse aliquid

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« […] Dans les commentaires sur l’Ecriture, on reconnaît comment la vertu doit être acquise et gardée ; dans le récit de miracles, nous connaissons comment une fois acquise et gardée, elle est mise en lumière. Certains sont plus embrasés d’amour pour la patrie céleste par des exemples vivants que par des énoncés. Très souvent, en tout cas, l’esprit de l’auditeur trouve un double avantage dans les exemples des Pères, car il se sent embrasé d’amour pour la vie future par la comparaison de ses devanciers, et s’il estime être quelque chose, il s’humilie en apprenant que d’autres ont agi mieux que lui. »

aestimat, dum de aliis meliora cognouerit, humiliatur. Grégoire le Grand, Dialogues I, DE VOGÜE, Adalbert

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A- Le miracle dans le Liber in gloria confessorum de